Holocauste des Roms : un nouveau site Internet propose les témoignages de survivants
Ils sont souvent les oubliés de l’Histoire. Près de 80 ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le génocide des peuples roms fait toujours l’objet d’une faible documentation. C’est pour combler ce vide dans la mémoire collective qu’un nouveau site Internet (svedectviromu.cz) rassemblant les témoignages de Roms et de Sintis tchèques et slovaques dont la vie a été marquée par la répression nazie, a été lancé mercredi.
Emílie Machálková avait 16 ans quand sa famille a été déportée en 1942. Sauvée comme ses frères et sœurs par le maire du petit village de Nesovice (Moravie), où la famille Machálková résidait alors, Emílie, devenue chanteuse après la guerre, était la dernière Rom tchèque à avoir survécu à l’Holocauste. Son arrière-grand-père avait lutté pour le droit des Roms à vivre dans les villages, eux qui en sont longtemps restés exclus. Si Emílie, qui était surnommée Elina, est décédée en 2017, son témoignage fait partie de ceux qui figurent sur le nouveau site.
Ce n’est pas le seul. On y trouve aussi ceux d’Alžběta Danielová, de František Vrba, d’Hilda Laníková, de Jan Bystřický et de quelques autres encore.
Eux aussi, comme des milliers d’autres, sont passés par les camps de Hodonín, dans le sud de la Moravie, ou de Lety, dans le sud de la Bohême, sous le protectorat. Et beaucoup de leurs proches sont morts à Auschwitz ou dans les marches de la mort. Leurs témoignages sont désormais disponibles sur la nouvelle base de données en ligne svedectviromu.cz (littéralement « témoignagesdesroms.cz »). Ce site web unique en son genre a été lancé par le Forum pragois pour l’histoire des Roms, un groupe de travail qui dépend de l’Institut d’histoire contemporaine de l’Académie des sciences, à l'occasion de la Journée de la Mémoire de l’Holocauste des Roms. Son ambition ? « Présenter le regard des Roms et des Sintés des pays tchèques et de Slovaquie sur la Deuxième Guerre mondiale. »
Spécialiste, entre autres, de l’histoire globale de l’Europe centrale et de l’histoire des Roms au XXe siècle, Kateřina Čapková est l’une des auteures du projet svedectviromu.cz :
« J’ai commencé à m’intéresser à l’histoire des Roms il y a huit ans et j’ai alors été choquée de découvrir qu’il n’existait rien dans le monde où seraient rassemblés des témoignages de Roms sur la guerre. Nous avons trouvé terriblement étrange de ne rien trouver sur Internet, contrairement aux témoignages des Juifs qui sont très nombreux. Cela s’explique en partie par le fait qu’il n'existe pas d’organisation centrale de recherches sur les Roms à l'échelle mondiale. Ces témoignages sont pourtant une source-clé si on souhaite mener des recherches sur un génocide quel qu’il soit. »
Pour l’heure, la base de données comprend une centaine d’histoires, et au moins moins une centaine d’autres témoignages devraient être ajoutés au cours des deux prochaines années. Un travail pas toujours évident, comme le reconnaît Renata Berkyová, à l’origine elle aussi du projet et de l’important travail de recherche :
« Nous nous basons sur des sources et de la documentation déjà publiées qui contiennent ces témoignages de survivants roms qui ont accepté de les faire connaître. Nous espérons que cette base de données pourra aider les familles des survivants et plus généralement les familles de la communauté rom qui aspirent à perpétuer la mémoire de toutes les victimes.»
Le peuple d’origine rom qui était installé sur les territoires de la Bohême et de la Moravie a été massivement massacré dans les camps de concentration. Seuls quelques centaines des déportés sont revenus après la guerre.
Outre les témoignages mêmes, le site Internet, accessible aussi en anglais, propose également, par exemple, un glossaire qui explique les termes et les événements qui figurent dans l’évocation des souvenirs des survivants.