"L'affaire Kundera a vraiment suscité une indignation dans les milieux littéraires"
Une lettre de soutien à Milan Kundera, signée par onze écrivains étrangers, a été publiée en début de semaine. Une lettre reprise dans la presse à Prague, où l’affaire Kundera continue de diviser l’opinion, entre critiques des méthodes de l’Institut pour l’étude des régimes totalitaires et attentes d’explications de la part de l’écrivain exilé. Radio Prague a joint par téléphone l’écrivain français Guy Scarpetta, qui a coordonné l’organisation de la lettre signée notamment par plusieurs prix Nobel de littérature :
« C’est une initiative spontanée de plusieurs écrivains. Au départ il y a Juan Goytisolo, qui avait envie de manifester son soutien à Milan Kundera et sa désapprobation de la campagne de calomnies contre lui. Carlos Fuentes, qui était en Espagne à ce moment-là, était absolument sur la même longueur d’ondes, Pierre Mertens, le grand romancier belge, aussi. C’est un réflexe de solidarité d’écrivains entre eux. Ensuite, chacun a contacté les écrivains qu’il connaissait et dont il pensait qu’ils pouvaient signer un texte come celui-là. Et moi je me suis contenté de coordonner tout ça et d’envoyer la pétition à ceux que je connaissais personnellement. »
Qui a rédigé le texte ?
« Cela a été une rédaction collective, émanant des premiers écrivains qui ont pris l’initiative. »
Je vais citer le texte : « Nous observons que Kundera a émis un démenti catégorique quant à ces accusations; et qu'un témoignage émanant d'une éminente personnalité scientifique de Prague le disculpe très clairement de ce qu'on lui impute ». Alors, la presse tchèque s’est interrogée sur l’identité de cette « éminente personnalité scientifique de Prague »...« Il s’agit bien évidemment du docteur Zdeněk Pešat, qui a publié le 15 octobre une lettre ouverte rétablissant les faits sur cette histoire et qui me paraît digne de bonne foi, voilà, enfin qui a paru à tout le monde comme devant, à la limite, clore l’affaire. »
Mais ce Zdeněk Pešat est quand même loin d’être une « éminente personnalité scientifique de Prague » parce que personne n’avait jamais entendu parler de cet homme avant cette affaire. C’est peut-être un problème ça ?
« Je ne sais pas... Il est docteur en histoire de la littérature, professeur... Si ce n’est pas une autorité, je veux bien, mais... »
C’était surtout une ‘autorité’ à l’époque puisque son témoignage repose sur le fait qu’il était membre du comité du Parti Communiste de la Tchécoslovaquie à l’université où étudiaient aussi Milan Kundera et ce Miroslav Dlask qu’il accuse d’avoir informé la police. Donc une autorité à l’époque, peut-être, mais aujourd’hui on ne peut pas parler d’une « éminente personnalité scientifique de Prague », du coup la presse tchèque s’est interrogée sur son identité...
« Moi je n’ai pas à commenter le contenu de cette pétition. Je dis simplement que selon toutes les informations qui ont été diffusées, il ne s’agit pas d’un citoyen lambda, il s’agit d’un professeur, docteur d’histoire de la littérature et d’une autorité universitaire, voilà... »
C’est la raison pour laquelle je vous demandais qui avait rédigé cette lettre, parce qu’on sent quand même que les auteurs ne sont pas tout à fait bien informés de la situation et qu’il s’agit plus d’une défense de principe de l’oeuvre et de l’écrivain.
« Je crois que les auteurs ont parfaitement réfléchi aux termes de la lettre, que parmi eux il y a un écrivain, Salman Rushdie, qui sait ce que sait qu’une campagne de calomnies. Il y a deux écrivains espagnols, Juan Goytisolo et Jorge Semprun, qui ont subi des campagnes de calomnies de la part du régime franquiste et il y a le Prix nobel Orhan Pamuk qui lui-même a subi une campagne diffamatoire allant jusqu’à certaines menaces en Turquie, donc je crois que ce sont des gens qui savent le poids des mots qu’ils emploient. »
Envisagez-vous de faire signer cette lettre par d’autres personnes ?
« En ce qui concerne cette pétition, ça s’arrête là. Mais il n’est pas exclu, d’après ce que je sais, que d’autres pétitions circulent, parce que l’affaire a vraiment suscité une indignation dans les milieux littéraires, dont cette lettre témoigne je crois. »