Il y a 100 ans était fondé le Parti communiste tchécoslovaque
Le 14 mai 1921, dans l’ancien quartier ouvrier de Karlín à Prague, s’ouvrait le congrès fondateur du Parti communiste tchécoslovaque (KSČ). Proportionnellement à la population du pays, un des plus grands partis communistes au monde voyait alors le jour.
Avant de régner, de manière quasi absolue, sur le pays de 1948 à 1989, le KSČ a d’abord été créé dans une Tchécoslovaquie nouvellement apparue sur la carte du monde qui, depuis la fin de la Grande Guerre et jusqu’à l’arrivée des troupes nazies en 1939, aura été la seule véritable démocratie en Europe centrale.
Même si tout n’était pas rose dans une Première République tchécoslovaque très industrielle où les inégalités sociales étaient importantes, c’est donc dans un contexte politique propice à l’apparition d’un nouveau parti que le KSČ s'est formé, et ce, comme l’avait souligné Michel Perottino, politologue et spécialiste du Parti communiste de Bohême et de Moravie, lors d’une interview sur nos ondes il y a quelques années :
« Le contexte politique est double entre, d’un côté, la création de la Tchécoslovaquie qui influe sur la situation politique et en particulier sur la situation au sein de la social-démocratie qui donnera naissance au Parti communiste, et, de l’autre, la révolution russe. »
Comme un an plus tôt en France, où il était issu du congrès de l’Internationale ouvrière, le Parti communiste en Tchécoslovaquie est né d’une scission des forces socialistes : concrètement du Parti social-démocrate tchécoslovaque.
Son premier président a d’ailleurs été un social-démocrate converti à l’idée de révolution, un certain Bohumír Šmeral. « Je le dis fièrement, je suis un communiste, autrement dit un bon vieux social-démocrate », déclarait-t-il ainsi en 1921.
Toutefois, comme le rappelle Michel Perottino, à la différence de la France, l’objectif du KSČ nouvellement créé n’était pas d’adhérer dans la précipitation à l’Internationale communiste :
« Avec la Russie bolchevique et révolutionnaire il existe des liens qu’on ne peut pas qualifier d’étroits, mais plutôt pratiques puisqu’il y a beaucoup de Tchécoslovaques qui sont en Russie à ce moment-là et qui sont entrain de rentrer, notamment les légions tchécoslovaques. Il y a aussi des liens plus politiques avec par exemple Šmeral, qui était l’un des principaux dirigeants de la social-démocratie, et qui s’est rendu en Russie au début des années 1920. Il existait donc déjà des contacts qui ont abouti à la création du Parti communiste. »
La Tchécoslovaquie de l’après-Première Guerre mondiale avait soif d’une politique de gauche. Une réalité dont était bien conscient son président Masayrk. Et si le parti social-démocrate, fort alors de ses quelque 350 000 membres, a été une partie prenante presqu’incontournable des premières coalitions gouvernementales, c’est davantage sa décomposition progressive qui a influencé le cours de l’histoire. Son aboutissement a été la naissance d’une nouvelle force communiste qui, très vite, a eu son mot à dire sur l’échiquier politique tchécoslovaque :
« C’est un parti qui va très rapidement participer aux élections mais qui se positionne de manière ambigüe. Sa position va évoluer, notamment l’élite du parti qui va profondément se modifier dans la deuxième moitié des années 1920. Il y a deux temps. La première partie des années 1920, durant laquelle le Parti se constitue, commence à créer ou à régénérer son idéologie et à se rattacher à la révolution bolchevique, et tenter de s’insérer dans la Tchécoslovaquie qui est en train de naître. Dans la seconde moitié des années 1920, le Parti va entamer un processus de transformation interne que l’on appelle la bolchevisation afin d’insérer le Parti dans la sphère d’influence soviétique. »
Ce processus de bolchevisation commence en 1925, année où le KSČ, pour sa première participation aux élections législatives, réalise le deuxième meilleur score avec, déjà, près de 13% des suffrages. Pouvant s’appuyer sur une large base de fidèles adhérents, le parti obtiendra par la suite des résultats toujours très honorables.
Son interdiction suite aux Accords de Munich en 1938, son passage dans la clandestinité durant la guerre et son rôle important joué dans la résistance contre l’occupant allemand contribueront à sa popularité. C'est donc en toute légitimité que le KSČ participe, en 1945, au lendemain de la guerre, à la formation du gouvernement de coalition, dont une des principales missions est de relancer la Tchécoslovaquie.
La suite de l’histoire est plus connue : le coup de Prague en février 1948 et le discours du Premier ministre Klement Gottwald sur la place de la Vieille-ville devant une foule en liesse qui voyait alors dans la prise du pouvoir par le Parti communiste « une victoire de la volonté du peuple »…
Puis quatre décennies de dictature dont l’actuel Parti communiste de Bohême et de Moravie (KSČM), successeur direct du KSČ après le changement de régime politique en 1989, ne s’est jamais officiellement distancié. Un peu plus de trente ans après la révolution, cent ans donc aussi après sa création, le Parti communiste continue de jouer un rôle majeur sur la scène politique tchèque, puisque c’est de son soutien à la Chambre des députés dont dépend l’existence de la coalition gouvernementale minoritaire dirigée par Andrej Babiš, lui-même ancien agent de la police secrète communiste.
Une réalité qu’Ondřej Matějka, directeur-adjoint de l’Institut pour l’étude des régimes totalitaires (ÚSTR), s’efforce de comprendre et de justifier :
« Indéniablement, le Parti communiste actuel sélectionne les chapitres de sa propre histoire qu’elle veut bien mettre en avant pour les vendre à ses électeurs. Il y a une volonté évidente de relativiser les heures les plus sombres du passé de manière à pouvoir s’adresser aux catégories de la population qui continuent de voter communiste parce qu’elles estiment que les autres partis politiques ne défendent pas leurs intérêts. »
Bien que son pouvoir d’attraction ne cesse de s’affaiblir au fil des élections, le KSČM n’en reste pas moins, avec des sociaux-démocrates eux aussi sur le déclin, une des deux principales formations de gauche en République tchèque. C’est aussi ce que rappelle la conférence internationale en ligne organisée par l’ÚSTR intitulée « 100 ans depuis la fondation du KSČ. L’héritage du communisme tchécoslovaque ».