Il ne reste qu’une survivante du massacre de Lidice

Les obsèques de Miloslava Kalibová, photo: ČTK/Michal Kamaryt

On les appelait « lidické ženy », les femmes de Lidice, celles qui avaient survécu au massacre du petit village de Bohême centrale, perpétré par les nazis le 10 juin 1942. Elles étaient 143 à rentrer, après la Seconde Guerre mondiale, en Tchécoslovaquie. Miloslava Kalibová, dont les obsèques se sont déroulées ce mardi à Prague, était l’une des deux dernières survivantes de la tragédie de Lidice, cet « Oradour-sur-Glane tchèque ».

Les obsèques de Miloslava Kalibová,  photo: ČTK/Michal Kamaryt
Décédée le 27 décembre dernier, deux jours avant son 97e anniversaire, Miloslava Kalibová faisait partie de ces rescapés qui se rendaient dans des écoles, participaient à des débats et accueillaient chez eux des journalistes et des cinéastes, tout cela pour transmettre la mémoire de la Seconde Guerre mondiale aux nouvelles générations.

L’historienne Gabriela Havlůjová a recueilli, elle aussi, les souvenirs Miloslava Kalibová :

« Elle parlait de ses souvenir du massacre de Lidice et de ce qu’elle a vécu ensuite au camp de concentration avec une certaine distance, presque sans intérêt. Au fil du temps, j’ai compris que c’était pour elle une manière de se protéger. »

Le massacre de Lidice,  photo: ČT24
Le massacre de Lidice, commune située près de Kladno, à une vingtaine de kilomètres au nord de Prague, est considéré comme l’une des pires atrocités commises dans l’histoire du pays. Le village a été rasé par les nazis le 10 juin 1942, en représailles de l'attentat contre Protecteur du Reich en Bohême-Moravie Reinhard Heydrich, un attentat perpétré par la résistance tchécoslovaque.

Une autre commune, celle de Ležáky, a été meurtrie quinze jours plus tard. Sur près de 500 habitants que comptait Lidice avant la guerre, 340 civils ont été assassinés : les hommes ont été fusillés au petit matin dans le village, tandis que les femmes et les enfants de moins de 16 ans ont péri en camps de concentration, à l’exception de quelques jeunes enfants placés dans des familles allemandes.

Les deux sœurs avec leur mère en 1945,  photo: Archives de Miloslava Kalibová
Agée de 19 ans au moment de la tragédie, Miloslava Kalibová, ainsi que sa sœur et sa mère, ont été déportées au camp de Ravensbrück. Elles y ont passé trois ans, sans rien savoir du sort de Lidice et des autres habitants du village. Les trois femmes ont également survécu aux marches de la mort à la fin de guerre pour enfin rentrer en Tchécoslovaquie en juin 1945. Dans une émission de la Télévision tchèque, Miloslava Kalibová s’est souvenue de ce retour difficile :

« Généralement, tout le monde est content de rentrer chez soi. Mais là, je me souviens que nous avons été accueillis par nos proches et nos amis qui ne voulaient pas que nous nous rendions sur le lieu du massacre. »

Les 143 femmes et 17 enfants de Lidice rescapés de la guerre n’ont trouvé strictement rien à l’emplacement de leur ancien village, juste un vaste champ. Car les nazis ont réussi à littéralement rayer la commune de la carte : ils ont détruit tous les bâtiments, y compris l’église Saint-Martin, supprimé le cimetière, vidé et comblé l’étang du village, dérivé le ruisseau local.

Jaroslava Skleničková,  photo: Archives de Radio Prague
Aussi étrange que cela puisse paraître, les femmes de Lidice ont été nombreuses à s’installer dans le nouveau village construit après la guerre non loin du lieu du drame, où se trouve aujourd’hui un mémorial (http://www.lidice-memorial.cz/). Tel était le cas de Miloslava Kalibová et de sa sœur Jaroslava, même si les deux femmes ne sont revenues à Lidice qu’à leur retraite.

« Nous ne nous rendons pas compte que les témoins directs de la Deuxième Guerre mondiale ont presque tous disparu. (…) Or aucune exposition audiovisuelle, aussi bonne soit-elle, ne peut jamais avoir la même force que le contact direct avec un témoin vivant », a déclaré l’ancien directeur du Mémorial de Lidice, Milouš Červencl, après le décès de Miloslava Kalibová.

Il ne reste plus que sa sœur cadette, Jaroslava Skleničková, la plus jeune des femmes de Lidice, âgée de 16 ans et deux mois au moment du massacre de son village, événement qu’elle a décrit dans son livre au titre éloquent « Si j’avais été un garçon, on m’aurait fusillée. »