Hanuš Jelínek, homme qui a jeté un pont entre Tchèques et Français

Hanuš Jelínek, photo: CTK

«J’aime la France parce qu’elle m’a appris à aimer ma patrie, » a dit Hanuš Jelínek qui a été sans doute le plus grand animateur des relations tchéco-françaises au cours de la première moitié du XXe siècle. Ce poète, journaliste, traducteur et diplomate, qui a vécu entre 1878 et 1944, a consacré toute sa vie à rapprocher les cultures tchèque et française et a laissé à la postérité une oeuvre qui est loin d’être appréciée aujourd’hui à sa juste valeur. Récemment le Musée de la littérature nationale à Prague a consacré à Hanuš Jelínek une soirée qui a démontré que ce poète et traducteur n’est pas oublié et qu’au moins une partie de son oeuvre reste étonnamment vivante.

Hanuš Jelínek,  photo: CTK
Le dramaturge et traducteur, Michal Lázňovský, un des organisateurs de la soirée, a évoqué l’oeuvre de Hanuš Jelínek au micro de Anne-Claire Veluire:

«C’était une proposition du Musée de la littérature nationale d’organiser une soirée pour le 130e anniversaire de la naissance de Hanuš Jelínek. Ce n’est pas, certes, une date très importante, mais avant il n’y avait pas beaucoup d’occasions pour présenter Hanuš Jelínek au public tchèque, parce que, sous le régime communiste, c’était quelqu’un qui n’était pas très apprécié. Il était considéré comme dépassé, comme faisant partie de l’histoire, et même la francophilie n’était pas très bien vue. Heureusement, nous avons eu maintenant cette occasion de présenter son œuvre au public francophile et j’apprécie beaucoup cette tentative de faire connaître un peu plus l’oeuvre de Hanuš Jelínek parce que c’est quelqu’un qui est très connu par son oeuvre, mais qui n’est pas connu en tant que personnalité. Ce sont surtout des chansons françaises traditionnelles ou si vous voulez la poésie populaire française qui ont été transmises, traduites et adaptées en tchèque par lui. Il l’a fait surtout dans les années 1920 et 1930, à l’époque où le public était épris de la modernité, dans la vague d’intérêt pour la poésie populaire qui coïncidait avec les courants modernes, le surréalisme, le dadaïsme etc. Jelínek a donc fait connaître au public cette poésie française, et c’était tellement bien traduit que les Tchèques, qui aiment beaucoup chanter, se sont appropriés tout cela. Cette poésie populaire française est devenue une partie du patrimoine tchèque. »


Aujourd’hui, beaucoup de Tchèques connaissent ces chansons mais souvent ils ne savent plus qu’elles sont traduites par Jelínek. Sous sa plume, ces chansons traduites en tchèque sont devenues de petits poèmes qui se prêtent merveilleusement à être chantées. On les chante lors des soirées publiques, dans des tavernes tchèques, autour d’un feu le soir dans les montagnes. Michal Lázňovský est convaincu que c’est très important pour notre culture même si ce n’est pas officiellement apprécié:

«On ne connaît pas très bien la vie de Hanuš Jelínek à part ce qu’il a écrit, lui-même, dans ses Mémoires. Et c’est une occasion, je l’espère, d’y penser et de commencer à travailler dessus parce que cela fait partie du patrimoine. Et comme nous sommes dans une période où il faut repenser un peu notre histoire, la revoir et la réviser, parce que ce que nous avons appris à l’école, c’était une histoire déformée, on est en train de commencer à refaire notre vraie histoire.»


Hanuš Jelínek,  photo: CTK
C’est en 1900, que le Mercure de France publie le premier article de Hanuš Jelínek et le jeune homme se lance dans le journalisme. Bientôt ses articles sont publiés dans une quarantaine de journaux et de revues en France. Aussi à l’aise en français qu’en tchèque, il devient un grand spécialiste de la culture et de la civilisation française, donne beaucoup de conférences, traduit de nombreux écrivains et poètes et réunit une grande collection de chansons populaires de Franche-Comté, de Picardie, de Bretagne, d’Auvergne et d’autres régions de France. Il est également l’auteur d’une grande Histoire de la Littérature tchèque écrite en français par un Tchèque pour les Français.

«La proposition d’organiser cet hommage à Hanuš Jelínek, dit Michal Lázňovský, me paraît vraiment comme une possibilité d’ouvrir un peu une partie de notre histoire qui n’impressionne pas trop, mais qui est très importante. Jelinek était un vrai francophile qui a fait le travail de médiation entre les deux cultures, il servait de pont entre Tchèques et Français. Et notre vrai but était de le montrer avec la participation de M. Rudolf Pellar, grande vedette de la soirée. M. Pellar qui a 85 ans, est un chanteur et traducteur, un intellectuel pragois qui aime chanter cette poésie-là et grâce à qui on connaît ces chansons depuis des dizaines d’années. Alors, j’ai insisté absolument pour le faire venir parce que cela fait partie de notre mémoire. Ce n’est pas reconnu officiellement mais très connu parmi les gens, profondément intégré dans notre culture disons ‘spontanée’. On ne se rend pas suffisamment compte que cette culture mine de rien, pas officielle, pas intellectuelle fait partie de notre mémoire, de notre culture, de notre spécificité tchèque.»