Jana Černík : « L’humour, une des clés du succès du cinéma national auprès des Tchèques »
Le Festival FINALE s’est déroulé du 21 au 27 avril à Plzeň. Il s’agit du festival du cinéma tchèque qui permet chaque année de revoir l’ensemble des films produits au cours des douze dernier mois. L’occasion de dresser le bilan d’une année 2007 exceptionnelle pour les films tchèques qui ont battu des records de fréquentation dans les salles du pays… Jana Černík, directrice du centre du film tchèque détaille les raisons pour lesquelles les Tchèques semblent si attachés à leur cinématographie.
« Cette année a été une excellente année pour le cinéma tchèque. On a réalisé 35,2% de parts de marché avec les films tchèques. »
Qu’est-ce que cela représente à l’échelle européenne comparativement à d’autres pays ?
« C’est la deuxième place après la France ! »
Ces 35,2% de parts de marché représentent 4,5 millions de spectateurs pour les films tchèques dans leur pays. Quels sont les films qui ont le mieux marché ?
« Le film qui a eu le plus grand succès de l’histoire du cinéma depuis 1991 c’est le film de Jan Svěrák, Vratné Láhve (Empties) avec 1,2 millions spectateurs. Il y a eu aussi le film de Jiří Menzel, Moi qui ai servi le Roi d’Angleterre, d’après le livre de Hrabal qui a été choisi pour la compétition à Berlin avant d’être vendu dans toute l’Europe. Avec ces deux grands noms du cinéma tchèque, l’année avait bien commencé. »
Au-delà de ces deux réalisateurs, très célèbres et d’ailleurs « oscarisés » par le passé, on retrouve également d’autres films nationaux qui ont bien marché puisqu’il y a dix films tchèques parmi les vingt plus grands succès en salle de cinéma en 2007. Qu’est-ce qui explique selon vous le goût des Tchèques pour leur propre cinématographie ?
« Les histoires sont proches des spectateurs et sont racontées avec un sens de l’humour qu’ils connaissent depuis longtemps. »
Au-delà de Menzel et Svěrák, il y a-t-il d’autres réalisateurs qui ont marqué l’année 2007 et il y a-t-il d’autres films qui vous ont semblé intéressants ?
« Je crois le film de Petr Nikolaev, lui aussi sélectionné à Berlin, A bude hůř. Petr Nikolaev est un réalisateur qui a vécu longtemps en France et ce film représente une période dans l’histoire de la Tchécoslovaquie, les années 70, qui était assez dure. Il en a fait quelque chose d’assez intéressant. »Le présent du cinéma tchèque est donc plutôt positif. Comment voyez-vous l’avenir, pour 2008 et éventuellement dans les années qui viennent ? Un Fonds de soutien plus important se met en place, les coproductions se multiplient. Etes-vous plutôt confiante ou pessimiste pour l’avenir ?
« Je suis plutôt confiante, mais avec un doute parce que pour la première fois, on aura quatre fois plus d’argent dans le Fonds et il faut donc trouver une manière et une structure pour le distribuer. Ce n’est pas facile. »
Si les financements permettent d’espérer, est-ce que le talent est également au rendez-vous parmi les jeunes réalisateurs tchèques ?
« C’était aussi le problème ici en République tchèque, il y a toujours eu beaucoup de talents mais la structure de l’industrie cinématographique était mal développée. Si quelqu’un arrivait à tourner un film, il lui fallait attendre quelques années avant de pouvoir tourner le deuxième, C’était vraiment dommage. Parmi les noms de talents qui me viennent à l’esprit, je pourrais citer Aleš Najbrt, qui a fait le film Mistři (Les Champions, je crois en français) et qui prépare en ce moment le film Protektor qui sera une co-production avec l’Allemagne. Il y aura aussi cette année la sortie du film de Petr Zelenka, Les frères Karamazov. Ce sera donc une année assez intéressante. »Parlons de Bohdan Sláma. Son précédent film, Štěstí, avait remporté un prix à l’occasion du festival Premiers plans d’Angers. Pensez-vous que c’est typiquement ce genre de réalisateurs qui peut ouvrir le cinéma tchèque vers l’international ?
« C’est un des réalisateurs qui peuvent ouvrir un petit peu la porte à l’étranger. Il n’est pas le seul. Toute cette jeune génération a vraiment le talent pour le faire mais Bohdan Sláma est un réalisateur assez sensible qui tourne des films sur les relations humaines, ce qui est assez rare dans le cinéma tchèque. Le plus souvent, on trouve des comédies tandis que lui tourne des drames. »Les coproductions avec d’autres pays, outre l’aspect financier, font-elle évoluer le cinéma tchèque sur le fond, sur les thèmes traités et sur la manière de les traiter ?
« Sans doute. S’il y a une coproduction, cela signifie que le film va automatiquement voyager dans les autres pays. Cela veut dire que, de cette manière, les gens en France ou en Allemagne pourront voire beaucoup plus souvent les films tchèques au cinéma. Il ne faut pas oublier que les acteurs tchèques sont inconnus à l’étranger, alors comment attirer des spectateurs vers le cinéma tchèque ? Il y a bien sur les festivals pour ça, mais l’autre manière d’y arriver, ce sont les coproductions. »