UE : la République tchèque au centre de l'attention
Le gouvernement tchèque n’a pas obtenu la confiance du parlement la semaine dernière et est depuis jeudi un gouvernement démissionnaire. Une crise gouvernementale n’éclate jamais au bon moment, surtout pour le gouvernement en place, mais là, force est de constater que la crise tchèque commence à un bien mauvais moment : non seulement le pays est en train de subir les conséquences de la crise économique mondiale, mais il est aussi censé assurer la première présidence de l’UE de son histoire.
Comme si cela ne suffisait pas, le parlement tchèque reste le dernier à ne pas s’être encore prononcé sur le traité de Lisbonne et le seul qui sort renforcé de la crise actuelle est le président de la République, Václav Klaus, autoproclamé « dissident de l’Europe ».
En attendant de trouver une solution, il faut bien que quelqu’un assure cette présidence du Conseil de l’Union européenne, qui doit durer encore trois mois. Michaela Jelínková est la porte-parole du vice-Premier ministre tchèque en charge des affaires européennes Alexandr Vondra. Je lui ai d’abord demandé comment se déroulaient concrètement les choses pendant cette période incertaine qui suit le vote de défiance des députés contre le gouvernement Topolánek :
« C’était une très mauvaise surprise... On sortait du conseil européen où la présidence tchèque a eu des résultats excellents, le timing est vraiment très mauvais. Mais en même temps je pense qu’on nous perçoit mieux en Europe qu’avant le début ; il y avait des doutes parce qu’on est un nouveau pays membre. Avec le travail qu’on a fait pendant les trois premiers mois, on a quand même gagné un certain prestige et une certaine confiance. Maintenant, on travaille comme avant... Bon, effectivement, il y a le côté humain, on est déçus et on ne se sent pas très bien. Mais on a la même responsabilité que pendant les trois premiers mois et on va tout faire pour minimiser les dégâts éventuels. J’espère qu’on va pouvoir continuer à faire cette présidence, parce que c’est une bonne chose si les gens qui ont travaillé pendant les trois premiers mois peuvent le faire pendant les trois derniers. »
Vous parlez de « dégâts », est-ce qu’on sent au sein de la délégation tchèque un sentiment d’avoir fait tout ce travail pour rien ?
« Je ne le pense pas, parce que quoi qu’il se passe maintenant on a fait un travail qu’on ne va pas oublier et on a eu des résultats concrets, aussi bien dans le domaine de la lutte contre la crise qu’en matière de sécurité énergétique. On a fait tout un travail pour réduire les risques que la crize du gaz se reproduise, il existe maintenant un système d’alerte en Europe. Je pense qu’on a quand même fait un excellent travail et je pense, ou en tout cas j’espère, que ça ne s’oublie pas. »
Sentez-vous une certaine inquiétude chez vos collègues d’autres délégations ?
« Non, pour le moment personne ne sait comment ça va se passer, donc je pense que tout le monde espère que le gouvernement actuel reste en place. Il est en démission et on ne sait pas si ce sera ce même gouvernement ou un autre. Les autres délégations me disent espérer qu’on va continuer à se croiser soit à Prague soit à Bruxelles ou ailleurs, parce qu’on se connaît quand même depuis un moment maintenant. »Vous parlez de ce côté personnel. C’est un argument employé par les partisans du maintien en place du gouvernement Topolánek. C’est votre avis ? Ces relations personnelles qui lient ministres et délégations sont importantes, spécialement au moment d’une présidence de l’UE ?
« Je ne pense pas que ce ne soit que le côté humain... Il y a tous les arguments pour que ce soit ceux qui ont fait le travail qui continuent... C’est comme si vous aviez un match de football avec une équipe qui s’entraîne depuis deux ans et qui marque des buts et que pour une certaine raison vous devez changer tous les joueurs. Forcément ce ne serait pas très bon pour le match, qui en fin de compte concerne toute l’UE. »
Michaela Jelínková répondait à ces questions ce samedi à Hluboká, dans le sud de la Bohême où les chefs de la diplomatie de l’UE étaient réunis pour un sommet informel au cours duquel il a évidemment fallu parler de la situation politique tchèque puisqu’elle peut avoir des conséquences au niveau européen, à cause du traité de Lisbonne. Radio Prague a donc demandé à Bernard Kouchner, le chef de la diplomatie française, s’il avait ressenti un certain malaise du côté tchèque :
« Pas chez M. Schwarzenberg, pas du tout. Au contraire, il nous a expliqué quelque chose dont il a dit au début que ce n’était pas très clair. Apparemment l’expédition des affaires courantes se fera très bien, les élections peut-être, on ne sait pas à quelle date... Si j’ai bien compris le changement de majorité s’est fait à une voix, donc cette voix peut redevenir positive éventuellement si elle était négative. »
Est-ce que ça pourrait poser un problème pour le prochain sommet entre l’UE et les Etats-Unis ?
« Non, mais ça peut poser un problème par rapport au Sénat et nous avons posé la question de l’adoption du traité de Lisbonne. La réponse a été positive, en effet le texte sera présenté au Sénat. Mon collègue finlandais a demandé l’opinion de Karel Schwarzenberg, qui a dit que ça ne changeait pas. Il n’a pas été affirmatif à 100%, mais sur ce sujet précis du texte devant le Sénat, il a dit que ça ne changeait rien. »
Et Karel Schwarzenberg s’est voulu, il est vrai, rassurant. Lui-même sénateur, il a déclaré que le traité de Lisbonne serait ratifié bientôt par la Chambre haute du Parlement tchèque. Le premier ministre démissionnaire, Mirek Topolánek, a lui déclaré à la télévision publique que la ratification aura lieu avant les élections européennes, qui se dérouleront début juin. D’ici là, les choses pourraient avoir évolué à Prague, où c’est désormais le chef de l’Etat qui est à la manœuvre.Pour tous les défenseurs du traité qui doit venir réformer les institutions européennes, ce n’est pas une bonne nouvelle. Václav Klaus est un farouche opposant à ce texte et a déjà essayé, sans succès, de bloquer sa ratification.