Dernier épisode en date du « feuilleton » de Jan Hrebejk : comédie d'amour habilement tournée avec un casting haut de gamme... Est-ce vraiment tout ?
Le film le plus attendu, peut-être, de cette année, « Kraska v nesnazich » (Beauty in trouble), du réalisateur Jan Hrebejk, 39 ans, est sorti jeudi dernier sur les écrans tchèques. Mention spéciale du jury au Festival International du Film de Karlovy Vary, en juillet dernier, cette comédie aigre-douce subit parallèlement son baptême de feu à l'étranger : samedi 9 septembre, elle sera projetée au Festival du film de Toronto.
Après un retour à la Deuxième Guerre mondiale dans « Musime si pomahat » (Faibles parce que désunis), puis à l'ambiance d'avant 1989 dans le film « Pupendo », Jan Hrebejk se tourne vers l'actualité brûlante. Il se lance même dans une critique sociale modérée, sans pour autant trahir son genre de prédilection qui est la comédie. Ainsi, dans « Horem padem » (Up and down) de 2004 et dans « Kraska v nesnazich » fraîchement sorti, il dépeint des portraits de « petites gens » marginalisés, de tricheurs et voleurs. Il évoque le problème des minorités, les retours difficiles de l'exil, met en opposition des personnages issus de différents milieux sociaux, dont les destins se croisent par un curieux concours de circonstances.
« Kraska v nesnazich », en français donc « La Belle en difficultés », raconte l'histoire d'une jeune mère perdue : perdue face aux problèmes de sa mère et de son beau-père, mais surtout face à ses problèmes sentimentaux. Car Marcelka, incarnée par Anna Geislerova, l'actrice tchèque la plus glamoureuse de sa génération que vous avez déjà vue dans Stesti (Something Like Happiness), cette malheureuse Marcelka reste attachée sexuellement à son mari criminel, tout en vivant une romance avec un émigré tchèque installé en Italie, un homme irréprochable qui lui promet un avenir sans nuages. Ecoutons le réalisateur Jan Hrebejk :« Depuis toujours, j'ai voulu tourner un film inspiré du poème de Robert Graves 'Kraska v nesnazich'. C'est-à-dire l'histoire d'une fille qui quitte un homme méchant pour quelqu'un de bien, mais finalement, elle revient au méchant. Mais lorsqu'on écrit, avec Petr Jarchovsky, un scénario original, on commence par les personnages. Il en était de même dans ce cas-là, avant d'écrire, nous avons discuté des personnages que nous avions envie de faire vivre : celui du beau-père, de la mère, de la belle-mère de l'héroïne... Donc, au fond, il y a ce poème sur une fille qui vit un moment charnier de sa vie, mais ce sont les caractères des personnages secondaires qui étaient le moteur pour nous. »
Voilà ce que la critique apprécie particulièrement sur « la méthode Hrebejk » : la psychologie des héros subtilement travaillée, une attention prêtée aux détails de la vie quotidienne qu'il s'agisse d'objets, de gestes ou de phrases mille fois entendues. Hrebejk est aussi considéré comme « le maître des crises et disputes familiales » mises à l'écran. Jana Brejchova, la Catherine Deneuve tchèque, campe le rôle de la mère dans « Kraska v nesnazich ». On l'écoute :
« J'ai voulu arrêter de faire du cinéma. Je me consacre pleinement au théâtre où je me régale. Vous savez, j'ai tourné tellement de films... Mais le scénario de Petr Jarchovsky m'a beaucoup plu. Il m'a fait penser aux films italiens, néo-réalistes, un peu dans le style de Vittorio De Sica... C'est le même humour discret des gens bizarres qui ont leur destin, qui portent leurs croix, qui sont un peu aigris, un peu tristes et un peu gais... »Or, c'est cette « éternelle gentillesse » du cinéaste avec le spectateur, l'aspect « trop aimable » de ses films, que la critique reproche, à l'unisson, à Jan Hrebejk, actuellement en tournage d'un nouveau film. « Kraska v nesnazich », relégué même par certains au rang de « films à l'eau de rose », devra alors concurrencer les autres longs-métrages annoncés pour les semaines et mois à venir : « Hezke chvilky bez zaruky » (Pleasent moments) de Vera Chytilova ou encore « Moi qui ai servi le roi d'Angleterre » de Jiri Menzel. Rivaux de taille...