Klaus à Paris, Merkel a Prague : deux Europes au programme

Angela Merkel et Václav Klaus, photo: CTK

Alors que le très eurosceptique président Václav Klaus a présenté à Paris, ce lundi, la traduction de son dernier livre consacré à l’Europe et à son avenir, ce mardi, la chancelière allemande Angela Merkel est accueillie pour cinq heures en voyage officiel en République tchèque où elle doit débattre de la crise économique, de la fiscalité européenne et de la politique énergétique. Sur l’ensemble de ces points, les deux pays ont des points de vue divergents.

Angela Merkel et Václav Klaus,  photo: CTK
Depuis la célébration le mois dernier du vingtième anniversaire de la déclaration germano-tchèque qui devait mettre un terme aux différents sur le passé, les diplomates des deux pays considèrent que les relations germano-tchèques sont les meilleures de leur histoire commune. Pourtant, depuis plusieurs années sur l’avenir de l’Union européenne, les deux pays parlent de manière discordante. Alors que récemment, le président Václav Klaus s’était prononcé en faveur de l’élargissement de l’espace Schengen à la Bulgarie et à la Roumanie, les Allemands s’y opposent. Dans le domaine crucial de la stabilisation budgétaire européenne nécessaire, selon les responsables de l’UE, à la maîtrise des déficits budgétaires et afin de juguler la crise des dettes souveraines, les Tchèques (avec les Britanniques) ont choisi de se prononcer contre la ratification du pacte fiscal au risque de voir leur position marginalisée au sein du concert européen. Dans un entretien donné au quotidien Lidové noviny dans son édition du 31 mars, la chancelière allemande a déclaré sans s’y attarder que « la République tchèque n’était pas isolée en Europe ». Signal diplomatique destiné à nuancer la réalité de la situation, selon les analystes. Kai-Olaf Lang est membre de la fondation allemande pour la science et la politique :

Kai-Olaf Lang
« La retenue tchèque vis-à-vis du pacte budgétaire européen ne nuit pas aux relations germano-tchèques, mais les limite. Le fait que la République tchèque ne se joigne pas au pacte budgétaire a été l’envoi d’un signal : sur ce dossier clef, la République tchèque a montré qu’elle ne soutenait pas l’Allemagne. Mais paradoxalement, l’Allemagne et la République tchèque ont une opinion très proche en ce qui concerne la consolidation des finances publiques. »

Et d’ajouter que « le couple germano-tchèque n’est plus le tandem proactif qu’il était dans le cadre de l’Europe ». Pour preuve, le ministre des Affaires étrangères tchèque Karel Schwarzenberg, pourtant opposé à la politique gouvernementale tchèque sur les dossiers européens, n’a pas été invité à Berlin lors d’une réunion du groupe des ministres des Affaires étrangères pour l’avenir de l’Europe.

Pour Jennifer Schevardo, membre de la Société allemande pour la politique étrangère, sur les grands dossiers européens, la République tchèque a nettement perdu de son influence.

Jennifer Schevardo
« Je pense que la République tchèque n’est plus considérée comme un partenaire fiable ou un partenaire constructif non seulement en Allemagne mais dans les autres pays de l’Union européenne. Le fait que la chancelière Angela Merkel a laissé entendre qu’elle ne s’efforcera pas de convaincre le premier ministre Petr Nečas de signer le pacte budgétaire est le signe de sa résignation. »

Et de conclure que l’obstruction tchèque joue en faveur d’une forme d’exaspération des partenaires européens qui considèrent que « le gouvernement tchèque est contre l’Europe, qu’il ne souhaite pas de réelle intégration et qu’il ne veut pas l’euro. »

Ce mardi, la chancelière allemande effectue une visite éclair de quelques heures dans la capitale tchèque où elle devrait s’entretenir avec le président Klaus, le premier ministre Petr Nečas et les étudiants de la Faculté de droit de l’Université Charles. Cinq petites heures durant lesquelles la chancelière discutera de politique énergétique, notamment du nucléaire dont l’Allemagne a promis la sortie à l’horizon 2022. Elle abordera également la poursuite de l’intégration politique européenne dont elle se veut l’ardente défenseure et traitera d’économie ; l’Allemagne étant de très loin le principal partenaire commercial de la République tchèque.

Cette brève visite intervient après celle du président Klaus ce lundi à Paris où il était invité par le think tank russe pour la coopération et la démocratie (IDC) à présenter la traduction de son ouvrage intitulé ‘Sauver les démocraties en Europe’.

Passé inaperçu dans la capitale française, le président tchèque a souhaité signaler l’expérience du communisme et le goût immodéré de la République tchèque pour la liberté et s’est attaqué au paternalisme économique et social qui, selon lui, dominerait actuellement l’Union européenne et limiterait la capacité de production industrielle du continent ; oubliant au passage de rappeler que jamais dans l’histoire, la liberté d’entreprendre et d’échanger n’ont été aussi grandes et aussi sûrement garanties en Europe.