Jindrich Styrsky, artiste qui a lié son sort au surréalisme

Jindrich Styrsky

C'est au peintre et poète Jindrich Styrsky qu'est réservée, ces jours-ci, toute la Maison à la cloche de pierre dans le centre de Prague. Il y a sept ans, une rétrospective de Marie Cerminova, mieux connue sous son célèbre pseudonyme Toyen, y avait été présentée. Aujourd'hui, c'est au tour de son ami et collaborateur Jindrich Styrsky, artiste qui a été le prophète du surréalisme dans le milieu tchèque.

Bien que la vie de Jindrich Styrsky n'ait pas été longue, limitée par les dates 1899 et 1942, l'oeuvre de cet homme extrêmement ouvert aux défis artistiques de son temps reste incontournable. L'exposition à la Maison de la cloche de pierre met en relief son évolution artistique mais aussi l'étonnante ampleur des méthodes, des procédés et des techniques qu'il utilisait. Pour l'inauguration de cette rétrospective, la poétesse et essayiste Annie le Brun et le poète Radovan Ivsic, son ami, ont été invités à Prague. Annie le Brun, elle aussi, avait participé à l'aventure surréaliste et avait été une amie et collaboratrice de Toyen. Cette spécialiste et interprète de l'oeuvre du marquis de Sade a exprimé au micro de Radio Prague son admiration pour la création de Jindrich Styrsky :

«Moi, je suis complètement éblouie. Evidemment, je connais une part de l'activité de Styrsky, parce que, étant donné l'amitié de Radovan Ivsic et la mienne avec Toyen, on a eu le privilège de voir beaucoup de choses avant les autres. Mais voir aujourd'hui la totalité de cette oeuvre, je le trouve absolument bouleversant. Ici on n'a pas le temps de dire à quel point c'est extraordinaire, mais je voudrais attirer l'attention sur un tableau de 1937 qui s'appelle « Le Don ». Ce tableau est comme un livre. On y voit un profil indéterminé d'où sort un visage effacé. Je connaissais ce tableau sous le nom du Portrait de Sade. Toyen, qui avait ce tableau, me l'a montré et on en parlait souvent. Pour elle, c'était le Portrait de Sade. J'en suis d'autant plus bouleversée maintenant, parce que quand j'ai vu ce tableau chez Toyen, je n'avais pas encore véritablement travaillé sur Sade, et maintenant je m'aperçois à quel point il y a une vérité profonde dans ce tableau, que Styrsky a tout compris. Il a compris, à la fois, quelle était la sorte de tourment de Sade, qui essayait de donner corps à l'irréalité de l'imaginaire, et d'un autre côté à quel point le livre est quelque chose de vivant parce que ce livre-là est en train de devenir un visage, une oreille qui devient un visage. Rien que pour cela il faut aller voir cette exposition. Cela va peut-être aider le spectateur, comme cela m'a aidée, peut-être pas à comprendre mais surtout à ne pas faire de contresens sur la lecture de Sade. »

L'amitié pour Toyen a donc permis à Annie le Brun de découvrir aussi l'oeuvre de Styrsky, disparu déjà en 1942 et qu'elle n'a pas pu connaître personnellement. C'est pourtant grâce au couple Styrsky-Toyen qu'elle a eu une révélation qui allait marquer sa vie :

« Je veux dire aussi que Toyen m'a beaucoup aidée parce qu'il y a son tableau du château de La Coste (château du marquis de Sade) et puis aussi j'ai vu des photos de Styrsky du voyage qu'ils ont fait ensemble, en 1932, au château de Sade. Ce sont des choses qui m'ont beaucoup aidée à échapper aux façons convenues de rentrer dans Sade. Et je leur suis très redevable de cette sorte de liberté que, grâce à eux, j'ai pu avoir sur cette question-là. »

La rétrospective Jindrich Styrsky à la Maison à la cloche de pierre (Dum u kamenneho zvonu) sera ouverte jusqu'au 9 septembre.