Un opéra de Frantisek Skroup au Théâtre des Etats à Prague
L'opéra tchèque avant Bedrich Smetana est une terre inconnue. C'est pourquoi le Théâtre national de Prague a décidé de présenter en version concert trois opéras tchèques créés au XIXème siècle que le public actuel ne connaît plus.
Dans le cadre de ce projet, on a pu assister, le 27 mars, au Théâtre des Etats à Prague, à l'audition de l'opéra Der Meergeuse ( Le gueux de mer) de Frantisek Skroup. Ce compositeur qui est, entre autres, l'auteur de l'hymne national tchèque, avait écrit plusieurs opéras sans grand succès. Déçu, il est parti de Prague et a fini son existence en Hollande. C'est aussi en Hollande qu'il a situé le sujet de son drame lyrique Le gueux de mer, histoire d'un héros hollandais du XVIIème siècle qui s'insurge contre l'envahisseur espagnol. La représentation donnée jeudi dernier au Théâtre des Etats a démontré que la musique de cet opéra ne manque pas d'inspiration et de charme et qu'elle pourrait se mesurer même avec les premières oeuvres lyriques de Smetana, oeuvres qui n'ont jamais quitté le répertoire des théâtre tchèques.
Malheureusement, la direction du théâtre a confié la réalisation visuelle de la soirée à Jiri David, artiste controversé qui s'était fait connaître au grand public notamment par un coeur en néon installé au-dessus du château de Prague. Nous avons parlé dans nos émissions de la réalisation de ce projet qui avait divisé l'opinion pragoise en deux camps opposés. Cet esprit de provocation, il l'a fait valoir aussi dans sa conception scénographique de l'opéra de Skroup. Il a accompagné la musique romantique par une projection des séquences filmées qui n'avaient aucun rapport direct avec l'action de l'opéra, n'arrivaient pas à créer un contrepoint avec la musique et, en somme, ont gâché par leur caractère violant et provocateur le plaisir que le public aurait pu tirer de la musique. C'est dommage notamment par rapport aux performances de la soprano Eva Drizgova-Jirusova et du baryton Ivan Kusnjer qui ont donné à leurs rôles non seulement la beauté vocale mais aussi un bel élan romantique. La soirée, qui aurait pu être un hommage à Frantisek Skroup, n'a donc été finalement pour beaucoup de spectateurs qu'une impulsion pour les réflexions amères sur le sort de l'art ancien livré à la merci de l'arrogance moderne.