Jiří Rusnok Premier ministre mais pour combien de temps ?

Miloš Zeman et Jiří Rusnok, photo: ČTK

En intronisant l’économiste Jiří Rusnok Premier ministre avant même la moindre conférence de presse, le chef de l’Etat Miloš Zeman n’a pas manqué de surprendre. Faisant fi de l’avis des partis, ceux de la majorité voulant poursuivre l’aventure avec un nouveau chef de gouvernement, ceux de l’opposition réclamant des élections législatives anticipées, le Président de la République a opté pour la mise en place d’un « gouvernement d’experts » disposant à l’heure actuelle d’un soutien quasi-nul à la Chambre des députés et dont les jours semblent d’ores et déjà comptés.

Miloš Zeman et Jiří Rusnok,  photo: ČTK
« Contre tous » pour Mladá fronta Dnes, « Zemanocratie » pour Lidové noviny : la plupart des quotidiens tchèques s’accordent ce mercredi pour relever le coup de force du chef de l’Etat Miloš Zeman. Celui-ci, pour résoudre la crise gouvernementale que traverse le pays depuis la démission du Premier ministre Petr Nečas suite au déclenchement d’une vaste affaire de corruption, a décidé, « contre tous », de nommer l’économiste Jiří Rusnok pour diriger un « gouvernement d’experts ». C’était mardi à 15h00 au Château de Prague ; on écoute Miloš Zeman :

« Cher président du gouvernement, je vous remercie d’être venu accepter mon offre afin de devenir le Premier ministre de la République tchèque en cette période très difficile. J’apprécie le fait que vous soyez un expert. Aussi, j’ai désigné votre cabinet en tant que gouvernement d’experts et je considère donc que votre nomination en est la preuve. »

Jiří Rusnok et Miloš Zeman se connaissent bien puisque le premier était ministre des Finances social-démocrate dans le gouvernement du second au début des années 2000. Le nouveau Premier ministre, dont la tâche annoncée est de soumettre une proposition de budget pour l’année 2014, dispose de deux semaines pour monter son équipe gouvernementale, une équipe qui sera ensuite soumise à un vote confiance à la Chambre des députés.

Miroslava Němcová,  photo: ČTK
Et c’est là que les choses se compliquent, car aucun des six partis qui y sont représentés n’approuvent l’acrobatie présidentielle. A commencer par les partis de la coalition gouvernementale de droite jusqu’à alors au pouvoir et du premier d’entre eux, l’ODS, qui souhaite toujours voir Miroslava Němcová prendre la tête d’un nouveau cabinet. Avec les partis TOP 09 et LIDEM, l’ODS affirmait mardi disposer du soutien de 101 députés, sur les 200 que compte la Chambre basse du Parlement. Vice-président de la formation civique-démocrate ODS, Jiří Pospíšil explique :

« J’espère que les choses se passeront en accord avec la Constitution. C’est-à-dire que le nouveau gouvernement va devoir se soumettre à un vote de confiance des députés, une confiance qu’il n’obtiendra pas. Et le Président devra alors très probablement essayer de nommer un nouveau Premier ministre. D’ici-là, nous allons traverser une période d’instabilité. »

Si la deuxième nomination proposée par Miloš Zeman s’avère être un nouvel échec – il a annoncé qu’il reconsidérerait alors peut-être sa position - un troisième chef de gouvernement devra être désigné, cette fois-ci par le président de la Chambre des députés, qui se trouve être… Miroslava Němcová, laquelle ne pourra pas s’autoproclamer Premier ministre.

Michal Hašek et Bohuslav Sobotka,  photo: Filip Jandourek
L’autre scénario, c’est le principal parti d’opposition qui tente de l’écrire : les sociaux-démocrates continuent de réclamer la dissolution de la Chambre basse et vont soumettre cette proposition au vote des députés. Parlementaire de la social-démocratie, Michal Hašek développe :

« La social-démocratie va proposer à la mi-juillet un vote pour dissoudre la Chambre des députés. Si elle est dissoute, le chef de l’Etat prend acte de cette décision et appelle à l’organisation d’élections anticipées sous 60 jours. Si la Chambre des députés n’est pas dissoute et que ces messieurs de TOP 09 et de l’ODS veulent encore profiter de leurs sièges ministériels en s’asseyant sur leur indignité actuelle, alors il y aura un vote de confiance et nous verrons bien à ce moment-là. »

120 suffrages sont nécessaires pour valider cette dissolution soutenue par les communistes, le parti Affaires publiques et même évoquée par certains membres de la majorité. Cela ne sera sans doute pas suffisant.

Durant deux semaines au moins, le cabinet de Jiří Rusnok va donc gouverner le pays. On en connaît déjà quelques noms : Martin Pecina devrait être en charge du ministère de l’Intérieur, Jan Kohout aux Affaires étrangères et Marie Benešová à la Justice. On en connaît certainement aussi l’une des premières mesures. Les nominations voulues par Miloš Zeman dans certaines ambassades vont enfin pouvoir être exaucées, chose que lui refusait jusqu’à présent le chef de la diplomatie Karel Schwarzenberg (TOP 09). En six mois de présidence, Miloš Zeman a profité de chaque opportunité pour repousser les limites des fonctions que lui octroie la constitution. Nul doute que lors des semaines prochaines, le gouvernement de Jiří Rusnok sera aussi celui de Miloš Zeman.