« Kraska v nesnazich », Beauty in trouble, ou, si vous voulez, La Belle en difficultés, le nouvel opus d'un des réalisateurs tchèques les plus en vue, Jan Hrebejk, est sorti le 7 septembre dans les salles tchèques. Retour, dans ce magazine, sur ce film dont nous avons déjà parlé sur Radio Prague. Vous entendrez Jan Hrebejk, l'acteur Josef Abrham ainsi que la musique originale du film, composée et interprétée par la chanteuse Raduza et le musicien irlandais Glen Hansard.
Jan Hrebejk
Treize ans après la sortie de son premier film au succès fracassant, « Sakali leta », et après avoir signé quatre autres longs métrages qui ont battu tous les records d'entrées, le cinéaste Jan Hrebejk, 39 ans, envahit les écrans avec Kraska v nesnazich, Beauty in trouble.
Anna Geislerova
Une fois de plus, le cinéaste prolifique a formé un tandem avec le scénariste Petr Jarchovsky et le producteur Ondrej Trojan. Une fois de plus, le trio nous sort une comédie, sur fond de critique sociale. Une comédie dont l'humour corrosif dérive des portraits subtils des protagonistes. C'est Anna Geislerova, actrice auréolée de gloire dans le pays, qui incarne cette fameuse « Beauty » baptisée Marcelka. Belle, charnelle, mais à l'esprit quelque peu borné, cette mère de deux enfants est partagée entre deux hommes : un mari voleur et un amant tchéco-italien, homme cultivé et de caractère, personnifié par Josef Abrham. Le « Pretty Woman » tchèque, comme l'étiquette la presse, se veut être « un film sur le sexe, l'argent et quelqu'un de bien ». Et plus encore : à travers une affaire de restitution qui a mal tourné, Hrebejk et Jarchovsky se lancent dans une critique quasi générale de « ceux d'ici », par opposition à « ceux venant d'ailleurs », autrement dit les anciens exilés. On en revient au personnage d'Evzen, interprété par Josef Abrham, rôle que le réalisateur et le scénariste ont eu, paraît-il, le plus de mal à concevoir. Mais c'est lors d'un voyage en Italie, où ils sont allés présenter leur précédent film « Horem padem », que les cinéastes ont trouvé leur source d'inspiration, un Evzen en chair et en os. Jan Hrebejk :
Josef Abrham
« Après la projection, un Tchèque est venu nous voir et nous a dit : si vous êtes amateurs de vin, j'ai une ferme à Castellina in Chianti, alors venez me voir. Nous y sommes allés et nous avons fait connaissance de ce Monsieur d'une gentillesse et d'une noblesse exceptionnelles, âgé de 65 ans environ, ainsi que de sa jeune femme et de ses nombreux enfants. Et nous nous sommes dits : voilà notre Evzen. Il vit là, en Toscane. Bien sûr, la Toscane est un cliché en soi, c'est un paradis sur terre. Mais cet homme était réel. Et lorsqu'on me demande : tu crois que tous les exilés tchèques sont des anges comme celui dans ton film ? Je réponds : non, pas du tout. Mais il y en a. Je le sais, j'en ai rencontré un. Nous nous sommes donc inspirés de ce personnage réel et du coup, avec lui, les situations, les dialogues qui nous avaient posé des problèmes jusque-là ont commencé à être crédibles. Il y a une particularité encore : alors que tout le scénario a été strictement respecté lors du tournage, les scènes autour de ce personnage-là, les dialogues entre « la belle et l'ange » pour ainsi dire, bref tout ce sujet proche de Pygmalion nous a fait beaucoup improviser sur le plateau. »
Jiri Schmitzer
Acteur parmi les plus marquants (et les plus sexy) de sa génération, Josef Abrham a plusieurs centaines de rôles au cinéma et sur les planches à son actif. Comment se positionne-t-il, en tant que comédien, par rapport au thème de l'émigration, qui se projette dans son rôle d'Evzen dans « Kraska v nesnazich » ?
Kraska v nesnazich
« Dans ma famille, personne n'a vécu l'exil. Mais je comprends cette génération qui est évoquée dans le film, j'ai le même âge. Nous avions des amis qui ont émigré et je me souviens que ce thème était d'actualité dans mon milieu. J'ai toujours pensé qu'il était dommage que ces gens, souvent dotés de grandes qualités, partent et fassent des choses bien dans d'autres pays. »
Une pléiade d'autres personnages gravitent autour de Marcelka, héroïne du film Kraska v nesnazich. Son casting est exemplaire : Jana Brejchova, Emilia Vasaryova, Roman Luknar, autant de stars tchèques, slovaques et mêmes internationales qui attireront sans doute des foules de spectateurs. « Kraska v nesnazich » est aussi le grand retour au cinéma de Jiri Schmitzer, acteur et, comme vous l'entendrez dans un instant, musicien. Son rôle d'un petit Tchèque envieux et fainéant, original au début puis répétitif au cours du film, est cependant le plus remarqué et applaudi par la critique. Kraska v nesnazich, succès garanti ? Pour le grand public certainement, pour ceux qui s'attendent à la surprise et la fraîcheur présentes dans « Horem padem », Up and down, une légère déception...
C'était Jiri Schmitzer et sa chanson « Neni treba ».
Le nouveau film de Jan Hrebejk, « Kraska v nesnazich », s'inspire d'un poème de Robert Graves, « Beauty in trouble ». Traduit en tchèque par le poète Pavel Srut, ce poème a été mis en musique et interprété, dans le film, par la jeune musicienne Raduza. Je vous propose de l'écouter.
Quatre autres chansons du film « Kraska v nesnazich » ont été confiées au musicien, compositeur et chanteur irlandais Glen Hansard et à son amie tchèque Marketa Irglova. Vous les trouverez d'ailleurs sur leur CD sorti cette année chez Indies, en République tchèque, et intitulé « The Swell Season ». Le réalisateur Jan Hrebejk explique pourquoi il a choisi Glen Hansard :
« C'est un chanteur irlandais, leader du groupe The Frames. C'est une excellente formation qui vient assez souvent en concert en République tchèque : au moins deux fois par an. Dans le film, ses chansons fonctionnent comme un commentaire. Mais comme c'est une voix masculine qui chante en anglais, on n'a pas tellement l'impression qu'il parle à la place de l'héroïne. »
On écoute donc Glen Hansard et son titre « Falling Slowly »...