Karel Schwarzenberg à Paris : la question des Roms revient sur le tapis

Bernard Kouchner et Karel Schwarzenberg, photo: CTK

Le ministre tchèque des Affaires étrangères effectuait ce lundi sa première visite officielle en France depuis sa prise de fonction. Au programme, une réunion avec Jean-David Levitte, conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy, et un déjeuner de travail avec son homologue français Bernard Kouchner. Comme on pouvait s’y attendre, la question des Roms était un des sujets les plus brûlants...

Karel Schwarzenberg et Bernard Kouchner,  photo: CTK
« Comme vous le savez, les choses que l’on a vécues dans son enfance sont celles qui ont la plus grande influence sur votre vie. Un des camps de concentration roms qui se trouvait dans le Protectorat de Bohême-Moravie était à 5 km à peine de l’endroit où j’ai grandi enfant. J’ai vu de mes propres yeux les prisonniers qui travaillaient sous la surveillance des gardes armés de baïonnettes. Donc, en ce qui concerne la discrimination des Roms, je reconnais que j’y suis sans doute plus sensible que n’importe qui d’autre. »

C’est avec ces mots, très personnels, faisant référence au camp de Lety en Bohême du Sud, que le ministre des Affaires étrangères Karel Schwarzenberg est revenu sur ses récentes déclarations critiques de la politique d’expulsion des Roms de Nicolas Sarkozy. En première visite officielle à Paris, pour rencontrer le 6 septembre, son homologue Bernard Kouchner, c’est évidemment sur la question rom que les deux hommes étaient attendus, d’autant que, hasard du calendrier, se déroulait parallèlement un sommet sur l’immigration et les Roms à deux pas du Quai d’Orsay. Un sommet auquel la République tchèque n’avait pas été invitée, en dépit du fait qu’elle préside depuis cet été la Décennie pour l’inclusion des Roms, une initiative internationale. Une absence regrettable, selon Karel Schwarzenberg même si ni lui ni Bernard Kouchner n’ont souhaité trop insister sur le sujet. Bernard Kouchner :

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« Sur cette question, il n’y avait pas d’invitation à faire. Moi non plus je ne suis pas invité. Il s’agissait d’une réunion de ministres de l’Intégration d’un nombre particulier de pays. L’idée d’inviter des pays d’où proviennent les émigrés n’est pas bête, mais ce n’est pas du tout un refus d’inviter le ministre des Affaires étrangères tchèques. D’ailleurs j’ai découvert cette réunion quand mon ami Karel Schwarzenberg me l’a dit. »

Si officiellement « pas l’ombre d’un nuage » ne plane sur les relations franco-tchèques au sujet des Roms et des expulsions, Karel Schwarzenberg a fermement maintenu ses positions, quand bien même elles avaient été critiquées côté tchèque et français. Il a en outre préféré inscrire le problème actuel dans une perspective historique plus large :

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« Parce que la France a depuis le début du XIXe siècle, été une terre d’accueil pour les ressortissants de nombreux pays du monde, persécutés chez eux, peut-être que les attentes vis-à-vis d’elle sont immenses. J’ai connu moi-même de nombreux amis qui ont fui Hitler ou après le coup d’Etat communiste, ou en 1968 et qui ont trouvé refuge en France. Dans une certaine mesure, la France avait, de droit, l’image d’un pays ouvert, amical aux gens persécutés chez eux. C’est sans doute pour cela aussi que ce sujet a reçu beaucoup plus d’attention que si cela s’était passé ailleurs... »

En tout cas, côté français, Bernard Kouchner a pour sa part insisté sur la dimension européenne de la question rom. Pour lui, la solution est avant tout à chercher dans l’intégration des populations roms dans leur pays d’origine :

Bernard Kouchner et Karel Schwarzenberg,  photo: CTK
« J’ai donné la position de la France très clairement et qu’à propos des Roms, j’ai parlé du droit européen, de l’absence de violation de ce droit et de l’avenir européen de cette question d’intégration sur laquelle nous travaillons avec les Roumains mais surtout avec la Commission européenne. J’espère qu’à ce propos nous aurons dans quelques jours de bonnes nouvelles. Le problème est long. Comme l’a dit Karel Schwarzenberg, nous avons eu des activités communes en ce qui concerne les droits de l’Homme et en ce qui concerne l’intégration. Le moins qu’on puisse dire à propos des Roms, c’est que ni les uns ni les autres n’avons à triompher. Surtout pas les pays d’où ils proviennent, comme l’a dit Karel tout à l’heure. Là-dessus, nous insistons, il y a de l’argent européen, des programmes, et il faut absolument travailler à cela, avec des fondations, et la France est prête à s’y associer. »

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Ces déclarations faisaient suite au déjeuner de travail entre les deux chefs de la diplomatie. Un déjeuner de travail décalé d’une demi-heure, en raison du retard de Bernard Kouchner. D’autres problématiques ont été évidemment évoquées, en marge de la très médiatique question rom. Bernard Kouchner a évoqué le soutien de la France à l’installation à Prague du siège de Galileo, le programme européen de navigation par satellite. De même que la prochaine réunion internationale du 15 octobre à Paris, sur le thème d’Internet et des libertés, à laquelle Karel Schwarzenberg a été invité et pour laquelle la France a demandé le patronnage de Václav Havel.

Jean-David Levitte,  photo: Ambafrance-us.org
Avant son déjeuner de travail avec Bernard Kouchner, Karel Schwarzenberg avait également une réunion avec Jean-David Levitte, conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy au cours de laquelle il a notamment été question du renforcement du partenariat stratégique signé en 2008, entre les deux pays. Karel Schwarzenberg :

« Les Français ont un projet intéressant de lancer un programme spécial en direction de la jeunesse. Nous nous sommes tous deux rendu compte qu’il y a un vrai déficit de connaissance de nos deux pays entre eux. Ces vingt dernières années, nous nous sommes concentrés surtout sur l’espace américain, anglo-saxon, allemand, mais nous avons laissé la France de côté. De ce fait, les jeunes et même les adultes en savent peu sur la France. Et inversement. »

Bernard Kouchner et Karel Schwarzenberg n’ont certes pas réitéré leurs grandes ambitions de contacts quotidiens comme pendant la présidence tchèque de l’UE, mais les relations franco-tchèques devraient continuer comme de coutume, sans trop de heurts, mais avec quelques petites phrases çà et là...