La communauté juive de Prague s’inquiète d’une montée de l’antisémitisme sur Internet en République tchèque

Photo illustrative: Oleg Fetisov

L’association de la communauté des Juifs de Prague a fait paraître mardi 14 mai son rapport annuel sur l’état de l’antisémitisme en République tchèque et ses manifestations. Si la République tchèque reste un pays où l’antisémitisme est rejeté dans la plus grande partie de la société, il a trouvé sur Internet un espace d’expression privilégié.

Photo illustrative: Oleg Fetisov
La Radio et la Télévision tchèques ont immédiatement titré sur « une montée alarmante de l’antisémitisme » en République tchèque à la suite de la publication du rapport de la communauté juive de Prague. En vérité, le constat dressé n’est pas si dramatique. L’étude montre notamment que le nombre d’agressions physiques et verbales est resté stable ces dernières années. C’est l’augmentation des attaques antisémites sur Internet qui inquiète davantage : de vingt-six articles, vidéos et images antisémites en 2011, les outils de surveillance de la communauté juive de Prague en ont relevé quatre-vingt-deux en 2012, soit le triple. Pour Jan Munk, son président, cette augmentation, pas affolante à première vue, est à prendre très au sérieux :

« Ces attaques se passent sur un espace qui ne peut pas être très contrôlé, c’est-à-dire sur Internet. Internet donne la possibilité aux sites sur lesquels ces attaques sont faites d’être hébergés sur des serveurs à l’étranger, la plupart du temps aux Etats-Unis où la liberté d’expression est sacralisée, et donc il n’est pas possible d’attaquer ni ces mots ni leurs auteurs. »

Jan Munk,  photo: Jana Šustová,  ČRo
Lorsqu’il s’agit d’examiner les raisons de cette augmentation, le rapport fait état d’une montée de l’antireligion causée par le vote de la loi de restitution des biens aux Eglises et de l’opposition croissante à la politique très pro-israélienne du pays. Cependant, la différence entre antisémitisme, antisionisme et simple opposition politique, n’est pas très claire. Enfin, c’est la candidature de Jan Fischer à l’élection présidentielle de janvier 2013 qui aurait selon Jan Munk révélé « l’antisémitisme latent dans certains groupes de citoyens ». Sa candidature avait en effet été émaillée d’attaques sur son passé communiste et ses origines juives. Comparitivement à la situation en Europe et dans le monde, il n’y a tout de même pas lieu de s’alarmer devant cette augmentation. Jan Munk :

« Quand il est question du comportement concret des gens, les attaques physiques sur les bâtiments et les personnes n’ont pas augmenté. Je me permettrais même de dire que la situation en République tchèque est considérablement meilleure que dans la plupart des pays européens. Il y a eu cette fusillade en France, des attaques en Angleterre, en Grèce, en Bulgarie... Ici, la grande majorité sont des attaques antisémites d’ordre verbal. »

Le président de la communauté juive de Prague se félicite même du travail du gouvernement en matière de lutte contre l’antisémitisme et de sa coopération avec la communauté juive, « notre travail commun est sur la bonne voie », dit-il. Cependant il faut mettre ce constat à l’aune de ceux concernant les manifestations de haine contre d’autres minorités. Gabriela, qui ne révèle pas son nom par mesure de sécurité, a travaillé sur ce même rapport l’année dernière et a insisté dans un interview à la Radio tchèque sur l’importance de garder une vision globale :

Une marche contre l’antisémitisme,  photo: Martina Schneibergová
« La situation est relativement bonne, mais il faut aussi constater que chez nous les manifestations de haine se sont déplacées vers d’autre minorités, principalement contre les Roms. Nous suivons également ces manifestations car pour nous elles sont des indications sur la société tchèque. Nous savons très bien qu’entre la haine des Roms et celle des Juifs la frontière est ténue. »

Une marche contre l’antisémitisme organisée le 21 avril dernier dans la capitale a rassemblé plusieurs centaines de personnes. En revanche, les médias n’ont pas profité du dévoilement du rapport de la communauté juive de Prague pour faire une comparaison avec les attaques contre d’autres religions ou autres minorités. Un groupe Facebook, par exemple, intitulé « nous ne voulons pas d’islam en République tchèque » a déjà rassemblé 60 000 membres. Des Roms également il n’est point question.