« Kundera : balance ou victime ? » : la presse tchèque en quête de réponses et de témoignages

Milan Kundera

L’affaire Kundera est loin d’avoir terminé de faire couler de l’encre. En début de semaine, la publication d’un rapport de la police tchécoslovaque, datant de 1950, a provoqué un véritable choc, en RT et dans beaucoup d’autres pays. L’écrivain français d’origine tchèque y apparaît comme un informateur, qui a spontanément dénoncé la présence d’un agent de l’Ouest, Miroslav Dvořáček, qui fut ensuite arrêté et condamné à de longues années de détention.

Milan Kundera, qui n’avait pas parlé à la presse depuis 25 ans, a catégoriquement nié avoir dénoncé cet homme à la police. Il a indiqué que c’était pour lui « un mystère » que son nom, sa date et son lieu de naissance figurent sur le procès-verbal signé seulement par l’agent de police. La question de l’authenticité de ce document est soulevée.

L’historien Prokop Tomek a longtemps travaillé pour le Bureau de documentation et d’enquête sur les crimes du communisme :

Le rapport de police,  photo: Archives d'ABS
« Ce document a l’air d’un document standard comme on peut en trouver de nombreux dans les archives de la police. Je ne vois pas pourquoi on l’aurait falsifié ou fabriqué. Ce qui est important est qu’il était enfoui dans les documents d’un dossier sur lequel ne figurait pas le nom de Kundera. Personne n’aurait pu imaginer qu’un tel document puisse se trouver dans ce dossier ».

Et selon cet historien, si ce document est un vrai, il devrait exister un autre document concernant cette dénonciation, dans le registre du commissariat de police.

Rappelons que dans ce procès-verbal de quelques lignes seulement, il est inscrit que l’étudiant Milan Kundera est venu informer que Miroslav Dvořáček se préparait à rendre visite à une certaine Iva Militká. Depuis la publication de ce document, plusieurs témoignages sur cette affaire ont été recueillis.

D’abord celui d’Iva Militká, qui a indiqué que son mari, Miroslav Dlask (son petit-ami à l’époque), lui avait confié à la fin de sa vie que Kundera était la seule personne à qui il avait parlé de la visite de l’agent qui fut arrêté. Mais aussi, mercredi, le témoignage d’un certain Zdeněk Pešat, historien de la littérature, dont Radio Prague vous propose un extrait :

« Lorsque j’ai vu dans la presse les noms de Miroslav Dlask et la photo d’Iva Militká, je me suis souvenu avec précision des événements de ce printemps 1950. J’étais étudiant en troisième année à l’Université Charles et membre du comité universitaire du Parti Communiste Tchécoslovaque (PCT). Miroslav Dlask est venu me voir pour me confier que sa petite amie (plus tard son épouse) Iva avait rencontré un ancien ami dont elle savait qu’il s’était réfugié à l’Ouest et qui était revenu sûrement clandestinement. Dlask m’a dit qu’il en avait informé la police. Il avait le sentiment qu’il devait en informer également la hiérarchie du parti. Et parce que nous étions dans le même cours d’esthétique et que j’étais le membre du comité universitaire du PCT qu’il connaissait le mieux, c’est à moi qu’il l’a dit. (...) ».

Zdeněk Pešat a indiqué qu’il était malade et qu'il ne donnerait pas d’interview. La presse tchèque tente de reconstruire un puzzle dont il manque des morceaux. « Kundera : balance ou victime ? » Pas sûr qu’une réponse à la question posée par le quotidien Dnes soit trouvée...