Jiří Kylián à l’Académie des beaux-arts : « Maintenant que je suis immortel, je ne crains pas la chute ! »

Jiří Kylián, photo: ČTK/PR/Tereza Nováková

Une coupole, un ministre, une épée, une princesse : la cérémonie organisée à Paris mercredi était solennelle à souhait pour l’entrée du chorégraphe tchèque Jiří Kylián à l’Institut de France, l’Académie des beaux-arts.

Jiří Kylián,  photo: ČTK/PR/Tereza Nováková
C’est Caroline de Monaco qui a remis son épée à Jiří Kylián, après son installation officielle par son confrère Hugues R. Gall. Comme le veut la tradition, le chorégraphe a fait dans son discours l’éloge de son prédécesseur, le peintre Leonardo Cremonini, mort en 2010.

De la mort, de jeux de mots et jeux de corps avec la mort, il en a été question pendant cette cérémonie chez ceux qu’on appelle en France les immortels, car ils occupent un poste à vie et que la fonction se perpétue.

Perpétuelle, l’Académie tente aussi de s’étendre à de nouvelles disciplines – raison pour laquelle une neuvième section, celle de la chorégraphie, a été créée l’année dernière. Le nom du chorégraphe tchèque de 70 ans est ensuite apparu comme une évidence et Jiří Kylián ne cachait pas sa joie mercredi soir :

« Ce n’est pas si simple, parce que parmi toutes les récompenses possibles celle-là met la barre très haut. Le problème est de savoir où aller après. Mais bon, maintenant que je suis immortel, même si je tombe d’aussi haut, je ne crains pas la chute… Non, je plaisante sur l’immortalité, mais cette récompense est très importante pour la danse et la chorégraphie. »

« La danse a toujours été négligée, elle a toujours un peu été le parent pauvre dans le monde culturel, mais je suis heureux que désormais la chorégraphie soit appréciée à sa juste valeur. Pour la danse, cette reconnaissance par l’Académie des beaux-arts est une chose importante et j’en suis très heureux ! »

Cela dit, Jiří Kylián devra encore se méfier de chutes potentielles car il n’a pas réellement acquis le statut d’immortel conféré aux académiciens, et avant tout aux membres de l’Académie française – il fait partie des membres associés étrangers, au même titre que Woody Allen, Farah Pahlavi ou Cheikha Mozah, les épouses respectives de l’ancien Shah d’Iran et de l’ancien émir du Qatar.

Troisième Tchèque de l'histoire sous la coupole

Jiří Kylián,  The Alabama Ballet,  Six Dances,  photo: Melissa Dooley,  CC 2.0
Jiří Kylián: « C’est une reconnaissance en soi, cela n’entraîne pas d’obligations pour moi. Mais cette Académie des beaux-arts a un rôle de conseil pour le gouvernement – c’est aussi pour ça que le ministre français de la Culture était présent à la cérémonie. Les académiciens n’ont pas de pouvoir au sens propre du terme, mais ils ont la possibilité d’influencer positivement la culture. »

La cérémonie parisienne de mercredi était forcément placée également sous le signe de la danse et le spectacle a été assuré par la danseuse allemande Sabine Kupferberg, l'épouse du chorégraphe.

Jiří Kylián: « C’est un jeu compliqué, la musique est du compositeur anglais Henry Purcell et les deux arias sur lesquelles Sabine a dansé concernent la mort. Et la moitié de la salle était composée par des immortels ; l’autre moitié par des mortels – donc c’est un jeu sur ce à quoi nous survivons et ce à quoi survit l’art une fois que nous mourrons tous. Car l’art sera toujours là et cette Académie existe pour soutenir l’art. Et j’ai reçu une épée – ce n’est pas le symbole de l’immortalité mais le symbole de la défense de l’art, quitte à avoir pour ce faire une épée à la main. »

La poignée de cette épée est la reproduction d'une statuette datant de 5 500 ans représentant une figure féminine aux allures de danseuse.

Jiří Kylián est devenu le deuxième Tchèque de l’histoire à devenir membre associé étranger de l’Académie des beaux-arts en France après le peintre Václav Brožík, élu en 1896. Seul le compositeur Antonín Rejcha (Antoine Reicha) a obtenu le statut d’académicien à part entière, en 1835.