L. Sangay, leader tibétain : « Au pays de Václav Havel aussi, les symboles sont importants »

Photo: Martina Schneibergová

Le président du gouvernement tibétain en exil, Lobsang Sangay, est à Prague cette semaine pour rencontrer notamment le maire de la capitale et participer à l’ouverture de One World (Jeden svět), le festival de documentaires sur les droits de l’Homme. L’occasion de poser à ce dirigeant d’un pays qui n’existe pas quelques questions sur les relations qu’il entretient avec la Tchéquie, l’Europe et le reste du monde. Lobsang Sangay a commencé par évoquer le dilemme de tous ces pays qui veulent commercer avec la Chine sans pour autant faire l’impasse totale sur les droits humains et la situation au Tibet :

Lobsang Sangay,  photo: Christopher Michel / Flickr / CC BY 2.0
« A chaque fois qu’un pays européen signe un accord commercial avec la Chine, alors tout à coup le nombre de mentions de la situation des droits de l’Homme baisse de manière drastique. Ceci dit, depuis peu, même dans le milieu des affaires on se rend compte qu’il n’est pas facile de faire du business avec la Chine et qu’il n’est pas facile d’en tirer profit. Donc ils en viennent à concéder que s’il n’y pas vraiment d’argent à gagner alors il vaut mieux rester fidèles à ses principes moraux.»

« En République tchèque, un important groupe de soutien au Tibet vient d’être formé au Parlement. C’est le genre d’étape importante pour la prise en compte de ces principes et des valeurs prônées par l’ancien président Václav Havel. Dans les petits et les grands pays que je visite en Europe, oui, le gouvernement fait du commerce avec la Chine, mais il y a aussi des parlementaires, des ONG, des associations qui veulent aussi avoir des discussions sur le Tibet et c’est une bonne chose. »

Vous rencontrez ce jeudi le nouveau maire de Prague, qui a annoncé que le drapeau tibétain allait être hissé sur des bâtiments officiels de la ville cette semaine, dans le cadre de l’initiative « un drapeau pour le Tibet » – la ville n’avait pas participé à cette opération internationale depuis quatre ans. C’est important pour vous ?

« Très important ! J’ai toujours le drapeau tibétain épinglé à ma veste, car pour moi c’est un acte de résistance, une marque de notre identité et de notre dignité. Il y a trois ans, quand le président chinois est venu à Prague, le drapeau tibétain a été interdit d’une certaine manière, mais les gens ont dit ‘non, cela ne peut se produire au pays de Václav Havel, dans notre démocratie tchèque !’ – et le drapeau est devenu un symbole de résistance. »

« Je rencontre le maire de Prague, qui a décidé de hisser notre drapeau cette semaine. Donc en trois ans on est passé ici de la saisie du drapeau tibétain par la police au drapeau tibétain qui peut être vu par tout le monde flotter sur la mairie. La symbolique est importante. Nous sommes tous humains, l’espoir et les symboles comptent dans la vie. J’apprécie vraiment de voir notre drapeau dans toutes ces villes en Tchéquie et dans le reste de l’Europe. C’est un acte de défiance et un message : le drapeau tibétain est un symbole de la démocratie, des droits de l’Homme et de la non-violence également. »

Allez-vous rencontrer d’autres responsables politiques tchèques pendant votre séjour ici ?

Photo: Martina Schneibergová
« Je vais rencontrer des membres du Parlement mais mon cabinet n’a pas fait de demande au gouvernement tchèque. Je peux comprendre que, d’un point de vue protocolaire, ce soit compliqué de me rencontrer. Cela dit, en novembre dernier j’étais à Washington et tandis qu’avant on ne voulait m’y rencontrer que très discrètement, cette fois j’ai été reçu de manière plus officielle. Donc j’espère que les choses vont évoluer aussi en Europe, notamment en République tchèque, pour ma prochaine visite. »

Ce mois de mars marque le 60è anniversaire de la répression du soulèvement tibétain par l’armée chinoise…

« Ce sont 60 ans d’occupation et 60 ans de séparation pour la génération de mes parents qui sont nés là-bas mais n’ont jamais pu revoir leur terre et leur famille et c’est une tragédie personnelle pour beaucoup. Mais le fait que je sois ici aujourd’hui à Prague est le signe que nous sommes toujours là, debout. Donc ce sont 60 années de tragédie mais également 60 années de résilience et de résistance. Il y a aussi du positif et il nous faut continuer à nous battre pour notre cause. »