Il y a 180 ans, on a applaudi le premier opéra tchèque

Frantisek Skroup

Musicien de naissance, de formation et par toute sa vie, Frantisek Skroup a probablement été la plus grande figure de la musique tchèque de la première moitié du XIXe siècle. Il y a 180 ans, il a présenté au public pragois le premier opéra tchèque de l'histoire.

Ce chef d'orchestre du Théâtre des états à Prague qui fera connaître à son public Wagner et d'autres grands compositeurs allemands, n'en est pas moins un ardent patriote tchèque. Celui qui sera l'auteur de l'hymne national tchèque "Où est ma patrie" ose déjà, en 1823, introduire dans les répertoires allemand et italien de son théâtre l'opéra "La Famille suisse" de Josef Weigel traduit en tchèque. Et c'est grâce à lui qu'on y chantera en tchèque par la suite toute une série d'oeuvres lyriques de Rossini, Bellini, Donizetti, Cherubini, Weber et d'autres auteurs. Mais Frantisek Skroup ne s'arrête pas là. Il compose et présente, le 2 février 1826 au Théâtre des états, l'opéra Dratenik (Raccommodeur de porcelaine) qui est la première oeuvre lyrique écrite directement sur un livret tchèque. Se basant sur l'opéra comique à la française et le singspiel allemand, le compositeur fait encore alterner les passages chantés et parlés mais réussit déjà à souligner les moments d'émotion par des airs et ensembles brillants.

Le sujet de l'opéra n'est pas historique mais contemporain et patriotique. L'auteur du livret Josef Krasoslav Chmelensky amène le spectateur dans la maison d'un riche bourgeois qui force sa fille à épouser un riche prétendent. Sa fille est désespérée parce qu'elle aime en secret un jeune homme dont elle ne sait pas qu'il est identique à celui qui lui a été choisi par son père. Evidemment, après quelques péripéties, on découvre cette heureuse coïncidence et rien ne s'oppose plus au bonheur des jeunes amoureux. Ce qui donne une certaine originalité à cette histoire, c'est le personnage de dratenik - le raccommodeur de porcelaine slovaque. Cet artisan faisant du porte à porte prête ses vêtements au jeune amant pour lui permettre de pénétrer ainsi déguisé dans la maison de sa bien-aimée. Les raccommodeurs de ce temps-là venaient de Slovaquie et celui de l'opéra de Frantisek Skroup ne fait pas exception à cette règle. Tandis que les autres personnages de l'opéra parlent tchèque, il parle slovaque et on peut donc dire qu'il s'agit du premier sinon de l'unique opéra tchécoslovaque de l'histoire. "Le Tchèque est frère du Slovaque" chante-t-on à la fin de cette comédie accueillie avec enthousiasme par le public pragois avant d'être donnée aussi à Brno et en province où elle a fait le bonheur de plusieurs troupes d'amateurs.

Hélas, ce succès restera isolé pendant de longues années. Il faudra attendre 1863, année du succès triomphal de l'opéra "Les Brandebourgeois en Bohême". C'est son auteur Bedrich Smetana qui donnera à l'opéra tchèque ses lettres de noblesse et finira par l'imposer en Bohême et à l'étranger.