Karel Havelka

Karel Havelka (en tête)
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Karel Havelka, vainqueur du Derby hongrois sur Fere en 1953, du Derby tchécoslovaque deux ans plus tard sur Masis, qui fut proclamé Cheval tchèque du siècle, est l'une des plus grandes personnalités des courses hippiques. Il a été huit fois champion en coursesde plat et neuf fois champion en steeple-chase. Au cours de sa longue carrière de jockey, 39 victoires dans des courses internationales, 453 victoires en courses de plat à plates, une centaine de victoires en steeple-chase et courses de plat à talus se sont ajoutées à son palmarès. Sur 14 départs au Prix du président, il en a gagné dix. En qualité de jockey, il a été à Vienne, à Munich et en France. D'autre part, K. Havelka a été champion de Bohême centrale de descente en ski en 1954 et pendant onze ans joueur de hockey sur glace. Presque nonagénaire, cet homme est sidérant : il monte les étages au pas de course sans s'essouffler, conduit sans problème une voiture et appuyer ses avants- bras sur la table, hisser son corps et ses jambes en l'air en les gardant en parallèle par rapport au sol n'est pour lui qu'un petit exercice.

L'enfance du grand jockey, né le 13 mai 1918 en Bohême centrale, a été plutôt triste. Son père, combattant de la Grande Guerre, meurt peu après sa naissance suite à une perforation des poumons par une balle. La mère reste seule avec ses deux fils et travaille comme ouvrière dans une usine textile. Partisane de l'idéologie communiste, elle adhère au parti au drapeau rouge. Peu après, elle est licenciée sans aucune chance de trouver du travail. Karel et son frère aîné sont obligés de chercher du travail pour survivre. En été, c'est la cueillette des fruits des bois, et au cours de l'année Krael ramasse les balles de tennis ou les deux s'activent à mettre en place les quilles à l'auberge du coin. A seize ans, Karel est petit, frêle, ne pèse habillé que 32 kilos et ne sait trop quoi faire dans la vie.

Karel Havelka
Il feuillette les annonces espérant trouver une solution. Et effectivement, un jour, il trouve une annonce du célèbre entraîneur de chevaux de courses Jaroslav Rosak qui cherche un jeune apprenti. Karel Havelka répond sans hésiter et quelques semaines plus tard, il est convoqué à se présenter au champ de course de Velka Chuchle, à proximité de la capitale. A première vue le garçon plaît beaucoup à J. Rosak, qui l'engage immédiatement. Karel est logé dans une pièce équipée de façon rudimentaire avec six autres garçons. Il est un peu déboussolé. Les larmes aux yeux, il n'est pas sûr d'avoir fait le bon choix. Il fait part de ses doutes à son frère aîné, excellent boulanger. Ce dernier le rassure, promettant à son cadet de lui trouver une bonne place au cas où il ne se plairait vraiment pas sur les champs de course. Mais bientôt, le jeune Karel trouve goût à monter les chevaux de course, et à dix-neuf ans c'est la première victoire avec la jument Urlika. Ainsi commence la carrière du futur grand jockey qui progresse très rapidement. Au début des années quarante, il passe un an à Munich, ensuite un an à Vienne où il remporte trois victoires. En 1944, il gagne le deuxième prix au championnat de course plate, et un an plus tard il est champion.

A vingt-neuf ans, Karel Havelka est un excellent jockey qui jouit d'une grande réputation. C'est à cette époque qu'il part en France sur une initiative de Noël Pelat, entraîneur au champ de course Maisons Laffitte.

Je cède la parole à Monsieur Karel Havelka, légende vivante du monde des courses hippiques, pour qu'il nous raconte lui-même ses expériences en France.

« J'ai été invité en France par l'entraîneur Pelat pour visiter ses écuries et monter ses chevaux. Le premier jour de mon arrivée, il m'a fait monter un cheval capricieux de deux ans dont j'ignorais qu'il avait descendu pratiquement tous les cavaliers. J'ai fait un tour et le cheval courrait sans aucune difficulté. L'entraîneur en fut très étonné et m'a dit qu'il m'avait fait monter ce cheval pour voir comment j'allais m'y prendre car c'était effectivement un cheval à problèmes. Sur ce, il m'a proposé de rester chez lui pour monter régulièrement les chevaux de son entraînement au travail et en courses. J'ai accepté et j'en fus satisfait. J'habitais Maisons Laffitte à l'hôtel Châpeau fin et je prenais le petit déjeuner chez l'entraîneur Noël Pelat. Il m'appréciait beaucoup, s'occupait de moi et m'emmenait partout avec lui. Il me disait que les propriétaires de chevaux donnaient la préférence aux jockeys en forme, donc à ceux qui gagnaient constamment. J'ai participé à plusieurs courses, mais je ne suis pas arrivé à être parmi les premier. Mais mon entraîneur me disait toujours que j'allais y arriver. »

Il y a eu un bouleversement dans votre pays et vous avez été obligé de quitter la France. Pourquoi n'y êtes-vous pas revenu ?

« Après le coup d'état communiste en février 1948, j'ai été convoqué par l'ambassadeur à l'Ambassade de mon pays. J'ai été informé que mon passeport était non valide car il y manquait une clause sur l'autorisation officielle de mon séjour, devenue conformément au nouveau règlement obligatoire. L'ambassadeur m'a dit que je devais retourner au pays pour mettre mes papiers en règle et revenir par la suite en France. J'ai argumenté que j'avais un engagement, que j'étais bien payé et que je représentais la Tchécoslovaquie, mais en vain. Je suis donc parti chez moi pour tout arranger. Mais à la frontière mon passeport a été confisqué par laes autorités de douane et je suis resté conicé dans mon pays. Aux champs de course de Chuchle personne ne voulait de moi. Ils disaient que j'avais toujours été proche de l'Occident et que j'aurais dû plutôt partir acquérir des expériences en Union soviétique. Ce n'est que grâce au chef du secteurd' élevage des chevaux au ministère de l'Agriculture que j'ai pu continuer ma carrière. Il a dit que je n'étais coupable en rien, que je continuerai à faire des concours hippiques et il a arrangé auprès des autorités compétentes la délivrance de ma licence. »

Karel Havelka a fait par la suite une carrière extraordinaire de jockey. Mais il n'a jamais été apprécié au sein du collectif. Non fumeur et ne buvant pas d'alcool, il ne rejoignait jamais les autres jockeys à l'auberge et faisait donc un peu bande à part. Lui aussi a bien évidemment dû faire face à la jalousie et à l'envie.

Le grand jockey, toujours maître de son cheval, a mis un terme à sa carrière à cinquante huit ans. Mais il monte toujours à cheval. K. Havelka a participé à sa dernière course, d'exhibition, sur l'hippodrome de Velka Chuchle il y a huit ans. Il était alors âgé de quatre-vingts ans et a gagné le troisième prix. D'ailleurs, il se sentirait encore en forme pour prendre part à une course.

Le président de la République Vaclav Klaus, qui a rencontré Karel Havelka à plusieurs reprises, est son grand admirateur.