Presse : Taïwan, manifestation anti-gouvernementale, aide européenne, statues, Lidice

Taipei, Taïwan, photo: CEphoto, Uwe Aranas, CC BY-SA 3.0

Cette nouvelle revue de presse propose d’abord quelques observations sur le voyage annoncé du président du Sénat Miloš Vystrčil à Taïwan. Elle se penche ensuite sur les nouveaux défis auquel fait face l’initiative Un million de moments pour la démocratie. Le phénomène de déboulonnage de statues et la situation économique seront deux autres sujets traités. Quelques mots enfin au sujet du village de Lidice, rasé par les nazis en juin 1942.

Taipei,  Taïwan,  photo: CEphoto,  Uwe Aranas,  CC BY-SA 3.0
« Un grand moment pour le Sénat, un grand moment pour la Tchéquie ». Tel est le titre d’un commentaire publié sur le site de l’hebdomadaire Respekt suite à l’annonce faite mardi par Miloš Vystrčil, président du Sénat tchèque, qu’il se rendrait bien à Taïwan. Son auteur a souligné à ce propos :

« On a failli oublier qu’une politique ouverte et audacieuse est finalement la meilleure chose que l’on puisse faire pour défendre les intérêts de la Tchéquie. Il faut remercier Miloš Vystrčil et son prédécesseur Jaroslav Kubera, récemment défunt, de nous l’avoir rappelé. »

Un commentateur du site aktualne.cz observe pour sa part que le président du Sénat renoue avec les valeurs de la révolution de Velours de novembre 1989. Il explique :

« Miloš Vystrčil est une apparition tant en Tchéquie qu’au sein du parti conservateur d‘opposition ODS dont il est membre. Ce qui rend son approche exeptionnelle, c’est qu’il met l’accent sur les droits de l’homme en se référant aux principes de l’ancien président Václav Havel. Des valeurs dont la République tchèque semble s’être éloignée depuis quelques années. Un autre point à retenir, c’est la réhabilitation du Sénat, dont l’utilité est souvent mise en doute et qui, pourtant, représente une des garanties de la démocratie. Une nouvelle fois en effet, la Chambre haute du Parlement a montré qu’elle était à même d’opposer une résistance au populisme et aux tendances autoritaires. »

« Ce voyage prévu à Taïwan est quelque chose d’important », remarque le commentateur du site ihned.cz qui estime que « la lutte pour la souveraineté de la Tchéquie pourrait apporter au Parti civique démocrate (ODS) d’intéressants points politiques. »

Le commentateur du site novinky.cz, quant à lui, est plus prudent dans son jugement. Il écrit :

« Pour une partie du spectre politique, le voyage planifié du président du Sénat Miloš Vystrčil à Taiwan est le signe d’une politique audacieuse de la République tchèque. Pour d’autres, il constitue une initiative délibérée et qui va à contre-courant de la politique officielle de la République tchèque et de l’Union européenne à l’égard de la Chine. Selon cette description simplifiée, il s’agirait d’une équation simple. Mais comme d’habitude, la vérité est située quelque part au milieu, elle n’est ni noire ni blanche. »

Un million pour la démocratie : penser désormais autrement

La manifestation de l’initiative Un million de moments pour la démocratie,  photo: ČTK/Vít Šimánek
« On en a assez ». Tel était le slogan de la nouvelle manifestation de l’initiative Un million de moments pour la démocratie, la première depuis le début de la pandémie de coronavirus, qui s’est tenue mardi à Prague. Un slogan qui, de l’avis du commentateur du quotidien économique Hospodářské noviny, est le signe d’une certaine frustration qui est plus ou moins justifiée. En effet, même si l’association arrive à organiser des manifestations à laquelle des centaines de milliers de personnes participent, ses revendications ne sont pas couronnées de succès. Il explique :

« Les revendications que l’initiative a formulées précédemment et concernant notamment le conflit d’intérêt du Premier ministre Andrej Babiš n’ont pas abouti. Ses avertissements face aux tentatives de la majorité gouvernementale d’acquérir la mainmise sur les médias sont restés vains. »

Au vu de ce constat et de la frustration grandissante, les leaders d’Un million de moments pour la démocratie commencent à penser autrement, ne se limitant plus uniquement à des appels d’ordre moral. Leur site évoque désormais des agendas différents, comme l’achèvement de la construction de la centrale nucléaire de Dukovany, la relance économique du pays ou la politique étrangère. De même, le journal Hospodářské noviny remarque que leur slogan « On en a assez » ne s’applique pas seulement au comportement du gouvernement, mais aussi à celui des partis d’opposition. « Dans cette logique, la transformation de cette initiative en une formation politique s’annonce plus probable que jamais », écrit-il.

En aidant les autres, s’aider soi-même

Photo illustrative: Gerd Altmann,  Pixabay,  CC0 1.0 DEED
Il faut admettre que la situation n’est pas bonne et que nous avons besoin de l’aide européenne. C’est ce que constate le commentateur du journal en ligne Deník.cz qui s’appuie sur quelques données économiques récentes : le déficit du budget de l’Etat estimé à 500 milliards de couronnes, la baisse de l’industrie nationale de 30%, le nombre croissant de chômeurs. Il a précisé à ce propos :

« Depuis six ans, on nous assurait que oui, la situation allait s’améliorer. Mais la situation est mauvaise et elle va s’aggraver. C’est vrai aussi pour les trois autres pays du groupe de Visegrad, la Slovaquie, la Pologne et la Hongrie dont le sommet s’est tenu ce jeudi au château de Lednice, en Tchéquie. Le coronavirus n’a pas fait beaucoup de victimes dans ces pays, il est vrai, mais les conséquences de l’interruption économique y sont dramatiques. Le besoin d’aide est donc nécessaire pour eux. C’est ce dont ils doivent tenir compte en participant aux négociations sur la répartition de l’immense enveloppe d’aide de l’Union européenne, tout en réalisant qu’il y a des pays comme l’Italie, l’Espagne, la France dont la situation est pire encore que la leur et qui devraient donc bénéficier d’une aide plus importante. »

Une aide pour ces pays est également une aide pour nous-mêmes, souligne le commentateur du journal en ligne Deník.cz. L’explication est simple : notre industrie dépend des débouché de ses produits vers ces destinations.

Le déboullonage de statues : un virus contagieux

La statue de Winston Churchill à Prague,  photo: ČTK/Michal Kamaryt
Un virus qui se manifeste par la destruction de statues prolifère à travers le monde, rapporte le journal Mladá fronta Dnes de ce jeudi. Selon l’auteur du texte consacré à ce sujet, ce phénomène serait lié à la montée du mouvement contre le racisme :

« Le démontage à Londres, ce mercredi, de la statue du trafiquant d’esclaves du XVIIIè siècle Robert Milligan ou encore celle du roi Léopold II à Anvers, le jour d’avant, en sont quelques-uns des exemples marquants. S’y ajoute la mutiplication de cas de dégradation de statues de personnages historiques, comme celles de Christophe Colomb et de Winston Churchill. Et comme cette approche radicale est tantôt saluée et tantôt durement critiquée, il s’avère que les statues représentent désormais un nouveau point de discordre qui divise les nations et les Etats. Ces mêmes débats ont accompagné le récent déplacement à Prague du monument à la gloire du général soviétique controversé Ivan Koniev et en sont donné un témoignage éloquent. »

L’auteur du texte publié dans Mladá fronta Dnes estime que le déboullonage de statues représente un virus aussi contagieux que le coronavirus. Après avoir évolué en Amérique, la vague a touché l’Europe et tout donne à croire qu’elle ne va pas faiblir de sitôt. « Verra-t-on ainsi disparaître dans les capitales du monde tous ces monuments variés qui servent de miroir aux différentes conceptions idéologiques de leur époque ? », s’interroge-t-il.

Se souvenir de Lidice comme d’un beau village tchèque

Lidice avant la destruction,  photo: Mémorial de Lidice
Quel souvenir devrait-on garder de la commune de Lidice rasée il y a 78 ans par les nazis 78 ans ? Une question à laquelle l’historien militaire Eduard Stehlík, directeur du Mémorial de Lidice, a répondu pour le site info.cz :

« Lidice mérite d’être inscrit dans les mémoires comme un beau village tchèque, doté d’une riche histoire, victime d’un crime perfide. Il y a jusqu’ici peu de choses le concernant que l’on connaît. Je m’en suis rendu compte en travaillant, il y a quelques années, sur mon premier livre sur Lidice. En consultant tous les textes publiés à son propos, j’ai dû constater qu’à quelques exceptions près, leurs auteurs ne se sont intéressés qu’à la date fatidique du 10 juin 1942 et aux événements qui ont suivi. »

L’historien rappelle que le régime communiste s’est servi du sort de Lidice à des fins de propagande. Pourtant, contrairement à ce que l’on a été habitué à croire pendant longtemps, Lidice n’était pas un village communiste. Cette image a commencé à s’estomper avec l’édification en 2000 du Mémorial de Lidice :

« A partir de cette date, les Tchèques ont appris à considérer Lidice comme un village tchèque normal mais donc l’histoire est particulièrement tragique ».