La BD culte des Flèches rapides fête ses 80 ans
Sur les planches des bande-dessinées, ils sont toujours – et à jamais – des pré-adolescents. Pourtant la bande de scouts des Flèches rapides (Rychlé šípy), née de l’imagination de l’écrivain Jaroslav Foglar, fête ses 80 ans. Retour sur une histoire d’amitié et d’aventures dont la publication a certes dépendu des soubresauts de l’histoire tchécoslovaque au XXe siècle, mais dont le succès ne s’est jamais démenti.
Mirek Dušín, Jarka Metelka, Jindra Hojer, Červenáček et Rychlonožka : tels sont les noms ou surnoms des jeunes héros inventés par Jaroslav Foglar et dont la toute première aventure est parue le 17 décembre 1938 dans le magazine de jeunesse Mladý hlasatel. Ces cinq garçons dans le vent sont des scouts dont les histoires ont suscité l’enthousiasme d’au moins quatre générations.
Le succès est au rendez-vous immédiatement, et malgré l’occupation nazie, 113 épisodes paraissent jusqu’à l’interdiction du magazine en mai 1941. Rebelote après l’arrivée au pouvoir du régime communiste en 1948. Il faut attendre 1968 pour voir paraître de nouveaux épisodes, puis 1970-1971, avant que la série ne soit à nouveau interdite avec le début de la Normalisation. Les dernières aventures paraîtront en 1986 puis en 1989, une fois la démocratie rétablie.
Ce sont en tout plus de 300 aventures qui voient le jour grâce à Jaroslav Foglar, lui-même ancien scout. En 1996, trois ans avant de mourir, il s’était confié à la Télévision tchèque :« Quand je relis les livres, j’ai l’impression que je n’y ôterais pas un mot, pas une ligne. Que je laisserais tout à l’identique. »
Les jeunes héros de Jaroslav Foglar vivent des aventures pleines de mystères, passent leur temps à élucider des devinettes, à découvrir la nature ou encore à lutter contre des clans ennemis. Surtout, ils cultivent une amitié et une solidarité à toute épreuve, vivant en phase avec ce qui est considéré comme les vertus de base de tout scout qui se respecte. Mais les jeunes garçons ne sont pas esclaves de la discipline : Jaroslav Foglar a en effet donné un côté plus démocratique et moins rigide à ce qui caractérise d’ordinaire le scoutisme. Chez les Flèches rapides, l’amitié est plus forte et plus importante que la discipline.
Si les Flèches rapides sont devenues cultes pour plusieurs générations de Tchèques, qu’en est-il des plus jeunes aujourd’hui, à l’heure où la soif d’aventures peut être assouvie sur internet, en streaming, sur des tablettes et autres moyens d’accéder à des histoires, filmées la plupart du temps ? D’où l’idée, à l’occasion du 80e anniversaire des Flèches rapides, de faire revivre les légendaires cinq jeunes garçons sous le stylo d’auteurs contemporains. Au printemps dernier, un album de 50 nouvelles aventures est sorti en librairies. Son éditeur Tomáš Prokůpek nous en dit davantage :« Cette bande dessinée est tellement importante que ça vaut le coup d’en reparler. Il faut dire que nous n'avons pas essayé de faire une suite des Flèches rapides. C’était plus un jeu et un effort pour rappeler la légende et ce qu’elle est devenue. Nous avons fait appel à quarante artistes d’âges différents, de styles différents et d’opinions différentes. Nous leur avons imposé certaines règles puisque les Flèches rapides sont évidemment des héros positifs. Mais pour le reste, nous leur avons laissé beaucoup de liberté. »
Ainsi, l’un des auteurs a par exemple imaginé à quoi ressembleraient les cinq héros devenus adultes, et une autre dessinatrice a représenté ces garçons épris de justice en policiers.Jaroslav Foglar a toujours laissé planer le doute sur la question de savoir si les Flèches rapides avaient été inspirées de personnes réelles. Chez lui, imagination et réalité se sont entremêlées jusque dans les lieux de leurs aventures : les Flèches rapides évoluent dans de sombres labyrinthes de ruelles, des entrelacs de passages, d’escaliers, de cours intérieures entre les immeubles, qui évoquent grandement certains endroits de la Vieille-Ville de Prague.
Si aujourd’hui, ces mêmes lieux sont davantage fréquentés par les touristes et apparaissent donc moins bien mystérieux qu’à l’époque, une ruelle jadis sans nom, à deux pas du couvent Sainte-Agnès, porte depuis 2007 celui du quartier des aventures des jeunes garçons : Ve Stínadlech.