JO de Tokyo : inspirées du folklore, les tenues officielles des athlètes tchèques pas épargnées par la polémique

Un mois avant le coup d'envoi des Jeux olympiques de Tokyo, le Comité olympique tchèque a dévoilé la collection de vêtements destinés à être portés par les athlètes lors de la cérémonie d'ouverture. Une collection aux couleurs nationales, mais aussi et surtout, réalisée à partir d'un tissu fabriqué d'après une technique ancestrale classée à l'UNESCO. Pourtant, leur présentation n'est pas allée sans son lot de polémiques...

Photo: Comité olympique tchèque

Lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Tokyo, les athlètes tchèques défileront vêtus de bleu, blanc et rouge. Mais c'est surtout le tissu bleu qui attire le regard de cette collection préparée par la styliste Zuzana Osako, en coopération avec la société tchèque de vêtements outdoor, Alpine Pro.

Zuzana Osako | Photo: Comité olympique tchèque

Lorsqu'elle a été approchée pour réaliser cette collection olympique, Zuzana Osako, qui a vécu pendant des années avec son mari au Japon, a choisi de combiner des éléments de la culture tchèque et japonaise. Elle a cherché à jeter un pont entre ces deux cultures si éloignées via la technique traditionnelle d'impression sur étoffes indigo, dont l'artisanat en Europe centrale serait originaire du Japon depuis le XVIIIe siècle :

« Au Japon, l’impression sur indigo est une technique de teinture très populaire et a été pratiquée bien avant que cela ne parvienne dans nos contrées. C’est d’ailleurs toujours aussi prisé là-bas, même s’ils utilisent une technique différente. En Tchéquie, on considère cela comme un élément plutôt historique, mais avec son classement à l’UNESCO et les Jeux olympiques, il y a un vrai regain d’intérêt pour le ‘modrotisk’. »

Le « modrotisk », aussi connu sous son nom allemand, Blaudruck, est une technique commune à la Tchéquie, la Slovaquie, l’Autriche, l’Allemagne et la Hongrie. Inscrit en 2018 sur la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO, le « modrotisk », se traduit littéralement par « impression » ou « teinture en bleu de réserve ». Il s’agit d’une technique, proche du principe du batik indonésien, où l’on applique sur un tissu une pâte résistante à la coloration avant de le surteindre avec un colorant indigo. La pâte résistante, de la cire le plus souvent, empêche la teinture de pénétrer le motif, lui permettant ainsi de rester blanc ou non teint après la teinture.

Photo: Comité olympique tchèque

En Tchéquie, les deux seuls ateliers familiaux qui pratiquent encore cet artisanat produisent ainsi des métrages d'un tissu d’un bleu profond d’où ressortent en blanc des motifs floraux la plupart du temps, géométriques, ou encore des dessins. C’est justement dans l’atelier de Jiří Danzinger à Olešnice, en Moravie qu’ont été produits les tissus en Blaudruck destinés aux sportifs tchèques. Son savoir-faire lui a été transmis par son père qui, lui-même, l’avait appris de son propre père. Onze générations ont ainsi fait perdurer la tradition jusqu’à nos jours. En 2016, l’atelier a fêté ses 200 ans d’existence. Pour fabriquer plusieurs mètres de tissu bleu aux imprimés blancs délicats, il faut quatre jours à l’artisan :

« J’ai une réserve de pâte à imprimer qui est faite à partir de gomme arabique notamment. Mais il y a aussi quelques autres éléments qui y sont mélangés et qui étaient et resteront un secret bien gardé. »

Photo: Comité olympique tchèque

En créant les tenues olympiques, Zuzana Osako est allée puiser dans le registre folklorique des costumes traditionnels tchèques et moraves. D’où l’existence de modèles différents pour les femmes et les hommes. En adaptant de manière contemporaine ce tissu artisanal traditionnel, la styliste a opté pour un parti-pris déjà très en vogue ces dernières années, où le « modrotisk » est revisité et remis au goût du jour.

Pourtant, la collection n’a pas suscité que l’enthousiasme. Elle a soulevé une vague de débats et de polémiques, de ceux dont les réseaux sociaux sont friands, certains estimant que ce choix pour représenter la Tchéquie était une fois de plus des plus malheureux après les bottes en caoutchouc aux JO de Londres, d’autres regrettant que les athlètes tchèques aient l’air de « paysans » dans le meilleur des cas, voire de « ploucs ».

Petr Holý | Photo: Tomáš Vodňanský,  ČRo

Au-delà des controverses en ligne, c’est du côté d’un spécialiste du Japon, Petr Holý, qu’on a pu entendre une des critiques les plus virulentes. Pour lui, la conception est le fruit d’un certain amateurisme et d’une incompréhension de la culture japonaise à laquelle ont été empruntés des éléments censés faire le lien entre les deux cultures :

« J’ai découvert la collection comme tout citoyen lambda. J’ai été vraiment très surpris en tant que spécialiste du Japon depuis des années. Ce qui m’a choqué le plus, c’est justement ce recours au folklore, avec par exemple l’utilisation comme accessoire  d’un éventail pourvu d’un gland. Cela ne donne vraiment pas une bonne impression et je trouve l’ensemble plutôt ‘cheap’ en fait. »

Photo: Comité olympique tchèque

Au-delà des polémiques sur l’aspect des tenues olympiques officielles de la Tchéquie, peut-être que la seule question pertinente qui prévaudra dans moins d’un mois sera plus d’ordre pratique qu’esthétique : la couleur bleue ne déteindra-t-elle pas sur le blanc immaculé des robes et chemises et les athlètes n’auront-ils pas trop chaud en manches longues et avec des blouses près du corps par les 40 ºC que peut atteindre l’été japonais ? Verdict le 23 juillet…

Auteur: Anna Kubišta
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