Jeune prodige du violon, María Dueñas ouvre la saison de l’Orchestre symphonique de la Radio tchèque
L’Orchestre symphonique de la Radio tchèque entame sa saison ce lundi 2 octobre au Rudolfinum de Prague, sous la baguette de son chef Petr Popelka et avec la jeune violoniste virtuose María Dueñas. Originaire de Grenade, en Andalousie, la musicienne de 20 ans a sorti cette année, chez Deutsche Grammophon, son premier album intitulé « Beethoven and Beyond » et enregistré avec l’Orchestre symphonique de Vienne. À Prague, elle interprète les œuvres de Gustav Mahler et d’Erich Wolfgang Korngold, compositeur américain originaire de Brno devenu célèbre pour ses compositions hollywoodiennes.
María Dueñas, c’est votre premier concert à Prague, quels sont vos sentiments avant cette représentation ?
« Je suis vraiment très enthousiaste à l’idée de rencontrer enfin le public pragois et de donner un concert dédié à Korngold, qui est un compositeur très lié à ce pays. Je suis également très heureuse et honorée de pouvoir ouvrir la saison de l’Orchestre symphonique de la Radio tchèque. »
Quel est le lien avec la République tchèque concernant les œuvres que vous allez interpréter ?
« Korngold est né à Brno, mais il a également fait ses études en Autriche. Étudiant et résidant à Vienne, je me sens très proche, culturellement parlant, de ce compositeur. Je dirais que c’est un concert très différent de tout ce que nous avons dans le répertoire pour violon, parce qu’il comporte de nombreux aspects inhabituels, à l’instar des caractéristiques propres aux musiques de film hollywoodiens, typiques de la musique de Korngold. Autre particularité : c’est le violon solo qui ouvre le concert, au lieu d’une introduction orchestrale. Je pense que les gens vont vraiment apprécier cette œuvre originale, qui n’est pas aussi jouée que d’autres. Ce sera une belle découverte pour commencer la saison. »
Gustav Mahler aussi était autrichien, mais il est né en Bohême, et est très lié à Jihlava, Olomouc et à la culture tchèque.
« Effectivement, je trouve que c’est un programme très bien conçu et connecté. »
Vous êtes originaire de Grenade, mais votre formation en tant que violoniste s’est essentiellement déroulée en Allemagne et en Autriche, tout ce répertoire vous est donc familier ?
« Oui, j’ai déménagé à l’âge de 11 ans avec ma famille, d’abord en Allemagne, puis à Vienne, où j’étudie depuis presque sept ans maintenant. Vivre hors d’Espagne m’a permis d’acquérir une culture et un répertoire totalement différents, ce qui est très enrichissant en tant qu’artiste. De plus, mon professeur, Boris Kuschnir, m’a appris l’importance de développer mon propre style et de travailler sur mon son, en particulier. C’est une période très inspirante de ma vie qui m’a permis de progresser et d’arriver où j’en suis aujourd’hui. »
Avez-vous apporté votre Stradivarius à Prague ?
« J’ai apporté le Gagliano parce que le concerto de Korngold a des nuances très chaudes, mais aussi très brillantes. Le violon Gagliano a vraiment cette texture sonore caractéristique, parfaite pour jouer un tel concerto. Si je jouais, par exemple, du Chostakovitch ou un autre concerto moderne, je jouerais probablement avec le Stradivarius, mais je trouve le Gagliano mieux adapté pour interpréter l’œuvre de Korngold. J’ai la chance de pouvoir jouer de deux violons absolument merveilleux. L’un d’eux est un Stradivarius appartenant à la Nippon Music Foundation, au Japon, et l’autre est un Nicolo Gagliano de la fondation allemande Deutsche Stiftung Musikleben. Cela me permet d’avoir une palette de sons étendue et, en fonction de l’œuvre que j’interprète, je choisis l’un ou l’autre des deux violons. »
À seulement vingt ans, vous avez déjà remporté le prix Viktor Tretiakov, le concours Getting to Carnegie Hall, le prix Vladimir Spivakov, le prix Yehudi Menuhin, et plus récemment le prix Princesse de Gérone pour les arts et les lettres. Vous êtes déjà une artiste exclusive de la maison de disques Deutsche Grammophon. Votre carrière semble déjà bien réussie !
« Bien entendu, je travaille énormément, cela va de soi, mais la vérité est que je suis également très enthousiaste à l’idée de tous les projets qui se profilent avec de grands orchestres et de grands chefs. Chaque fois que je travaille avec un nouvel ensemble, je grandis et j’apprends énormément en tant qu’artiste. Alors oui, cela demande beaucoup de travail, mais je pense que ça en vaut la peine lorsque je suis sur scène et que je vois tant de gens qui apprécient la musique. C’est vraiment l’une des plus belles professions qui soient. »
Combien d’heures pratiquez-vous par jour ?
« Ça dépend de ce que je dois préparer. Je pense que le nombre d’heures n’a pas vraiment d’importance, il faut travailler très précisément, en étant très concentrée, et faire le meilleur usage possible de son temps. Il peut s’agir de deux heures ou de quatre, mais je n’accorde pas beaucoup d’importance au nombre d’heures en tant que tel. »