Immobilier : quel impact de la crise sur les prix à Prague ?
Entretien avec Guillaume Eloy, fondateur de la société Sebel spécialisée à Prague dans le développement immobilier et la gestion de patrimoine :
« Effectivement, tout est bien gelé. Tout est différé, repoussé. Pour deux raisons : la raison technique d’abord, parce qu’il est difficile de se déplacer pour réaliser des ventes. Et puis il y a l’incertitude liée au futur, la période d’optimisme s’est arrêtée du jour au lendemain, le 12 mars. »
« La plupart des acheteurs qui voulaient emprunter pour acheter un bien immobilier ne sont plus sûrs de l’avenir de leur revenu et souhaitent tout simplement différer. Donc on parle bien d’un gel pur et simple de l’ensemble des transactions immobilières en République tchèque. »
Ce gel concerne donc aussi bien le neuf que l’ancien ?
« Oui, c’est plus qu’un ralentissement des transactions. Les propriétaires ne souhaitent pas encore baisser les prix ; les acheteurs vont vouloir être rassurés sur leur avenir économique – tout cela fait qu’il n’y a plus de transactions. »
Vous parliez d’incertitude concernant l’avenir, il y a également des incertitudes concernant les mesures gouvernementales, notamment quant à l’annonce par la ministre tchèque des finances de la suppression de la taxe sur l’achat d’un bien immobilier, qui représente quand même 4% du total. Mais la suppression de cette taxe n’est pas encore entrée en vigueur…
« Oui. Je rajouterais à cette annonce également celle faite par la mairie de Prague qui souhaitait supprimer provisoirement la TVA de 21% sur les achats de nouveaux biens immobiliers. Donc les acheteurs potentiels vont là encore attendre la mise en place de ces mesures. »« Pour ce qui est de la taxe de 4% à l’achat, les discussions sont là aussi encore en cours. Cela permettrait d’encourager les transactions.»
Selon vous, quel sera l’impact de cette crise sur l’évolution des prix dans l’immobilier à Prague et dans le reste du pays ?
« Tout dépendra de la durée de la crise. Ce qui est certain c’est que les prix de l’immobilier avaient fortement augmenté ici ces dernières années. Les coûts de construction de logements ont augmenté de 80% entre 2015 et 2018, notamment à cause de la pénurie de main d’œuvre. Le taux d’augmentation des prix de l’immobilier en Tchéquie a représenté le double du taux moyen d’augmentation dans toute l’UE. »
« La durée de la crise nous dira si les prix vont baisser. Ce qui est certain est que les produits dits ‘de valeur’, bien situés, bien construits, seront toujours la base et ne baisseront pas ou peu. En revanche les projets de moins bonne qualité et moins bien situés auront des difficultés à se vendre. On parle d’une baisse de 15% dans les mois à venir en général. Si cette crise ne dure que quelques mois on pense que le marché pourrait reprendre en 2021. »
Dans le même temps, la banque centrale tchèque a déjà baissé ses principaux taux d’intérêts. Est-ce que cela signifie que cela peut être le moment d’emprunter pour acheter un bien immobilier dont la valeur pourrait en plus être à la baisse ?
« On dit toujours qu’il faut acheter en période de crise. Certains propriétaires endettés vont être contraints de vendre, mais encore une fois, cela dépend des perspectives. Pour les entrepreneurs, l’avenir peut être très incertain en cette période. Ceux qui ont des liquidités ou qui sont sûrs de leur revenu à moyen et long terme peuvent profiter de ces taux relativement bas pourront profiter de potentielles opportunités. »Dernière question : est-ce que votre société parvient à faire face et avez-vous déjà effectué des démarches pour pouvoir bénéficier des aides mises en place par le gouvernement tchèque ?
« Pas directement pour mon activité immobilière mais je suis également propriétaire d’un petit hôtel-restaurant ici et effectivement toute proposition du gouvernement est bienvenue car le secteur est très touché. Pour le reste de mon activité, il s’agit avant tout de négociations directes avec nos locataires actuels. »