Guy Erismann ou le pouvoir de séduction de la musique tchèque

Guy Erismann

« La musique de Bohême et de Moravie jouit d’un pouvoir de séduction dont on cherche en vain les raisons objectives », a écrit Guy Erismann dans son livre « La musique dans les pays tchèques ». Lui même d’ailleurs a été victime de cette séduction qui lui a apporté beaucoup de bonheur et énormément de matière pour ses recherches musicologiques. C’est pour rendre hommage à ce musicologue français qui aimait passionnément notre musique que la Fondation Bohuslav Martinu et l’Institut français ont donné, vendredi dernier, au palais Palffy de Prague, un concert spécial avec l’ensemble Dumky Trio de France et le Trio Smetana de République tchèque.

Auteur des monographies des quatre plus grands compositeurs tchèques Smetana, Dvorak, Janacek et Martinu et d’un important ouvrage encyclopédique « La musique dans les pays tchèques », Guy Erismann était aussi un animateur infatigable des relations musicales tchéco-françaises. Bien que sa vie terrestre se soit achevée en septembre dernier, son oeuvre continue à vivre dans ses livres, certes, mais aussi dans l’intérêt profond pour la musique tchèque qu’il a su éveiller chez des musiciens et une partie du public en France. Frédéric Lagarde, du Dumky Trio qui s’est produit au palais Palffy, n’est pas prêt d’oublier non plus les liens qui se sont créés entre son ensemble et Guy Erismann:

« Les rapports ont été très proches tout de suite. Guy Erismann nous a beaucoup soutenus. Il a vu que nous étions attirés par la musique tchèque, par le répertoire tchèque et peut-être a-t-il trouvé que nous avions à faire quelque chose de bien avec cette musique. Alors, nous avons eu tout de suite cette collaboration autour de ces compositeurs – Janacek, Martinu, Dvorak, Smetana qui nous a beaucoup réunis. Et nous avons eu l’occasion de jouer pour lui ces pièces, de les travailler avec lui, nous avons eu l’occasion d’écouter ses conférences, de discuter avec lui et ainsi de pouvoir apprendre beaucoup de choses sur ces compositeurs. C’était une collaboration très instructive pour nous. »

A-t-il aussi influencé votre répertoire?

« Oui, certainement. D’une certaine manière, oui, parce que, vous savez, c’était un grand passionné. Il adorait la musique et en l’entendant parler ou en lisant ses livres sur Martinu, Dvorak, Janacek, on avait tout de suite envie de parcourir cette musique, de se plonger dedans et de vivre cette atmosphère de la musique tchèque qui est tellement particulière. Alors oui, à cet égard, il nous a donné vraiment envie de plonger dans ce répertoire. Et c’est certainement en partie grâce à lui qu’aujourd’hui nous avons joué tous les trios de Dvorak, tous les trios de Martinu, les pièces de Janacek et de Smetana aussi. »

La violoncelliste du Dumky Trio, Véronique Marin, garde aussi un souvenir bien vivant du musicologue disparu:

« J’ai un souvenir très fort qui m’a beaucoup marquée en fait. C’était juste avant un des concerts qu’il avait pour habitude de présenter au Centre tchèque à Paris. Et je me souviens que ce soir-là je devais jouer les ‘Variations slovaques’ de Martinu avec le Dumky trio. Guy Erismann est resté pratiquement de 14 à 18 heures à nous écouter. Il était vraiment très à l’écoute de ce qu’on faisait… Et je me souviens que justement dans ces variations je ne devais pas être très dans la musique et cherchais un peu comment faire les choses. Et puis il m’a parlé. Il m’a parlé de Martinu et cela a complètement métamorphosé mon envie de jouer. Cela m’a vraiment poussée à faire de la musique. C’est quelque chose de très marquant. C’était quelqu’un qui était toujours dans le positif, toujours de bonne humeur, quelque soit la situation... »