Il y a 40 ans, la victoire des hockeyeurs tchécoslovaques sur l’URSS a été exploitée par des politiciens
Cette année, où nous commémorons les années se terminant par un 9, un autre événement a également marqué l’histoire tchèque il y a quarante ans : l’incroyable victoire des hockeyeurs tchécoslovaques sur l’équipe soviétique. Lorsque le 28 mars 1969, Jaroslav Holík a marqué le 4e but dans le match contre les Soviétiques au championnat du monde disputé en Suède, une immense euphorie s’est emparée du pays. D’autant que c’était la deuxième victoire contre l’URSS en l’espace d’une semaine. Cette victoire et cette euphorie ont pris une signification plus profonde : les Tchèques éprouvaient un sentiment de revanche symbolique pour l’occupation du pays par les chars soviétiques, sept mois auparavant, le 21 août 1968.
Le 28 mars 1969, les hockeyeurs tchécoslovaques sont devenus du jour au lendemain des héros nationaux. Le sentiment de satisfaction de la victoire sur l’équipe de la Sborna – surnom de la sélection soviétique, reste toujours présent pour Jan Suchý, ancien défenseur de l’équipe nationale de hockey sur glace, proclamé le meilleur défenseur au championnat de Stockholm de 1969 :
« Ces sentiments persistent, car dans le premier match disputé contre les Soviétiques j’ai assisté au premier but et j’ai moi-même marqué un but ce qui était un grand encouragement pour que nous continuions à nous battre. »Les hockeyeurs n’ont même pas cherché à dissimuler l’importance politique des duels. Pas de poignée de mains avec les Soviétiques, après le premier match gagné par 2 à 0. L’entraîneur Jaroslav Pitner l’a alors commenté par les propos suivants : chez nous, la coutume veut que celui qui perd félicite le vainqueur. Jan Suchý s’en souvient :
« La décision de ne pas s’échanger de poignées de main avec les Russes a été tout à fait spontanée, car ce qu’ils nous avaient fait en août, c’était un mal sans précédent, et c’est pour cela que nous n’avons en aucun cas voulu faire ce geste. »Et Jan Suchý d’ajouter qu’ils n’ont pas pensé aux éventuelles conséquences de leur comportement :
« Nous étions jeunes, chacun avait une certaine perspective devant lui, nous ne doutions pas que tout serait bientôt meilleur dans la société, avec un souffle nouveau après le Printemps de Prague et d’un coup, les chars, une déception énorme, et c’est pour cela que nous nous sommes comportés ainsi. »
Pour le deuxième match, l’équipe tchécoslovaque s’est présentée avec les étoiles dissimulées sur les armoiries de l’Etat représentées sur le maillot. Quelle a été la réaction des hockeyeurs soviétiques à ce geste, est-ce que certains d’entre eux sont venus s’excuser pour l’invasion :
« Personne n’est venu s’excuser, leur réaction a été plutôt la suivante : Moscou avait raison de nous occuper puisque la situation évoluait dans une mauvaise direction. Vraiment, personne n’a présenté une excuse. »Les deux victoires des hockeyeurs tchécoslovaques contre la Sborna soviétique au championnat du monde de hockey sur glace à Stockholm en 1969 ont déclenché des célébrations grandioses et bruyantes. Des milliers de personnes fêtaient sur la place Venceslas et scandaient des mots d’ordre hostiles à Moscou. Pourtant, il ne leur était pas permis de venir saluer et remercier les hockeyeurs à leur arrivée à l’aéroport de Prague Ruzyně. Pas un mot d’explication pourquoi il en était ainsi, raconte Jan Suchý :
« Nous avons été accueilli dans un salon privé, sans aucun contact avec le public, le trajet depuis l’aéroport s’est déroulé dans le plus strict secret, personne ne nous en a expliqué la raison. A notre arrivée, parce que nous étions membres de l’équipe de l’armée Dukla Jihlava, nous avons été interrogés par les services du contre-espionnage. »En plusieurs endroits, les célébrations de la victoire des hockeyeurs se sont transformées en manifestations ouvertes contre les occupants. Des conflits ont éclaté notamment dans les villes où étaient stationnées les troupes soviétiques. Ainsi, des véhicules russes ont brûlé à Ústi nad Labem, au nord de la Bohême. Dans la plupart des cas, il s’agissait de provocations. Et c’est la police politique StB qui était à l’origine de la plus grosse échauffourée sur la place Venceslas où les vitres de la compagnie aérienne soviétique ‘Aeroflot’ ont été cassées. Le siège d’Aeroflot était devenu la cible d’attaques lors des funérailles de Jan Palach, le 25 janvier 1969, et la StB en a profité : elle a fait déposer devant le bureau des pavés que la foule, inspirée par des provocateurs, s’est mis à jeter. Ces manifestations ont servi à Moscou pour intensifier ses pressions et amener Alexander Dubček à démissionner. La session du PCT en avril 1969 s’inscrira dans les manuels comme celle qui a mis définitivement fin au processus de renouveau en Tchécoslovaquie.