Jean-Marie Blas de Roblès : « Les Tchèques se reconnaissent dans mon roman. »
Un correspondant de presse au Brésil, un jésuite du XVIIe siècle, une archéologue en mission dans la jungle amazonienne ou un gamin de quartier pauvre - tels sont les héros du roman intitulé « Là où les tigres sont chez eux », roman couronné du prix Médicis 2008. Grâce à la foire « Le monde du Livre » nous avons eu l’occasion de rencontrer récemment à Prague Jean-Marie Blas de Roblès, auteur de ce livre foisonnant de fantaisie qui réussit toujours à étonner le lecteur et trouve des parallèles entre l’époque actuelle et l’âge baroque. Voici la seconde partie d’un entretien que Jean-Marie Blas de Roblès a accordé à Radio Prague.
« Ils n’ont pas changé d’avis. Ceux qui l’ont refusé, ont continué à le refuser. Je l’ai présenté à 40 éditeurs, 39 éditeurs l’ont refusé et continuaient de le refuser. Il se trouve que miraculeusement les éditions Zulma, mon éditeur actuel, a accepté tout de suite de le publier. Le miracle s’est produit, le livre existe et non seulement existe, mais il a trouvé de nombreux lecteurs. Donc j’en suis ravi et mon éditeur aussi. Non, le livre a fait tellement peur aux éditeurs en place que personne n’en a voulu. »
Est-ce que c’était quand même au prix de quelques concessions de votre part ?
« Aucune concession. Mon éditeur a accepté le manuscrit tel que je l’ai présenté aux autres. En revanche il y a eu quand même une petite concession. Le manuscrit avait quelque 200 pages de plus. Notamment un glossaire et un index considérés comme genre narratif, à la fin du livre où l’histoire se continuait. Il y avait aussi tout un arsenal de notes à l’intérieur du roman considérées, elles aussi, comme genre narratif et donc mon éditeur qui est tout petit même si c’est un éditeur excellent et passionné, n’avait pas assez d’argent pour éditer plus de 800 pages. On m’a demandé donc de réduire de 200 pages. J’ai enlevé l’index, j’ai enlevé les notes et quelques toutes petites parties de la fausse biographie de Kircher, mais qui fonctionnait d’une manière indépendante. Ce sont donc de petites concessions qui ne m’ont pas cependant obligé à réécrire la moindre partie du livre, qui n’ont pas amputé le livre de quoi que ce soit et qui ont surtout permis au livre d’exister. J’ai été acculé, c’était aussi ma dernière chance pour que le livre existe. »
On dit maintenant que c’est votre chef d’œuvre. Est-ce que vous partagez cette opinion puisque vous n’êtes pas l’auteur d’un seul livre ?
« C’est mon quatrième ou mon cinquième livre. Je ne sais pas si c’est un chef d’œuvre. En tout cas ce n’est pas mon chef d’œuvre. J’espère faire mieux. Sinon j’arrêterais d’écrire aussitôt, et je ferais autre chose. Je crois que c’est un bon livre. Je suis un bon artisan. Je sais quand je fais une bonne œuvre, une belle chaise sans prétendre au talent ou à quoi que ce soit. Mais c’est quelque chose dont je sais que c’est correctement fait, et après, mon plaisir, c’est qu’il trouve des lecteurs. Parler de chef d’œuvre ou de pas de chef d’œuvre, de talent ou de pas de talent, ce n’est pas à moi de le faire. Je veux faire encore mieux et écrire des ouvrages qui trouveront encore plus de lecteurs parce qu’ils seront encore plus proches de l’idéal de l’écriture que j’espère atteindre. »J’ai été surpris de constater que ce n’est pas votre premier livre ayant été traduit en tchèque puisque déjà votre recueil « La mémoire de riz » a été traduit, paraît-il en chinois et en tchèque ...
« Ce n’est pas un recueil entier qui a été traduit, c’est une seule nouvelle ‘La Mémoire du riz » qui a été traduit dans une revue tchèque dans les années quatre-vingts. C’était la revue Dotyky ( Les Attouchements). Je ne sais même pas si c’était la nouvelle en entier qui a été traduite ou si c’était un extrait de la nouvelle en question. En tous cas on a parlé de moi parmi les jeunes écrivains des années quatre-vingts qui étaient prometteurs. Donc, ce n’était pas consacré qu’à moi mais à cette jeune littérature française qui voyait le jour dans les années quatre-vingts. »
Même le roman « Là où les tigres sont chez eux » a été traduit en tchèque dans un temps relativement court. Comme expliquez-vous cet intérêt des éditeurs tchèques pour vos livres ?
Là, ça m’étonne moins puisque ce livre et en tout cas sa partie qui concerne le fameux jésuite se passe dans la vieille Europe, dans notre Europe. Je parle de Rodolphe II, je parle de Prague, de toutes ces relations qui unissaient les lettrés aussi bien de Rome, que de Prague, que de Paris. Il y avait donc une espèce de communauté scientifique qui unissait tous les pays d’Europe, toute notre vieille bonne Europe, et je crois les Tchèques s’y reconnaissent, comme s’y reconnaissent les Français, les Allemands, ou les Italiens, parce qu’on parle quand même d’un passé commun, d’un fond commun de notre civilisation et de notre culture, même si on sait à quel point elle peut être différente, pays par pays. Je suis persuadé que ce qui fait notre force à tous, c’est d’avoir ce fond commun, ce noyau qui nous est commun. »Quelle a été votre réaction quand vous avez reçu l’invitation à Prague. Est-ce que Prague est une ville qui stimule votre imagination ?
« J’ai été absolument ravi. D’une part, c’est ma première fois à Prague, mais ça fait très longtemps que je me promettais d’y venir parce que j’ai lu Apollinaire, parce que j’ai lu Kafka, parce que Prague reste pour un Français le symbole d’un foyer de culture et de littérature, de l’esprit et aussi de la théologie. Entre le Golem, entre Kafka, entre Kundera, il y a un véritable creuset de la littérature dont je suis persuadé que je vais pouvoir y puiser ma pâture également. »
Quel est donc le programme de votre séjour à Prague ?
« Ça va être essentiellement de répondre aux questions dans de nombreux entretiens, de participer au Salon du Livre, de rencontrer des lecteurs potentiels. Et j’espère avoir le temps, avant de partir, d’aller justement à la recherche de cette Prague mythique et j’espère de tout mon cœur que mes amis pragois vont m’aider à la redécouvrir. »