Hamlet d'Ambroise Thomas à l'Opéra d'Etat de Prague

Les compositeurs français occupent une place importante dans le répertoire de l'Opéra d'Etat de Prague. Trois oeuvres de trois époques différentes font partie de ce que la direction du théâtre appelle le Projet français. Dans son cadre, on a présenté, déjà, au public pragois Robert le Diable de Mayerbeer, Ariane et Barbe Bleu de Dukas et Elephant man de Petitgirard. Ce mois-ci, Vaclav Richter a assisté à la première de Hamlet d'Ambroise Thomas, premier volet d'un autre projet ambitieux de ce théâtre, projet intitulé Shakespeare à l'opéra.

Hamlet d'Ambroise Thomas, sur la scène de l'opéra d'Etat, est une production internationale réalisée par des artistes de plusieurs pays. L'opéra existe en plusieurs versions dont la première ne finit pas, comme chez Shakespeare, par la mort de Hamlet, mais par son avènement au trône du Danemark. Pour Prague, on a choisi, cependant, la version respectant la fin tragique de la pièce du dramaturge anglais. L'aspect philosophique de la pièce est, pourtant, atténué et l'attention est fixée sur les passions des personnages. Le metteur en scène suisse, Dieter Kaegi, a situé le drame dans une époque non définie, cherchant sans doute à souligner les thèmes intemporels abordés par Shakespeare. La scène imaginée par la scénographe allemande, Stefanie Pasterkamp, est un grand espace rectangulaire et clos avec un escalier, qui assure le changement de décors, car il se déplace sur la scène, au moyen de rails. Au milieu de cet espace quasi carcéral, il y a un grand carré rempli de sable brun, une espèce de tombeau collectif qui doit symboliser, selon la scénographe, le sort tragique des personnages. Les chanteurs pataugent et s'embourbent dans cette terre défrichée, qui rend difficile leurs évolutions, souligne parfois les conflits intérieurs des personnages, mais devient, aussi, un élément gênant qui accapare trop d'attention, au détriment de l'efficacité dramatique. L'orchestre arrive à rendre les qualités de la musique d'Ambroise Thomas qui est souvent belle et passionnée, mais n'est pas exempte, non plus, de moments de fadeur. Lors de la première, les chanteurs dans les rôles principaux étaient assez convaincants. La cantatrice slovaque, Maria Haan, a donné à Ophélie une voix solide et souple, nécessaire pour ce rôle difficile. La distribution a été dominée par le baryton français, André Cognet, un Hamlet jeune et beau dont la voix chaude, ample et malléable ne manquait pas d'accents poignants et arrivait, par moments, à nous faire partager le sort du prince du Danemark.