Karlovy Vary : « Peu de films trouvent un acheteur quand ils n’en ont pas déjà un avant »

Фото: Штепанка Будкова

Le 46e Festival de Karlovy Vary accueille comme tous les ans un certain nombre de films français ou de coproductions. Si leur nombre est un peu inférieur à l’année passée, un film français est toutefois présenté en compétition. Joël Chapron, responsable du secteur Europe centrale et orientale pour Unifrance, l’organisation qui a pour but de promouvoir les films français dans le monde, est revenu sur l’évolution du festival de Karlovy Vary où il se rend depuis des années

Joël Chapron
« Je n’ai pas l’impression de voir un gros changement. Mais si on me posait la question pour des festivals où je vais depuis plus de dix ans, comme Cannes ou Berlin, je n’ai pas forcément l’impression de voir des améliorations. C’est une question d’ampleur. Je pense que le festival de Karlovy Vary, avec les années, a pris plus d’ampleur et en prend encore toujours plus. Après, on se retrouve avec un vrai problème de surpopulation. La différence entre Karlovy Vary et Cannes par exemple, c’est que Cannes est un festival entièrement fermé : vous ne pouvez pas acheter de billets, d’accréditation pour voir les films. Ça n’est que pour des professionnels, car si on devait accréditer des gens pour voir des films, il y aurait un trop-plein, alors qu’on est déjà en surpopulation à Cannes. Là, à Karlovy Vary on va finir par avoir un problème de surpopulation. Par exemple j’ai voulu prendre des billets pour le lendemain et c’était trop tard pour des films qui passaient à 9h du matin ! C’est donc à la fois formidable d’avoir un tel engouement pour le festival et pour le cinéma, et à la fois ça finit par être problématique. J’ai connu des festivals qui ainsi ont été victimes de leur succès. Les gens finissent par être déçus. Mais je reste positif sur Karlovy Vary : malgré un seuil de surpopulation qui est en passe d’être atteint, ça reste formidable de voir l’engouement d’autant de jeunes pour un festival de cinéma. C’est rarissime. »

Cette année quels sont les films ou les coproductions françaises qui sont présentés à Karlovy Vary. Qu’avez-vous amené en-dehors du film en compétition Ni à vendre, ni à louer ?

'Ni à vendre ni à louer',  photo: Film Servis Festival Karlovy Vary
« Tout d’abord, nous n’amenons rien, mais nous accompagnons les films. On a 18 films cette année, toutes sections confondues et tous modes de production confondus. Quand je parle de modes de production, c’est qu’en France on a des films dits ‘majoritaires’ et ‘minoritaires’, qui ont eu l’agrément du CNC. Chaque année, on fait le décompte : cette année, on en a un peu moins que l’année dernière où il y en avait 24. Mais ça veut dire que le cinéma français, avec 18 films, toutes sections confondues, doit être la troisième ou quatrième cinématographie mondiale représentée à Karlovy Vary.
'Vénus noire',  photo: Film Servis Festival Karlovy Vary
Nous en sommes très fiers. On en a un peu partout : on a le film en compétition, un film qui a été sélectionné dans la section Variety Critic’s Choice ce qui signifie qu’indépendamment du festival, il y a des gens qui repèrent des films dans une petite section mondiale. On a également Vénus noire, parce qu’il y a des reprises de films qui ont déjà fait le tour des festivals, mais qui ne sont jamais arrivés jusqu’ici. Pour nous, c’est une bonne plateforme de lancement quand les films sont achetés, ce qui n’est malheureusement pas le cas pour tous. »

Justement, si on prend l’exemple du festival de Karlovy Vary l’année dernière, parmi les films français qui ont été présentés, quels sont ceux qui ont été achetés par des distributeurs tchèques ou d’Europe centrale ?

'Detroit,  ville sauvage',  photo: Film Servis Festival Karlovy Vary
« On peut dire que c’est peut-être le seul gros handicap de ce festival. Malheureusement, il n’est pas vraiment une plateforme de vente. Il y a peu de films qui trouvent un acheteur quand ils n’en ont pas déjà un avant, ce qui arrive heureusement. Il y a peut-être une trop grande déconnexion des films présentés et du marché tchèque et des marchés de distribution des films limitrophes. Cela n’enlève rien à la qualité du festival car il est important de montrer des films que les gens ne verront pas ailleurs. En tant que plateforme de lancement, le festival doit marcher pour certains films. Mais si on prenait la liste entière des films projetés ici, lesquels sont déjà achetés et pas encore sortis, il y en a très peu. Cela peut être une excellente plateforme de lancement parce que tous les médias sont ici, mais quand les films ne sont pas achetés, c’est plus difficile d’avoir de la notoriété. Est-ce qu’il y a beaucoup de films présentés ici qui sont achetés ensuite ? Dans mes statistiques assez peu. »