Immigration: « Les scientifiques contre la peur et l'indifférence »
La manière dont le débat sur l'immigration est mené ou instrumentalisé en République tchèque ne plaît guère à plus d'un millier de chercheurs et membres de la sphère académique, qui viennent de signer un texte intitulé « Les scientifiques contre la peur et l'indifférence ». Il y est notamment demandé aux politiciens de ne pas utiliser le malheur des autres pour engranger des points, aux médias de ne pas faire dans le sensationnel et au public de ne pas se laisser manipuler. Le philosophe Jan Sokol fait partie des signataires:
C’est d’ailleurs aux politiciens que s’adresse ce texte en premier lieu. Cela vous paraît-il étrange que le président de la République parle des migrants comme de « gens que personne n’a invités ici » ?
« Oui, c’est un exemple, oui. Si on entend des choses comme ça au bistrot, bon, c’est du bavardage. Mais quand le chef de l’Etat parle comme ça, c’est vraiment haineux. Et il n’est pas le seul malheureusement. On entend des choses pareilles également dans d’autres pays, mais il me semble quand même que dans le milieu tchèque… Vous savez, nous n’avons pas d’expérience dans ce domaine. Nous avons des immigrés depuis les années 1990 mais ce sont en général des Ukrainiens ou des gens de culture très semblable avec une langue slave. Nous n’avons pas assez d’expérience, à la différence d’anciens pays coloniaux comme la Grande-Bretagne, la France, la Hollande ou même l’Allemagne. Donc ici le débat commence et le grand public a toujours le sentiment qu’on peut stopper le problème ou qu'on peut se dérober, ce qui est naïf, voire infantile. »Qu’espérez-vous de cette initiative ?
« Je pense qu’il est important de dire ces choses à voix haute. Autrement, même les gens qui pensent de la même manière peuvent se sentir isolés. Par ailleurs, il faut souligner qu’un mouvement d’une telle ampleur doit être affronté par l’Europe et pas individuellement par chaque Etat-membre. Naturellement, comme un enfant ferme les yeux quand il a peur, il y en a qui pensent qu’il faut fermer plus hermétiquement les frontières et les surveiller. Mais c’est vraiment naïf, ce n’est pas le problème. Le problème est de savoir ce que nous allons faire avec des centaines ou des milliers de gens qui vont arriver et dont une partie restera ici. C’est là-dessus qu’il faut réfléchir et travailler. »