Jan Hus, l'heure de la réconciliation au Vatican

Le pape François recevait lundi au Vatican une délégation de représentants des Eglises catholique, hussite et évangélique tchèques, mais également de laïcs, photo: ČTK

A l’approche du 600e anniversaire de la mort sur le bûcher du réformateur tchèque Jan Hus, le pape François recevait lundi au Vatican une délégation de représentants des Eglises catholique, hussite et évangélique tchèques, mais également de laïcs, après une « messe de réconciliation ». La démarche du souverain pontife, qui perpétue l’action engagée par Jean-Paul II, devrait contribuer à permettre une lecture moins passionnée de la vie et de l’œuvre du martyr tchèque.

Le pape Jean-Paul II
« Hus représente une figure mémorable et exceptionnelle qui a fait preuve d'un courage moral face à l'adversité et à la mort. C'est une figure d'une importance particulière pour le peuple tchèque, lui aussi durement éprouvé au cours des siècles. » Ces mots de Jean-Paul II, prononcés en décembre 1999 à l’occasion d’un congrès international à l’Université pontificale du Latran, ont entériné le processus entamé dans la seconde moitié du XXe siècle de réhabilitation de Jan Hus par l’Eglise catholique, auprès de laquelle le prédicateur tchèque avait jusqu’alors mauvaise presse. « Hérétique », « blasphémateur », voici quelques-unes des appellations qui étaient parfois utilisées pour qualifier celui que les historiens ont pour leur part souvent vu comme un précurseur de la Réforme du XVIe siècle et donc du protestantisme.

Jan Hus
Du courage moral, Jan Hus, théologien et linguiste, n’en manquait certainement pas. Lui qui critiquait dans ses sermons la richesse de l’Eglise catholique et certaines de ses dérives, telles que le trafic des influences, est excommunié fin 1411 par le pape Grégoire XII. Quelques années plus tard, Jan Hus se rend au Concile de Constance pour défendre ses idées, protégé pense-t-il par le sauf-conduit que lui a fourni l’empereur Sigismond. L’accueil n’est sans doute pas à la hauteur de ses espérances puisqu’il est arrêté, jugé et finalement condamné à mort. Il meurt sur le bûcher le 6 juillet 1415, il y a bientôt 600 ans. L’Eglise catholique a donc beaucoup à se reprocher et c’est ce qu’a reconnu dès vendredi dernier le pape François, indiquant que la mort de Jan Hus lui avait fait du tort et qu’il convenait de s’excuser. Membre de la délégation tchèque partie rencontrer le Saint-Père lundi, l’historien Jaroslav Šebek insiste sur la continuité de la position du Vatican depuis Jean-Paul II :

« Le pape François a clairement indiqué qu’il s’inscrivait dans les pas de Jean-Paul II dans la façon dont celui-ci a pris position sur le sort réservé à Jan Hus. Jean-Paul II s’était excusé de manière appuyée. De ce point de vue, je considère que le geste de François s’inscrit dans cette continuité car il a vraiment souligné la valeur de notre réformateur et affirmé qu’il était bel et bien un des réformateurs de l’Eglise, ce qui ces dernières années a pu parfois être mis en doute. »

Le pape François recevait lundi au Vatican une délégation de représentants des Eglises catholique,  hussite et évangélique tchèques,  mais également de laïcs,  photo: ČTK
La « messe de réconciliation » et l’audience de près d’une heure qui s’en est suivie entre le pape et le cardinal et archevêque de Prague Miloslav Vlk, l’évêque de Plzeň František Radkovský et des représentants de l'Eglise tchécoslovaque hussite et de l’Église évangélique des frères tchèques, toutes deux héritières de la tradition hussite, marquaient une volonté de favoriser le dialogue entre les chrétiens. La présence de membres de la société civile, avec par exemple la vice-présidente du Sénat Miluše Horská ou l’historien Jaroslav Šebek, a également symbolisé une concorde entre les sphères laïque et spirituelle pour un pays, la République tchèque, souvent considéré comme l’un des plus athées au monde, et où les relations entre les Eglises et le pouvoir ont souvent été conflictuelles.

Des rapports houleux auxquels a contribué la condamnation au bûcher de Jan Hus. Après sa mort, la guerre fait rage entre 1420 et 1434 en Bohême entre ses partisans d’un côté et ceux de l’Eglise catholique et du Saint-empire romain de l’autre. Le pape François a d’ailleurs rappelé les ravages causés en terres tchèques par la guerre de Trente ans, liée en partie à des antagonismes religieux et dont la seconde défenestration de Prague est l’un des éléments déclencheurs. L’histoire pourrait être la grande gagnante de cet apaisement. Dans le bilan qu’il tire de son voyage à Rome, Jaroslav Šebek en profite ainsi pour prêcher pour sa paroisse :

Jan Hus sur le bûcher
« Aujourd’hui, il s’agit d’un appel pour que cette figure de Jan Hus, qui n’est plus un objet de querelles entre les Eglises chrétiennes, soit bien plus intensivement étudiée dans le cadre de recherches historiques. »

Car « la vérité l’emporte par-dessus tout » aurait dit Jan Hus. La mémoire du réformateur tchèque sera en tout cas honorée partout en République tchèque ces prochaines semaines, des célébrations qui culmineront le 6 juillet, un jour férié dans le pays, qui marquera le 600e anniversaire de sa mort sur le bûcher. Un programme intitulé « Jan Hus – un Européen des temps modernes » qu’il est possible de découvrir sur le site janhus600.cz.