Les relations poétiques entre Français et Tchèques
Les illustrations tchèques de la poésie française sont au cœur de l’exposition Naše Francie (Notre France), visible au pavillon d’été Hvězda à Prague jusqu’à la fin du mois de mois d’octobre. Cette superbe exposition, liée au centenaire de la fondation de la Tchécoslovaquie, permet de mesurer l’influence des poètes français sur l’art tchèque au XXe siècle. Radio Prague vous propose une petite visite guidée en compagnie de son curateur, l’historien français Antoine Marès, qui, pour commencer comme il se doit, nous a exposé les raisons, aussi personnelles, qui l’ont motivé à travailler sur ce projet.
Les liens franco-tchèques par la poésie, face à l’écume des événements
« La première raison, c’est que nous fêtons une année en 8. Ces années en 8 sont célèbres chez les Tchèques et nous fêtons cette année le centenaire de la Tchécoslovaquie. La deuxième raison, c’est évidemment l’intensité des relations entre la culture tchèque et la culture française depuis la fin du XIXe siècle, mais qui tout d’un coup, à partir de 1918, se libèrent des contraintes politiques qui pesaient sur elles. La troisième raison, c’est que la culture française est très présente dans la culture tchèque à partir de la fin du XIXe siècle et que cette place est de plus en plus importante. Les relations culturelles et littéraires franco-tchèques atteignent leur sommet dans les années 1920, jusqu’au début des années 1930.Il y a une quatrième raison également au fait de parler de la poésie. La poésie est en effet un lieu littéraire où les arts se rencontrent avec les mots, les images avec les mots. Et chez les Tchèques, depuis la fin du XIXe siècle, il y a une culture du livre qui fait que les traductions de la poésie française, depuis cette époque, sont accompagnées d’illustrations qui constituent un corpus représentant pratiquement l’ensemble des arts tchèques au XIXe tchèque.
Et puis, il y a peut-être une réflexion plus personnelle. Il y a des raisons aussi plus intimes à ce projet. D’une part mon amour de la poésie qui a été éveillé par un certain nombre de mes enseignants du secondaire. Il y aussi le fait que, lorsque je suis arrivé à Prague pour la première fois – c’était en 1970 -, j’arrivais pour suivre des cours d’été et une femme de ménage qui était encore dans la pièce que j’allais occuper, comprenant que j’étais Français, m’a montré du doigt et m’a dit ‘Mnichov’ (‘Munich’). Je ne comprenais pas le tchèque à l’époque... »
Cela ne voulait pas dire « bienvenue »…
« Effectivement, j’ai découvert que ‘Mnichov’, c’était son mot de bienvenue pour un Français. Cette femme d’une cinquantaine d’années avait vraisemblablement été traumatisée par les événements, et puis intoxiquée aussi par la culture communiste qui faisait de Munich une sorte d’acmé de la trahison de l’Occident. Elle me considérait moi, jeune garçon de 18-19 ans comme responsable de cet événement historique… Alors cette exposition, c’est un peu la réponse que je fais à cette femme de ménage. »C’est-à-dire que si vous portez Munich, vous portez aussi cet héritage de la poésie française…
« Absolument… »
Parce qu’il est vrai que de prime abord, il peut paraître surprenant de célébrer le centenaire de l’indépendance de la Tchécoslovaquie sous l’angle de la poésie. On pourrait s’attendre à un angle politique, géopolitique sur le rôle de la France pendant la Première Guerre mondiale. Or non, vous choisissez la culture…
« Tout à fait, c’est une façon de se déplacer un petit peu et de donner sa place à quelque chose qui est peut-être plus essentiel que l’écume des événements, quelque chose qui est beaucoup plus profond, qui prend ses racines au XIXe siècle, et qui reste encore très présent aujourd’hui dans la culture tchèque. »
Quelles sont ces racines au XIXe siècle ?
« Au XIXe siècle, le problème des Tchèques était de s’affirmer face à la communauté allemande, puisque le pays était bilingue, biculturel, et que, au XIXe siècle, les Tchèques ont imaginé, non pas par amour totalement désintéressé à l’égard de la France, mais par réalisme, qu’ils pouvaient contourner la culture allemande et accéder à la modernité en s’appuyant sur la culture française. Cela a commencé avec la peinture, avec les arts plastiques, avant que la littérature prenne le relai très puissamment avec l’Anthologie de Jaroslav Vrchlický par exemple en 1877, puis ensuite la traduction de Zone d’Apollinaire par Čapek, etc. »
Du Moyen Âge jusqu’à la fin du XXe siècle
On va pouvoir débuter l’exposition. Comment l’avez-vous conçue ?
« Cette exposition a été conçue sur un principe chronologique, une chronologie de la poésie française, en commençant par la poésie du Moyen Âge et en allant jusqu’à la fin du XXe siècle. Le cadre que nous nous sommes fixés, c’est la production d’un siècle, c’est-à-dire de 1900 à 2000, mais en commençant par la poésie médiévale.
Le premier monument littéraire médiéval qui a été traduit ici, dès 1915, c’est La Chanson de Rolland, qui a été illustrée notamment par František Kupka, par Miloslav Troup. Ensuite, on passe à Tristan et Yseult, à Aucassin et Nicolette, à Rutebeuf, ou à Guillaume de Machaut, qui avait accompagné Jean de Luxembourg en Bohême au XIVe siècle. Ils représentent bien ce qu’a été la poésie médiévale. »
On arrive maintenant devant un panneau entièrement consacré à François Villon. En quoi son œuvre a-t-elle a été décisive pour les artistes tchèques ?
« Je dirais que cette œuvre a d’abord été décisive parce qu’il y a une tradition, en pays tchèques, d’enseignement du vieux français. Vraisemblablement, cela a joué un rôle. Elle est décisive aussi parce que l’œuvre de Villon a été traduite pour la première fois de façon géniale par un universitaire qui s’appelait Otokar Fischer. La deuxième raison, c’est que les artistes tchèques, et parmi les plus grands, se sont emparés véritablement de Villon pour le transposer dans le monde artistique, dans le monde iconographique tchèque. »A quel point les grands poètes tchèques ont traduit la poésie française
« Nous avons essayé d’alléger l’exposition, de faire quelque chose d’attractif. Le centre de l’exposition est composé de portraits des poètes, pour la plupart réalisés par des tchèques. Chaque pièce est annoncée par des panneaux lumineux qui caractérisent chacune de ces salles. Ici Villon, là une pointe sèche de Tichý mentionnant Baudelaire, là-bas un calligramme d’Apollinaire, un portrait imaginaire de Paul Valéry, le groupe du Grand Jeu pour incarner le XXe siècle et un collage de Toyen… »
Donc on peut continuer dans la deuxième salle. J’imagine qu’on passe au XIXe siècle…
« Absolument. On aborde le romantisme. Les poètes romantiques sont moins traduits au XXe siècle qu’ils ne l’étaient au XIXe siècle. Musset, Vigny, Victor Hugo bien sûr mais également Nerval ou Aloysius Bertrand sont malgré tout présents et ont suscité de nombreuses illustrations. Comme nous l’avons fait pour la salle médiévale, nous avons joint pour chaque panel des manuscrits, des traductions par les plus grands traducteurs. Notre propos, c’est de montrer à quel point les grands poètes ont traduit la poésie française. C’est ce qui explique vraisemblablement le succès de la poésie française dans l’espace culturel tchèque.
Là, nous arrivons face aux deux panneaux consacrés à Baudelaire, qui est le poète français le plus traduit en tchèque. C’est sur Baudelaire qu’on a le plus grand nombre de titres de poésie. Baudelaire a également beaucoup excité l’imagination des dessinateurs et des illustrateurs. Certains d’entre eux sont tout à fait remarquables. Si on regarde un peu autour de nous, on peut mentionner chronologiquement ces artistes : František Muzika, Cyril Bouda… Et on continue avec Jiří Kolář, František Tichý, ou encore Zdeněk Sklenář, qui a consacré beaucoup d’illustrations dans les années 1940, au début de sa carrière, à Baudelaire. Il était fasciné par Baudelaire. Il faut ajouter qu’il y a un autre côté intéressant pour les illustrateurs de Baudelaire, puisque c’est le côté érotique de Baudelaire qui a lui aussi stimulé l’imagination des artistes tchèques. »Verlaine et Rimbaud
« Nous sommes là devant le panneau Verlaine. Et il se trouve qu’il y a un poème de Verlaine, Chanson d’automne, qui a été traduit en soixante versions. Podzimní píseň, c’est quelque chose que les Tchèques connaissent bien, par ces traductions. Je pense que le propos de cette exposition est de mettre en regard plusieurs choses ; d’abord l’importance de la poésie française dans le champ culturel tchèque ; deuxièmement de montrer l’art du livre tchèque ; et troisièmement d’avoir une sorte de petite synthèse, à travers ses illustrateurs, de ce qu’est l’art tchèque du XXe siècle. Il y a donc ces trois propos qui font que chacun peut y trouver son compte. On pourra venir voir des œuvres d’un côté, d’autres s’intéresseront plutôt aux auteurs et d’autres s’intéresseront aux livres proprement dits. »
J’imagine que nous nous dirigeons maintenant vers le symbolisme…
« Oui, mais nous allons d’abord faire un petit arrêt chez Rimbaud, parce que Rimbaud, comme Verlaine, a une place importante. Et Rimbaud a en plus été un des inspirateurs des surréalistes. Le fait que le premier ouvrage complet sur Rimbaud paraisse en 1930, que la première biographie de Rimbaud soit due à Jindřich Štyrský, que cet ouvrage sur l’œuvre de Rimbaud ait été traduit par Vítězslav Nezval, montre bien la filiation entre Rimbaud et la poésie du XXe siècle et en particulier les surréalistes. Là aussi, Rimbaud et le Bateau ivre ont suscité énormément d’illustrations. Il y a une espèce de fascination chez les artistes tchèques pour le Bateau ivre et je dirais que cela va jusqu’à Karel Demel. Avec ses dernières illustrations d’une Saison en enfer, il a montré que jusqu’à aujourd’hui Rimbaud occupe une grande place. »La fin de l’homogénéité des courants poétiques
« Nous arrivons sur un panneau spécialement consacré à deux poètes : Mallarmé et Corbière. Leur présence ici peut sembler étrange dans la mesure où Mallarmé est un poète extrêmement hermétique, difficile à comprendre et encore plus difficile à traduire. Vous me posiez la question tout à l’heure de la spécificité tchèque par rapport au reste de l’Europe centrale : là, on a une vraie spécificité avec ces deux poètes. Mallarmé a été traduit dès la fin du XIXe siècle par un poète traducteur, Emanuel Lešehrad, ce qui était absolument unique dans la région. Corbière a été aussi très traduit alors que son œuvre est réduite. J’explique ce succès de Corbière par le fait qu’il était breton, et qu’il y a eu ici une assez grande fascination pour la Bretagne. Il faut ajouter que Corbière a été illustré par Josef Čapek et qu’il est une sorte d’icône tchèque de l’illustration, et le frère de Karel Čapek. »
On arrive à Guillaume Apollinaire. On est alors à la charnière entre le XIXe et le XXe siècle…
« Ce qui est caractéristique de cette période de la fin de XIXe et du début du XXe siècle, c’est que c’est peut-être le moment où on perd les mouvements artistiques homogènes. On est plutôt dans un phénomène d’individualisation des parcours. C’est le cas de Lautréamont, mais aussi de Jarry, que nous avons introduit comme poète parce qu’il est considéré ici comme faisant partie des poètes maudits, ce qui ne serait pas forcément évident en France, où on le voit plutôt sous un autre angle.
Tout cela annonce en quelques sortes l’émergence d’Apollinaire. L’acte fondateur est, en 1919, la parution de la traduction de Zone, qui va révolutionner la poésie française. De la même façon que Rimbaud est relié aux avant-gardes, Apollinaire va être ici le point d’appui de l’émergence des avant-gardes. Le fait que les ouvrages traduits d’Apollinaire soient illustrés par Josef Čapek, qui a introduit ici le cubisme avec son frère Karel, et que Toyen et Teige aient aussi illustré ses recueils, montre bien le rôle qu’Apollinaire et très précisément Zone ont joué dans l’espace tchèque. »L’espace du XXe siècle
« Nous arrivons au XXe siècle. On a commencé cette salle avec Paul Valéry, qui a aussi suscité beaucoup d’illustrations. Il a été traduit par très peu de traducteurs. Son grand traducteur est Josef Palivec, qui était lui-même poète. Il y a aussi eu quelques traductions de Reynek, de Siblík ou encore de Gustav Francl. Ce qui est étonnant dans l’œuvre traduite de Valery, c’est la place des illustrateurs, et en particulier de Jan Konůpek, qui est très présent dans cette exposition. Jan Konůpek était engagé par un éditeur, qui s’appelait Josef Portman, pour illustrer des livres uniques. Ces livres uniques, qui se trouvent au Musée de la littérature tchèque, sont exposés pour la première fois. Ils ont été illustrés, notamment un peu avant la guerre et pendant la guerre, par Konůpek et ils sont tout à fait étonnants.
Tout cela ouvre l’espace sur le XXe siècle, qui a été considérablement réduit parce qu’il fallait bien faire des choix. On a mis l’accent sur quelques poètes : Cendrars, Vildrac qui est moins connu aujourd’hui, Reverdy, Cocteau, qui étaient très présent à l’époque et qui reste connu, mais aussi Supervielle, Michaux et Prévert, qui occupent un espace important en traduction. »
La circulation des œuvres poétiques
« En organisant cette exposition, nous avons également été frappés par le fait que la francophonie était aussi là. Nous avons des traductions de Senghor ou de Césaire, dans une collection fameuse dont les couvertures très originales ont été faites par Václav Bláha, un très bon graphiste. »
Comment circulent ces œuvres ? Comment arrivent-elles en pays tchèques ? Y a-t-il une évolution, notamment sous le communisme ?
« Les circuits peuvent être différents. Pour les francophones, ils peuvent acheter… La poésie n’est pas considérée comme quelque chose de dangereux a priori par la censure, quand on a des textes poétiques en français. Sauf si, par exemple, après les protestations d’Aragon contre l’invasion de la Tchécoslovaquie, on découvre des livres d’Aragon, ils vont être confisqués. En l’occurrence, pour les francophones, l’accès à la poésie passe par la lecture en français.
Pour les autres, c’est un système plus compliqué. Ils peuvent, et ils en jouent parfois dans les périodes un peu plus difficiles – je pense à la période de la normalisation, ils peuvent accéder aux traductions en slovaque. La Slovaquie était plus libérale dans la traduction du français. Donc il y a des textes qui ne pouvaient pas être traduits à Prague, et qui pouvaient l’être à Bratislava.
Et puis, il y avait une maison d’édition qui se consacrait essentiellement à la traduction des ouvrages étrangers, la maison d’édition Odeon. Au sein d’Odeon, il y avait toute une équipe de rédacteurs, des gens absolument remarquables, qui avaient refusé de s’insérer dans le régime. Ils auraient pu être ambassadeurs, ils avaient refusé toute compromission avec le régime, ils avaient refusé d’entrer dans le parti communiste. Ils faisaient un travail de fourmi, très discret, très efficace, et ils sont devenus pratiquement tous enseignants à l’université après 1989. »
Les auteurs catholiques
« Vous voyez que nous avons créé une section particulière consacrée à la littérature catholique. C’est aussi une particularité de la traduction du français : les catholiques sont très représentés à travers des petites maisons d’éditions qui se trouvaient en province, à Brno, à Olomouc, à Stará Říše ou encore à Kroměříž, et qui étaient animées par des passionnés de la littérature catholique et de la littérature française. Ici, vous pouvez voir une vitrine avec quelques signatures significatives de Reynek, des dédicaces de Hořejší et, peut-être l’une des plus précieuses et des plus touchantes, une dédicace de Pierre Jean Jouve à Šíma écrite en juin 1939. Il lui écrit ‘A un grand artiste, Josef Šíma, grand artiste et grand poète, d’un cœur affectueux afin qu’il ne désespère pas. »
Cela interroge justement sur les liens que peuvent avoir les poètes tchèques et français. Est-ce quelque chose que vous avez voulu montrer dans l’exposition ou auquel vous avez été confronté pendant sa préparation ? Est-ce que des traducteurs tchèques envoient leurs traductions à l’auteur de ces poèmes ?
« C’est quelque chose qui arrive parfois. C’est le cas entre Otokar Fischer et Spire par exemple, qui ont entretenu des liens étroits. On connaît aussi les liens de Nezval et de Breton, même s’ils se sont ensuite interrompus. Mais c’est une situation plutôt rare : il y a des correspondances mais les auteurs français sont incapables de juger de la traduction du tchèque, donc la question ne se pose pas.Nous arrivons devant un panneau spécialement dédié à Suzanne Renaud et Bohuslav Reynek. Je tenais beaucoup à ce panneau parce que, pour moi, ces deux personnalités incarnent l’union de la littérature française et de la littérature tchèque.
Bohuslav Reynek a fait la connaissance de Suzanne Renaud à travers un poème qu’il a découvert d’elle. Il lui a demandé l’autorisation de le traduire en tchèque et Suzanne Renaud a accepté cette traduction. Ils se sont rencontrés et se sont ensuite mariés. Leur union n’a pris fin qu’au décès de Suzanne Renaud en 1964, avec une petite catastrophe pour elle puisqu’elle avait abandonné sa nationalité française en épousant Reynek et qu’après 1948, elle est restée enfermée jusqu’à sa mort en Tchécoslovaquie. »
Et les surréalistes…
« Eluard, Breton et le surréalisme sont regroupés pour avoir une certaine unité, d’autant plus que Toyen se situe derrière. On y voit qu’Eluard a été très présent. Il n’a pas subi d’éclipse du fait de ses opinions politiques ; alors qu’on sait qu’il était un communiste convaincu et qu’il a eu une attitude un peu légère vis-à-vis des condamnés des grands procès, puisqu’il a dit qu’il avait assez à s’occuper des victimes pour ne pas s’occuper en plus des coupables. La place d’Eluard était importante déjà avant la guerre, dont il sort comme une icône poétique de la Résistance, notamment avec le poème Liberté qui est connu universellement. Breton est très présent aussi avec des ouvrages extrêmement importants par leurs illustrateurs. On voit ici Šíma, Toyen ou encore Teige, ce qui résume une grande partie des avant-gardes tchèques.
Le surréalisme est un mouvement qui se développe. Les surréalistes français sont ici très connus. Nous avons regroupé des gens qui sont à la marge de ce surréalisme ici : Aragon, Tzara, Soupault, Desnos. Desnos a une histoire très particulière ici. Il est mort à Terezín. Il est d’ailleurs reconnu par un jeune étudiant en médecine, passionné de poésie et qui se rend compte que c’est Desnos. Dans un souffle, agonisant, Desnos confirme : ‘oui, c’est moi Desnos’. C’est comme cela qu’on reconnaîtra Desnos.
Nous en arrivons pour terminer à Toyen. »
Donc en apothéose…
« Oui, à la fois l’apothéose et une volonté aussi d’être très illustratif. Nous avons laissé parler les pointes sèches de Toyen. Je voudrais simplement citer ce propos de Breton en 1947 à propos de Toyen : ‘Par une échelle de soie, tout ce qu’elle touche est relié à mon champ’. C’est une très belle évocation du lien très fort qu’il y a eu entre Breton et Toyen. »
On touche à la fin de l’exposition. Est-ce un point final ou alors une histoire qui continue ?
« Chronologiquement, je dirais qu’elle continue. Parce que les flux de traduction de la poésie française vers le tchèque se poursuivent. Il y a une nouvelle génération de traducteurs, qui est arrivée, très talentueuse. Les anciens continuent à œuvrer. Nous sommes dans un cycle qui n’est pas clos, qui continue. »
Le cabinet érotique et la clef du mystère
Le visiteur a une petite récompense avant de partir, il peut passer par le cabinet érotique…
« Effectivement. Son seuil n’est pas infranchissable mais on marque une petite porte symbolique. Nous entrons ici dans ce qu’on a appelé ‘Les Fleurs du mal’, ou ‘le cabinet érotique’, parce que la poésie a aussi une dimension érotique. On a commencé avec une illustration de la grosse Margot de Villon et puis quelques illustrations de la poésie du XVIIe et du XVIIIe siècle qui ont inspiré quelques artistes. Je pense notamment à Václav Mašek. Il y a aussi bien sûr le continent Baudelaire, avec Les Fleurs du Mal et ses poèmes condamnés, interdits lors de leur sortie par un procès dirigé contre l’auteur. »
Nous allons sortir de cette pièce pour une ultime question, qui sera peut-être la clé de cette exposition : pourquoi ce nom de Naše Francie ?
« Ce nom est le résultat de réflexions qui se sont étendues dans le temps. L’origine, c’est peut-être l’anthologie de Hanuš Jelínek, Naše sladká Francie. On était partis sur un autre titre, qui était ‘Francie je naše’ (‘La France est à nous’), qui sonne très mal en tchèque et finalement on est arrivés à ‘Naše Francie’ qui a convenu à nos différents partenaires. Ce titre est donc accroché à la façade. »
Et donc les visiteurs ont jusqu’en octobre pour voir cette exposition…
« Oui l’exposition durera jusqu’au 31 octobre ! »