La BOF made in Prague toujours prisée par les étrangers
Prague a longtemps été une destination privilégiée par les producteurs et réalisateurs de films, qui profitaient des coûts réduits et du savoir-faire sur place. Ce qu’on sait moins, c’est que la capitale tchèque est et reste aussi une destination privilégiée par les compositeurs de musique classique pour la production de bandes originales de films (BOF), de téléfilms ou de publicités. C’est dans un studio du centre de Prague que sont enregistrées des mélodies qui feront le tour du monde.
Depuis la chute du communisme, ils sont nombreux à apprécier ce rapport qualité-prix. Josef Pokluda est chargé du recrutement des musiciens pour le studio praguois:
« C’est vrai que nous avons ici une excellente tradition de musiciens. Pour vous donner une idée, il y a aujourd’hui cinq ou six orchestres à Prague, ce qui est énorme pour une petite capitale. Et puis si vous prenez en compte que pour chaque film il y a un budget pour la musique, on peut dire qu’au Danemark par exemple un compositeur peut se payer avec ce budget un synthétiseur ou un quatuor... Mais à Prague, avec la même somme, il peut avoir un orchestre symphonique de cinquante musiciens. Nous avons déjà réalisé la musique de grands films comme celle des films de David Lynch, ‘Lost Highway’ ou ‘Mulholland drive’ ou plus récemment la musique du film sur Alexandre Dumas avec Gérard Depardieu. »Dans ce studio praguois on enregistre aussi la musique de spots publicitaires de quelques secondes.
« Je suis Rémy Fabrikant, directeur créatif d’une agence de publicité de Zürich, et on est en train de produire une publicité pour un produit pour les cheveux de la marque Bayer. On a beaucoup investi dans ce film en 3D, et on voulait aussi avoir la musique adéquate, une bonne qualité de musique donc on vient ici avec notre compositeur pour l’enregistrer. Ce n’est pas seulement parce que c’est de la musique classique qu’on vient enregistrer ici, c’est parce que c’est de la musique de film, qui est difficile à obtenir avec des orchestres classiques. C’est différent, il faut jouer à la seconde près et ça doit être combiné comme il se doit avec les images. Cela va nous prendre une demi-heure. » Pour les clients étrangers, enregistrer à Prague permet aussi de ne pas payer de futures royalties sur les œuvres. Sans passer par des maisons de disques, ils paient directement les musiciens tchèques, qui viennent arrondir leur fin de mois.« Je viens ici pour gagner de l’argent en plus quand j’ai du temps », indique le percussioniste Jan Pištora, membre de l’orchestre symphonique national, et qui vient de participer au réenregistrement de la musique de Laurence d’Arabie.
Pendant 16 ans, la joueuse de harpe Renata Vilimová a été la soliste de l’orchestre royal danois, à Copenhague. Revenue à Prague, elle ne joue plus que dans ce studio de la musique qui deviendra la bande originale de films.« Les musiciens aiment la musique de film et je pense qu’il y en a beaucoup que ça intéresse. Parmi les films pour lesquels j’ai joué il y a le film de Roman Polanski ‘Oliver Twist’ ou ‘The Dutchess’ ».
Dans la musique classique aussi, la concurrence est rude. Les studios hongrois, bulgares ou roumains sont de plus en plus sollicités, d’autant que le cours élevé de la couronne tchèque décourage parfois les clients étrangers. Mais un nouveau filon est apparu depuis quelques années, l’enregistrement de musique pour les jeux vidéo. Josef Pokluda :« Les jeux vidéo sont devenus très populaires, c’est un énorme marché. Et si la musique est enregistrée avec de vrais musiciens en live – pas avec un synthétiseur – le jeu peut avoir des dimensions tout à fait différentes. Les grandes sociétés comme Microsoft sont contentes d’engager un grand orchestre et cela se reflète dans la qualité d’ensemble des jeux produits. »Films, téléfilms, publicités, jeux vidéos, on enregistre la musique originale de tout à Prague. On réenregistre même les génériques de série culte comme Magnum...