Interrogations autour du premier tour des régionales en France

Marine le Pen, photo: ČTK

Les élections régionales en France ont rarement suscité autant d’intérêt en Tchéquie que celles qui se déroulent actuellement. Quelques extraits que nous avons retenus dans la presse locale en donnent un témoignage. Le général Petr Pavel a réfléchi dans les pages de l’hebdomadaire Respekt sur les alternatives possibles pour combattre l’organisation de l’Etat islamique. Cette revue de presse en donne un aperçu. Il sera question aussi de la volonté des Tchèques de dépenser beaucoup d’argent pour les cadeaux de Noël et des perspectives de l’économie locale en 2016, à la lumière du de la faiblesse du cours de la couronne.

Marine le Pen,  photo: ČTK
« Le choc en France, Marine le Pen a dominé le premier tour des élections régionales ». C’est ce que titre un article mis en ligne sur le site aktuálně.cz, un des nombreux textes qui ont été consacrés dans la presse tchèque, imprimé ou électronique, à cet événement politique. Dans une analyse publiée sur le site echo24.cz, Lenka Zlámalová a remarqué que les Français ont voté pour les nationalistes, en réglant leurs comptes avec ceux qui ne font que balayer les problèmes. Constatant que les Français sont habitués à afficher leur mécontentement, elle a continué :

« Les candidats de Marine Le Pen ont remporté la victoire dans six des treize régions et il ne s’agit pas seulement, et de loin, de régions pauvres. Le Front national a gagné même dans des régions qui font partie des localités les plus prospères à l’échelle nationale... De premier abord, on pourrait croire qu’il s’agit d’un choix émotionnel provoqué par le massacre de Paris. Toutefois, on ne saurait interpréter cette victoire comme une réaction aux attentats, car Marine Le Pen figure en première position des sondages depuis déjà le début de cet été, l’époque où une vague de migrants franchissait les frontières européennes. Ce que les massacres de Paris ont pourtant changé, c’est la position du président François Hollande, dont la côte a presque doublé. Sa capacité d’action et sa détermination après les attaques ont transformé un président fade en un leader que l’on peut qualifier, dans l’actuel contexte européen, d’assez énergique. »

Mais en dépit de son comportement de leader, le président Hollande n’a pas réussi à acquérir la confiance des électeurs. Tandis que les partis traditionnels font face à une perte de confiance, Marine Le Pen a réussi, toujours selon l’auteure de cette analyse, à transformer le Front national en un « parti patriotique largement acceptable ». Après s’être considérablement éloignée du parti véritablement xénophobe qu’elle avait hérité de son père, elle dirigerait désormais un parti qui deviendrait acceptable pour une partie non négligeable des élites et des couches moyennes. Lenka Zlámalová poursuit cette thèse :

« Celui qui voudra articuler, d’un point de vue intellectuellement honnête, ce qui rend le Front national extrême et inacceptable (à côté évidemment de ses racines), fera mention de son étatisme prononcé et de son soutien à la Russie de Poutine. Mais l’étatisme est ce qui convient, traditionnellement, aux Français, tandis que le rapport à l’égard de la Russie n’est pas pour eux prioritaire. »

Dans une note publiée dans quotidien Lidové noviny, Zbyněk Petráček remarque que Marine Le Pen ressemble à une force qui monte irrésistiblement. Pour lui, même si les résultats définitifs des élections régionales ne seront connus qu’à l’issue de leur deuxième tour, la victoire du Front national au premier tour peut servir en tant que la source d’un intéressant sondage social. S’interrogeant également sur les différentes étiquettes que l’on pourrait aujourd’hui coller à ce parti, il préfère celle d’un parti de mouvance identitaire.

Envisager plusieurs niveaux d’opérations contre l’organisation de l’Etat islamique

Le général Petr Pavel | Photo: Kristýna Maková,  Radio Prague Int.
La dernière édition de l’hebdomadaire Respekt a publié une interview avec le général Petr Pavel, chef du comité militaire de l’OTAN, le poste le plus haut placé au sein de l’Alliance atlantique jamais occupé par un Tchèque. Les alternatives de combat contre l’organisation de l’Etat islamique, voilà une des questions qui a été soulevée dans cet entretien et au sujet de laquelle cet ancien chef de l’état-major de l’Armée de la République tchèque a dit :

« A mon avis, il faut tenir compte de ce que l’Etat islamique est une organisation terroriste qui cherche à mettre en valeur certains éléments d’ordre étatique afin de pouvoir être reconnu comme un Etat. Or, il ne s’agit pas seulement d’un territoire, mais dans une large mesure, aussi, de l’idéologie qui inspire beaucoup de musulmans de par le monde. Je suis donc convaincu que pour pouvoir l’affronter, il faut envisager plusieurs niveaux de démarches. »

Selon le général Petr Pavel, même une éventuelle réussite de la destruction de l’organisation de l’Etat islamique là où il s’établit, ne signifie pas une solution définitive, car on ne saurait exclure la création à sa place de quelque chose de nouveau et de semblable. Et d’ajouter :

« Pour cette raison, je trouve que nos efforts ne doivent pas impliquer uniquement une solution militaire. La lutte contre l’organisation de l’Etat islamique, si nous voulons réussir, ne doit pas être présentée comme une lutte de l’Occident contre l’islam ou, si vous voulez, comme une lutte du christianisme contre l’islam. Elle doit être présentée comme celle de l’ensemble du monde civilisée contre la barbarie qui ne doit pas avoir de place au XXIe siècle. Elle devrait être menée prioritairement par les Etats musulmans, avec le soutien de nos pays, car tout ce que nous entreprendrons contre le monde islamique par la force sera tôt ou tard source de nouveaux problèmes. »

Le général Petr Pavel s’est également exprimé au sujet du fait que son nom soit désormais souvent décliné en rapport avec la prochaine candidature présidentielle en disant :

« De la même façon que la vie suit un cours relativement normal, tant les hommes politiques que les militaires devraient faire le travail qui est le leur. Je ne pense pas que la situation sur la scène politique tchèque soit si mauvaise pour que l’on ait besoin de se référer à un militaire. »

Acheter un bon cadeau de Noël – une mission difficile

Photo: Archives de Radio Prague
La dernière édition de l’hebdomadaire Respekt a également abordé une question qui préoccupe en ce moment l’ensemble de la population tchèque et qui concernent le choix des cadeaux de Noël. Dans un texte de Petr Třešňák, on peut lire :

« Les Tchèques aiment un Noël riche. Pour les cadeaux destinés à leurs proches, ils sont prêts à dépenser de plus en plus d’argent. Les évaluations indiquent que, cette année, il s’agira en moyenne de près de cinq mille couronnes par habitant, l’équivalent d’environ 180 euros. L’année écoulée, les Tchèques ont été à l’échelle européenne les deuxièmes, après les Roumains, à dépenser la plus grande partie de leurs salaires pour les cadeaux. »

Acheter un cadeau réussi représente pourtant une discipline difficile, en dépit de la volonté de dépenser excessivement. Même si, aujourd’hui, les gens n’ont plus à faire de longues files d’attente pour tel ou tel article rare, comme sous le régime communiste, les difficultés persistent. Comme le remarque Petr Třešňák, « même au temps de l’abondance, le marché de Noël constitue un labyrinthe qu’empruntent des millions de pèlerins désireux de faire plaisir à ceux qu’ils aiment, mais avec une perspective incertaine de réussir ». Concernant le cadeau tchèque modèle de l’an 2015, selon les sondages du marché, il explique :

« Les cadeaux de Noël les plus fréquents en Tchéquie seront cette année les cosmétiques, les parfums et l’électronique. Les livres sont aussi un des cadeaux préférés des Tchèques ce qui, paradoxalement, n’est pas forcément une bonne nouvelle pour la littérature car au lieu d’être un compagnon quotidien, le livre revêt le caractère exclusif de cadeau. Des cadeaux atypiques comme des cadeaux événementiels sont également de plus en plus populaires, une preuve éloquente de la saturation matérielle de la population. »

En 2016, le faible cours de la couronne tchèque sera maintenu

Photo: Štěpánka Budková
« L’année prochaine, les séjours à l’étranger ne coûteront pas moins chers aux Tchèques que jusqu’à présent. » C’est un des messages de l’entretien accordé par le gouverneur de la Banque nationale tchèque, Miroslav Singer, au quotidien Mladá fronta Dnes dans lequel il confirme la détermination des banquiers à maintenir un faible cours de la couronne tchèque par rapport à l’euro, au moins jusqu’à la fin de l’année prochaine. Celui-ci se situe actuellement autour de 27 couronnes pour un euro. D’un autre côté, le banquier tient à assurer que la croissance de l’économie tchèque sera satisfaisante, autour de 3%. L’éditorial du journal résume à ce sujet :

« Le gouverneur Singer appuie son affirmation selon laquelle sans l’affaiblissement de la couronne, l’économie tchèque se porterait nettement moins bien, par des données statistiques. On peut effectivement constater que le chômage demeure bas, au-dessous de 6%, et que les salaires des employés sont en hausse... Il s’agit d’un concept qui est pourtant dénoncé par une partie des économistes, dont le député européen Luděk Niedermayer qui le trouve même dangereux. Les syndicalistes eux non plus ne l’accueillent pas d’un bon œil, considérant qu’à l’avenir, la couronne faible pourrait porter préjudice à la Tchéquie. »

Rappelons que l’intervention de la Banque nationale tchèque en faveur de l’affaiblissement du cours de la couronne a été mise en place il y a deux ans de cela.