Homophobie et discriminations sur l’orientation sexuelle : une situation « plutôt bonne » en République tchèque
Quelle est la situation des homosexuels en République tchèque ? A cette question s’est intéressée cette année une agence de l’Union européenne. Dans ce rapport publié en mars, il est notamment question du « partenariat enregistré », de lois anti-discrimination ou de la situation des transsexuels en République tchèque.
Ce rapport fait suite à un précédent rapport publié en juin 2008 : la première partie était consacrée à la « situation légale », cette seconde partie s’intéresse elle à la « situation sociale », c’est-à-dire notamment à l’homophobie et à la façon dont les minorités sexuelles sont considérées dans la société.
Pour l’agence européenne, un institut danois de recherche sur les droits de l’homme a rassemblé des informations sur la situation des homosexuels, lesbiennes, bisexuels et transsexuels et plus précisément sur la façon dont ils étaient acceptés par la société dans les 27 Etats de l’UE.
Au moment de la parution du rapport, fin mars, les médias tchèques avaient rapporté quelques unes des conclusions de l’agence, notamment « l’attitude hostile de certains hommes politiques ». Avait été également souligné le manque de soutien de la part des forces de l’ordre, qui « n’ont pas pu ou pas voulu protéger » des manifestants, comme l’année dernière à Brno, où des extrémistes de droite avaient attaqué des participants à la Gay-Pride.
Pour la République tchèque, le rapport s’est notamment appuyé sur un document rédigé en 2008 par Olga Pechová, psychologue à l’université d’Olomouc, et Martina Štěpánková. Martina Štěpánková travaille pour Poradna Prava, une ONG d’une douzaine de membres qui apporte son soutien aux personnes victimes de discriminations, notamment tsiganes ou homosexuelles. Radio Prague l’a rencontrée : pour elle, la situation des minorités sexuelles en République tchèque est plutôt bonne, même si certains points restent à améliorer.
« La situation des minorités sexuelles, des gays et lesbiennes, des personnes bisexuelles, en République tchèque est plutôt bonne. D’abord, la société est assez tolérante et en matière de reconnaissance officielle un progrès considérable a été atteint grâce à l’adoption de la loi sur le partenariat enregistré. Ceci dit, la situation est loin d’être idéale. Les personnes appartenant aux minorités sexuelles sont victimes de toutes sortes de discriminations ou d’attaques hostiles de la part de la société majoritaire. Ces attaques ne sont pas très fréquentes, il est vrai, mais elles existent quand même. Des manquements existent, aussi, dans le domaine du droit familial, il n’y a pas par exemple la possibilité d’adopter les enfants, d’adopter l’enfant de son partenaire ou l’enfant d’un foyer. Une telle possibilité est entièrement exclue. »
Le partenariat enregistré que mentionne Martina Štěpánková a été adopté il y a bientôt deux ans, en juillet 2006. Outre la question de l’adoption, le partenariat présente plusieurs limites pour les droits de propriété et le partage des biens. Autre point souligné dans ce rapport de l’agence européenne, la directive européenne 2000/78, relative à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. La directive était un sujet épineux il y a encore quelques jours mais fait maintenant partie des problèmes résolus.
Une directive, c’est en effet un texte adopté à l’échelle de l’Union Européenne mais que chaque Etat a ensuite l’obligation de transposer dans sa législation nationale. Et c’est justement la transposition dans la législation tchèque de cette directive adoptée en 2000 qui posait problème.
Le texte anti-discrimination, « antidiskriminační zákon », que la République tchèque aurait du adopter dès son adhésion en 2004, avait été adopté l’année dernière seulement par les députés mais s’était ensuite heurté en mai 2008 au véto du Président Klaus. Seule l’adoption par la majorité absolue des députés, 101 voix donc, pouvait surmonter le véto présidentiel. Après un an d’attente et sous la menace de sanctions de la part de la Commission européenne pour manquement, le texte anti-discrimination a été finalement adopté la semaine dernière, à la suite d’un compromis entre les deux principaux partis politiques, les sociaux-démocrates et l’ODS : jeudi 17 juin, 118 députés ont ainsi voté pour le texte, six ayant voté contre.
L’adoption de la loi permet de doter la lutte contre les discriminations, et notamment les discriminations sur l’orientation sexuelle, d’outils supplémentaires, comme l’explique Martina Štěpánková:« Avec l’adoption de la loi anti-discrimination, la discrimination, contre les minorités sexuelles et les minorités en général, est interdite dans toute une série de domaines. Cela touche les domaines comme l’éducation, la formation, l’accès aux soins sanitaires, aux marchandises et aux services. La loi en question est aussi tenue de définir précisément ce que c’est la discrimination ainsi que de définir les conditions de plainte en justice pour cause de discrimination. La loi définit aussi un organe anti-discrimination, le médiateur ou Ombudsman, auquel les personnes concernées pourront adresser leur demande d’aide ».
Enfin, dernier point plus préoccupant, la situation des transsexuels, confrontés à de nombreuses difficultés, notamment pour trouver un travail. Le faible nombre de recherches rend difficile d’estimer précisément les discriminations, mais leur situation est plus préoccupante explique Martina Štěpánková :
« La situation des personnes transsexuelles en République tchèque est dans beaucoup de domaines plus difficile que celle des gays et lesbiennes. Par exemple quand celles-ci décident de changer de sexe, elles sont beaucoup plus exposées à la discrimination de la part de leurs employeurs. D’une manière générale, leur acceptation par la société majoritaire est moins bonne que quand il s’agit de gays ou de lesbiennes. Alors, s’agissant des minorités sexuelles, ils représentent un des groupes les plus vulnérables. »