Il y a 15 ans un grand chanteur tchèque, Karel Kryl, disparaissait
Quinze ans se sont écoulés le 3 mars depuis le départ soudain de Karel Kryl, chanteur devenu le symbole de la résistance contre le totalitarisme. Déçu par l’évolution dans le pays après la Révolution de velours, son coeur l’a trahi peu de temps après son retour d’exil, le 3 mars 1994.
La chanson emblématique « Mon petit frère ferme la porte, » sorte de confession du chanteur suite à l’occupation soviétique en août 68, parle à toutes les générations et reste pour certains le meilleur disque dans l’histoire de la musique pop tchèque:
« Les Tchèques sont plus habiles dans leurs expressions. Ils ont appris à manœuvrer et à employer une tactique habile ce qui est certes bonne pour le maintien de l’espèce mais pas pour le caractère. »
Ces propos que Karel Kryl a prononcés deux ans après son retour illustrent son amertume vis-à-vis de l’évolution en Tchécoslovaquie après 1989. Depuis son départ en exil, en 1969, il était installé à Munich où il a travaillé pendant 22 ans comme rédacteur de Radio Europe libre.
En novembre 1989, il est parmi les premiers Tchèques qui attendent à la frontière pour pouvoir rentrer au pays. Deux ans après, il séjourne à nouveau plus souvent à Munich qu’à Prague. Dans l’euphorie de la liberté retrouvée, il est l’un des rares à critiquer le « velours tchèque ». Désillusionné et épuisé par l’incompréhension à laquelle il se heurte, il meurt des suites d’un infarctus, quelques semaines avant ses 50 ans.
Considéré par les uns comme légende des « protestsongs », et comme un rebelle par les autres, pour son auditoire qui a créé après 1989 le Club des amis de Karel Kryl, il est resté un chanteur et poète fidèle à sa guitare et à tous les honnêtes gens. Ses chansons aux textes qui provoquent et s’expriment sur des thèmes brûlants, comme La Majesté le bourreau, Chanson du soldat inconnu, Morituri te salutant, Salomé ou Ange, sont devenues des hymnes de plusieurs générations. Interdites par le régime communiste, elles n’ont cessé d’être chantées, et après la mort de Karel Kryl, elles retentissent à nouveau dans l’interprétation de ses successeurs comme le groupe Missa – Karel Kryl revival et son frère, Jan Kryl. « Karel était un maximaliste, un rêveur idéaliste qui n’a pas supporté la drôle de liberté et la mauvaise ambiance qui régnaient dans la société. Un ordre éthique lui a manqué dans l’évolution d’après novembre », dit de son frère décédé Jan Kryl qui chante dans les écoles ses chansons pour montrer aux jeunes ce qu’était le régime totalitaire.
Une messe sera célébrée ce samedi 7 mars à la basilique Sainte-Marguerite dans le couvent de Břevnov, où Karel Kryl est inhumé. Ce n’est qu’après sa mort que le chanteur a été récompensé pour son oeuvre par le prix František Kreigel, la médaille du Mérite et l’inscription dans la Salle de la gloire des Grammy.