Révolution de Velours : des soupçons sur la participation de membres de la StB en tête de la manifestation étudiante
Parmi les porte-drapeaux à la tête du cortège d’étudiants à Prague le 17 novembre 1989 se trouvaient des membres de la Sécurité d’État (StB), selon les représentants du projet Blaničtí rytíři (Chevaliers de Blaník). C’est ce que révèlent les premiers résultats de l’analyse de photographies du cortège qui n’avaient jamais été publiées jusqu’ici.
Sur ces clichés, on voit des personnes que les représentants du mouvement étudiant de l’époque ne reconnaissent pas : la semaine dernière, les représentants de la Plateforme européenne de la mémoire et de la conscience et du Club académique de Prague 48, responsables du projet, ont évoqué devant la presse leurs récentes recherches.
« Sur ces photos, on voit clairement et en haute résolution les visages en tête du cortège. Cela nous a permis de commencer à enquêter sur qui menait le cortège et d’essayer d’identifier d’autres témoins potentiels », a déclaré Martin Špolc, président du Club académique de Prague 48. Des photographies en couleurs ont été présentées aux journalistes et comparées à des images d'archives, notamment de la Télévision publique.
Selon Martin Špolc, les individus se comportent comme des organisateurs, mais lors d'entretiens avec les véritables leaders étudiants de la manifestation, personne ne les a reconnus. Après ces entretiens, les responsables du projet ont collaboré avec les Archives des services de sécurité.
À ce jour, une vingtaine de personnes ont été identifiées en tête du cortège. Parmi les « taupes » suspectées figurent quatre membres d'un groupe plus large qui portait huit à dix drapeaux en tête de la procession, du quartier Albertov à la tombe de Karel Hynek Mácha à Vyšehrad.
Selon les responsables de ce projet Blaničtí rytíři, il pourrait s'agir de trois hommes et d'une femme de la IVe direction de la SNB, département 1 – le département de surveillance des ennemis extérieurs, section 3. Les photos en leur possession ont été comparées avec les portraits des fiches personnelles de membres de l'appareil répressif de l'Etat de l'époque. Selon Neela Winkelmann-Heyrovská, responsable du projet Blaničtí rytíři, des similitudes ont été trouvées. Il s’agit des premiers résultats d'une recherche toujours en cours.
Identification des personnes présentes sur place
« Nous devons encore consulter d'autres documents des Archives des services de sécurité pour confirmer que ces personnes ont pu participer à cette opération, c'est-à-dire à la surveillance et, éventuellement, à l'influence du mouvement de foule sur Národní třída, ou à l'ensemble de la manifestation depuis Albertov jusqu'à Vyšehrad et Národní třída », a expliqué l’historien Jan Kalous. Les chercheurs s'efforcent de vérifier ces informations à partir d'autres matériaux et sources.
L'objectif du projet Blaničtí rytíři est d’aider à identifier les personnes qui ont été encerclées le 17 novembre 1989 sur Národní třída, entre les rues Mikulandská et Na Perštýně, et qui ont été attaquées par les forces de sécurité.
Parmi eux se trouvait l’étudiante Magdaléna Platzová, devenue par la suite écrivaine et qui nous avait parlé en 2019 du traumatisme qu’elle a vécu sur place :
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« Le 17 novembre 1989, c’est un traumatisme total : j’ai eu vraiment très très peur. Quand j’ai écrit sur cette journée j’ai revécu cette peur. J’avais peur pour ma vie, c’était très violent, on ne pouvait pas s’échapper, il y avait ces hommes en uniformes et armés qui nous ont battus. J’ai paniqué – j’ai peur de la violence physique. »
Les responsables du projet prévoient de réunir les personnes présentes il y a 35 ans le 17 novembre prochain sur Národní třída, lors du programme Korzo Národní. L’objectif est notamment de recueillir leurs témoignages, qui seront publiés sous forme de projet internet et de livre.
« Une des théories qui circulent depuis les années 1990 »
« La présence de membres de la StB viendrait confirmer une des théories qui circulent depuis les années 1990 », a indiqué à la presse tchèque l’historien Jiří Suk, auteur d’un livre de référence sur la révolution de Velours, qui reste cependant encore un peu dubitatif sur la question.
La révolution de Velours est en tout cas un terreau d’autant plus fertile pour les adeptes de complots faciles que c’est une infox, une fake news, qui a joué un rôle majeur à l’heure où ces termes n’existaient pas encore : la fausse nouvelle de la mort d’un des étudiants participant à cette manifestation du 17 novembre 1989, relayée par le regretté Petr Uhl, que nous avions interrogé sur le sujet :
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« Je regrette beaucoup d’avoir transmis cette fausse information. Même si la révolution aurait pu éclater quelques jours ou quelques semaines plus tard ou même avec le risque qu’elle aurait pu avoir un autre déroulement. Je le regrette tout simplement, parce que de telles choses ne se font pas. »
En attendant les événements prévus autour du 35e anniversaire de la révolution de Velours le mois prochain, une conférence est prévue dès lundi prochain. Intitulée « Qui nous a menés à Národní le 17.11.1989 ? », elle est organisée au Rock Café, lui-même situé sur Národní třída.