La chapelle de Bethléem où prêchait Jan Hus
La chapelle de Bethléem, dans la Vieille Ville pragoise, dans laquelle le maître Jan Hus, réformateur de l’Eglise catholique brûlé vif comme hérétique à Constance, prononçait ses messes en tchèque, est le but de notre visite, aujourd’hui.
Tous les ans, le 6 juillet, jour de la fête nationale commémorant le martyre de Jan Hus, une messe oecuménique est célébrée dans la chapelle de Bethléem qui reste un lieu emblématique du hussitisme :
« Cherche la vérité, écoute la vérité, apprends la vérité, aime la vérité, défends la vérité jusqu’à la mort, car la vérité te sauvera. »
Tel était le credo de Jan Hus, prêtre, doyen de la faculté de théologie, recteur de l’université pragoise, réformateur largement influencé par les idées de John Wyclif, penseur britannique de l’université d’Oxford.
La chapelle de Bethléem est devenue le lieu d’où Jean Hus prêchait contre l’oppression sociale, pour la justesse et l’égalité, contre certaines pratiques de l’Eglise, son pouvoir démesuré et le trafic des indulgences. L’Eglise prononce un interdit contre lui. En 1414, Hus se rend au concile de Constance où il espérait défendre ses idées. En dépit d’un sauf-conduit délivré par l’empereur Sigismond, il perd sa protection, est condamné et fini par être brûlé vif comme hérétique, après avoir refusé de révoquer son enseignement. Les guerres que l’histoire connaît comme les « guerres hussites » et qui ont éclaté après sa mort n’ont pris fin qu’en 1436. La chorale ‘Nous qui sommes les combattants de Dieu’ est le plus célèbre des chants nés en Bohême à l’époque du hussitisme:
La chapelle de Bethléem est l’un des trois endroits fatidiques du maître Jan, en plus de Husinec, son village natal, et Constance où il est mort, le 6 juillet 1415. La chapelle telle que nous la connaissons aujourd’hui n’est plus la même que la chapelle des temps de Hus. Elle n’est pas authentique, car, et c’est un paradoxe de l’histoire, ce lieu vénéré en tant que berceau de la Contre-réforme tchèque a été anéanti et oublié, à la fin du XVIIIe siècle…Ce n’est que 150 ans plus tard, en 1950 que la chapelle a été renouvelée sur les ruines des murs périphériques retrouvées lors des fouilles. Pavel Jerie, directeur général de l’Institut du patrimoine national:« La République tchécoslovaque créée en 1918 a ravivé la conscience du hussitisme et on a commencé à rechercher la chapelle disparue. Les premières fouilles ont alors été réalisées mais ce n’est qu’après la fin de la Deuxième Guerre mondiale qu’une maison d’habitation construite à l’emplacement de la chapelle a été démolie et qu’on a retrouvé les murs périphériques d’origine, ainsi que la fenêtre du front ouest et plus tard aussi les restes de la chaire, avec des détails du portail, et quelques restes d’inscriptions originales sur les murs… »
Ces inscriptions, ce sont des chants que Jan Hus, avant de quitter la chapelle, a fait peindre sur les murs : « Jésus Christ, prince généreux » et « Visite-nous, Christ désirable. »
L’acte de fondation de la chapelle a été délivré le 24 mai 1391 par le roi Venceslas IV. Le chevalier Jan de Mühlheim et l’échevin pragois Kříž ont fait élever la chapelle, l’unique consacrée entièrement aux prédications en langue tchèque. Elle représentait un bâtiment d’un style très sobre répondant à celui d’une église-halle. Le maître Jan y prêchait quotidiennement, de 1402 à 1413, devant plus de 3000 personnes, artisans, ouvriers, petits commerçants, clercs sans emploi. Pour la dernière fois en février 1413, lorsqu’il a été contraint de se réfugier à la campagne, près de Tábor.
La chapelle allait rester un lieu honoré encore dans le courant des XVe et XVIe siècles: elle servait d’église paroissiale dans laquelle le legs de Jan Hus n’a cessé d’être rappelé. Parmi des personnalités qui y prêchaient à l’époque, on note surtout le réformateur allemand, Thomas Müntzer, vers 1521. Après la Guerre de Trente Ans, la chapelle a été remise à l’ordre des Jésuites qui y ont fondé le séminaire Saint-Venceslas. Avec l’abolition de l’ordre en 1773, la chapelle a été vouée à la destruction. Une maison d’habitation a alors été construite à sa place. Le génie des lieux a disparu…
En 1948, la maison a été nationalisée et on a décidé de la reconstitution de la chapelle selon les plans de l’architecte Jaroslav Fragner. Vu de la place de Bethléem, la chapelle actuelle présente deux frontons gothiques. La partie orientale est reliée à la maison du Prédicateur dans laquelle vivait Jan Hus. L’intérieur de la chapelle frappe par son austérité. Il n’y a pas de sièges, car aux temps de Hus, la chapelle n’était pas destinée aux méditations. Les murs s’ornent de quelques peintures, ce sont des copies d’enluminures médiévales qui évoquent notamment la vie de Jan Hus. Pavel Jerie :
« A côté de la chaire, il y avait un autel duquel seul un sanctuaire s’est conservé dans le mur et qui est aujourd’hui recouvert d’une grille : c’était un endroit où ont déposait les ustensiles de liturgie jusqu’au congrès de Trident qui a refusé la Contre-réforme et modifié la liturgie. Depuis, les ustensiles sont disposés directement sur l’autel. »
Pavel Jerie nous conduit encore au sous-sol de la chapelle autrefois inexistant :
« Les espaces souterrains ont été nouvellement créés lors de la reconstitution de la chapelle entre les murs des fondations : en fait, nous nous trouvons au niveau de la Prague médiévale du XIe siècle qui était situé beaucoup plus bas que la ville actuelle. A l’endroit où nous sommes, on a retrouvé des fours d’incinération qui sont exposés ici, sous un verre et qui prouvent que c’était un lieu de piété où avaient lieu les enterrements dans la chapelle. »
Les travaux de construction terminés en 1954 par l’architecte Fragner ont respecté la disposition originale. Depuis la fin des années 1980, la chapelle appartient aux Hautes Etudes techniques. Ainsi, de même qu’au début, elle est à nouveau liée à une Université. L’intérieur de la chapelle, d’une surface de 798 mètres carrés, peut accueillir jusqu’à 3000 auditeurs, comme aux temps de Jan Hus. Outre les cérémonies solennelles et les messes, la chapelle sert aussi de salle de concert et d’expositions.
Rediffusion du 6/7/2008