Jean-Paul II, le premier pape à avoir exprimé ses regrets pour la mort de Jan Hus

Le pape Jean-Paul II (Photo : CTK)
0:00
/
0:00

Le pape Jean-Paul II, qui s'est éteint le 2 avril, s'inscrira dans l'histoire tchèque pour avoir été le premier représentant du Saint Siège à exprimer ses regrets pour la mort de Jan Hus, prédicateur tchèque et réformateur de l'Eglise brûlé vif comme hérétique en 1415. Un retour sur ce tournant historique, ainsi que sur les visites du pape Jean-Paul II dans notre pays, dans cette page d'histoire.

Le pape Jean-Paul II  (Photo : CTK)
Par quoi, le pontificat de Jean-Paul II, marquera-t-il l'histoire tchèque? Radio Prague a posé la question à l'évêque Vaclav Maly. Ecoutons-le:

"Jean-Paul II a laissé une empreinte ineffaçable sur l'image du monde de la deuxième moitié du XXe et du début du XXIe siècle. Partisan de l'intégration de l'Europe, il souhaitait que l'Europe unifiée repose sur certaines valeurs. En rencontrant, en 1986, à Assissi, les représentants de presque toutes les Eglises mondiales, il a ouvert la porte au dialogue inter-religieux. Il était le premier pape à entrer dans une mosquée et dans une synagogue. Les problèmes sociaux le préoccupaient profondément, et il a contribué à la destruction du Rideau de fer Trois fois, le pape a visité notre pays : en 1990, en 1995 et en 1997. En 1999, il a fait une déclaration de toute importance pour les Tchèques. A la fin d'un symposium qui a eu alors lieu à Rome sur Jean Hus, le pape a déclaré que Hus était un grand réformateur. C'est là un tournant dans l'appréciation de Jan Hus, une personnalité controversée de notre histoire, puisque le peuple, comme on le sait, était, après la création de la République divisé en deux camps: pro - Hus et anti - Hus. Ce geste, cette déclaration, de la bouche du pape Jean-Paul II, a constitué un tournant dans l'attitude du Saint Siège à l'égard de cette figure historique incontestablement très marquante."

Jan Hus
Qui était Jan Hus? Né en 1371 à Husinec, dans le sud de la Bohême, ordonné prêtre, en 1400, il devient célèbre pour ses sermons soulignant la nécessité de réformer l'Eglise catholique. Professeur à l'Université de Prague, et successeur des thèses philosophiques et théologique de John Wyclif, mort en Angleterre en 1384, Jan Hus a lutté contre tous les abus de la hiérarchie catholique. Le contexte social était alors très explosif, les rapports entre Tchèques et Allemands étaient tendus et l'Eglise d'Occident était lacérée par un schisme. Excommunié en 1411, Hus est appelé au concile de Constance convoqué par l'antipape Jean XXIII à initiative de l'empereur germanique Sigismond. Alors qu'il était muni d'un sauf-conduit de ce dernier, Hus fut arrêté dès son arrivée à Constance et condamné à mourir au bûcher comme hérétique, le 6 juillet 1415. Les guerres hussites qui ont éclaté après sa mort ne se sont terminées qu'en 1436. Pour beaucoup de Tchèques Hus était un martyr et un héros national. Au début du XXe siècle, une Eglise nationale tchèque, se référant à son legs et portant le nom de l'Eglise hussite tchécoslovaque, a été créé.

Pendant le IIe concile du Vatican, en 1962, le cardinal tchèque, Josef Beran, réfugié à Rome à la suite des persécutions communistes, a invité à combler le fossé qui s'était creusé entre l'Eglise catholique et la société civile à cause de la condamnation de Jan Hus, et souligné la nécessité de sa réhabilitation. Lors de son premier voyage en territoire tchèque, en avril 1990, le pape Jean-Paul II a évoqué la possibilité d'une révision du procès de Jan Hus, et reconnu "l'intégrité de vie personnelle et un engagement en faveur de l'éducation morale de la nation." En même temps, il a demandé aux experts de définir avec plus de précision la place occupée par Jan Hus parmi les réformateurs de l'Eglise. Souvenons-nous de la visite historique de Jean-Paul II, en avril 1990 à Prague, la première d'un pape dans notre pays. Accueilli sur l'esplanade de Letna par un million et demi de Tchèques et de Slovaques, le pape slave les a salués, en langue tchèque :

Jan Hus
"Que je puisse, chers frères et soeurs, à cette grande esplanade, au coeur de votre Prague d'or, répéter les mots du Seigneur ressuscité : que la Paix vous accompagne. Jésus Christ ressuscité est entré par une porte fermée. Pendant des années, la porte de votre pays semblait être fermée, il y a un an encore, il était impensable qu'un pape puisse venir chez vous. La porte était fermée, barrée par des interdictions du système qui empêchait que le Christ vienne ici. Ceux qui craignaient la liberté et la vérité, craignaient le Christ."

Vaclav Havel et Jean-Paul II  (Photo : CTK)
Neuf ans donc après la première visite de Jean-Paul II dans notre pays, les efforts visant à réexaminer la place que Jan Hus occupait parmi ceux qui aspiraient à la réforme de l'Eglise, ont abouti. Le pape a prononcé un discours aux participants au congrès international sur Jan Hus, organisé à l'Université du Latran à Rome à l'initiative du comité du Vatican pour la préparation du Jubilé, en collaboration avec la conférence épiscopale tchèque, l'Académie des sciences et l'Université Charles de Prague. Une trentaine d'experts catholiques et protestants tchèques et allemands ont participé à ce congrès sur le réformateur brûlé sur le bûcher de Constance, le 6 juillet 1415. Dans son discours, le pape Jean-Paul II a déclaré, entre autres:

"Hus représente une figure mémorable pour de nombreuses raisons. Mais, c'est avant tout son courage moral face à l'adversité et à la mort qui a fait de lui une figure d'une importance particulière pour le peuple tchèque, lui aussi durement éprouvé au cours des siècles. Aujourd'hui, à la veille du grand Jubilé, je ressens le devoir d'exprimer mon profond regret pour la mort cruelle infligée à Jan Hus et pour la blessure qui suivit, source de conflits et de divisions, qui s'ouvrit si profondément dans l'esprit et dans le coeur du peuple Bohême. La vérité peut se révéler dérangeante lorsqu'elle vous demande d'abandonner nos préjugés et nos stéréotypes enracinés. Toutefois la vérité qui nous libère de l'erreur est également la vérité qui nous rend libres d'aimer et l'amour chrétien a été l'horizon de ce que votre commission a tenté de réaliser. Votre travail veut faire comprendre qu'une figure comme celle de Jan Hus qui a été un fort objet de contestation dans le passé, peut devenir, à présent, un sujet de dialogue, d'échange et d'approfondissement commun."