La Constitution européenne vue de Prague par des représentants des institutions de l'UE

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La « Journée de l'Europe » est célébrée tous les 9 mai depuis 1985, en souvenir de la célèbre déclaration prononcée par Robert Schuman le 9 mai 1950. Lundi, c'était la deuxième fois que cette journée était « fêtée » en République tchèque depuis l'adhésion du pays à l'UE. L'occasion de rencontrer les fonctionnaires européens en poste à Prague et de parler avec eux du sujet central du moment : le Traité constitutionnel pour l'Europe.

La République tchèque est un pays qui se distingue singulièrement des 24 autres Etats membres qui doivent ratifier ou ont déjà ratifié la Constitution européenne. D'abord, lorsque sont évoqués les pays dans lesquels la Constitution aura la plus de mal à être ratifiée - les pays dits « à risque » - la République tchèque figure en bonne place aux côtés du Danemark, de la Grande-Bretagne ou de la France. Ensuite, il faut préciser que Prague n'a pas encore décidé quand et de quelle manière sera ratifié le texte. Jiri Kubicek dirige le bureau d'information du Parlement européen dans la capitale tchèque :

« Nous ne savons pas encore. Pour le moment, il semble bien qu'il y aura un référendum puisque le nouveau chef du gouvernement l'a confirmé. Il y a encore l'autre possibilité de la ratification par le Parlement, mais pour le moment on n'en parle pas tellement. Mais si c'est un référendum, il faut encore trouver la date et le Parti civique démocrate (ODS) souhaite qu'il soit organisé vers la fin de l'année courante alors que le Parti social-démocrate (CSSD) préfère l'année prochaine, en même temps que les élections ordinaires. »

Autre fait important en ce qui concerne la République tchèque : dans les médias étrangers, ce dont on parle le plus, c'est du chef de l'Etat qui est l'un des plus grands opposants à la Constitution. Est-ce que cela vous place dans une situation difficile, vous qui représentez le Parlement européen, notamment en raison des dernières querelles entre certains eurodéputés et le président Klaus ?

« Je crois que son opinion est légitime et les Tchèques la respectent. A propos de cette petite querelle, je crois que c'est déjà réglé, après un échange de lettres dans lesquelles les positions ont été clarifiées... »

Christian Bourgin dirige la représentation de la Commission européenne à Prague, dans le seul pays où le chef de l'Etat fait activement campagne contre le Traité constitutionnel pour l'Europe:

« Bien sûr, c'est quand même un cas exceptionnel, parce qu'aucun chef d'Etat ou de gouvernement en Europe ne s'est exprimé contre la Constitution. Forcément, car ils ont tous signé le Traité. Le président, ici, a refusé et a laissé le Premier ministre signer le Traité, et en cela il est constant dans ses positions.

Vu de l'étranger, on peut être assez étonné ou inquiet de cette prise de position exceptionnelle. Ceci dit, quand on vit en République tchèque, on se rend compte que les gens respectent le président, parce que c'est une personne charismatique et influente qui a eu un rôle important dans le développement du pays et qui continue d'avoir un rôle important mais qui en même temps a des idées un peu paradoxales qui ne représentent pas forcément l'opinion publique tchèque. 70% de la poulation tchèque a une image positive du président, mais même parmi ces 70%, quand on discute avec les gens, on se rend compte qu'on le respecte mais en même temps, on n'est pas forcément de son avis, surtout sur la construction européenne.

Evidemment, il faut s'inquiéter quand même lorsqu'une personne aussi influente est contre la Constitution, mais il faut être optimiste en pensant que le bon sens prévaudra et que les gens regarderont de manière concrète ce qu'il y a dans le Traité. »

Jiri Kubicek : « Naturellement, notre campagne sera une campagne d'information parce que peu de gens ont eu la possibilité de lire ce texte. Nous commençons à le distribuer et à le présenter pendant des soirées comme celles-ci que nous venons d'organiser pour les jeunes. »

Comment observez-vous le débat français de Prague? Est-ce que l'on craint que l'un des pays « locomotives » de l'Europe refuse une intégration approfondie ou est-ce que ça rassure les Tchèques qui se disent qu'au moins si les Français disent non, ce ne sera pas de leur faute si cette Constitution ne passe pas ?

« Hm... Oui, il y a peut-être un sentiment de ce genre. Mais généralement les Tchèques sont concentrés sur eux-mêmes. Moi, quand j'entends ou lis les médias français, je ne peux qu'envier le débat beaucoup plus ouvert, plus intéressant et structuré sur la Constitution. Chez nous, il y a seulement deux thèmes : le thème de la fédération, du super-Etat et le thème de la pauvre petite République tchèque qui n'aura pas plus de force et de puissance par l'intermédiaire du contexte européen. Il y a beaucoup d'arguments pour, et beaucoup plus d'arguments contre, mais cela reste quand même un peu plat et pas très intéressant... »

Récemment, le ministre tchèque des Affaires étrangères, Cyril Svoboda, a pour la première fois exprimé le souhait de voir la Constitution ratifiée par la voie parlementaire. Il rejoint en cela l'ancien président de la République, Vaclav Havel, qui s'est très tôt prononcé contre un référendum.

Prochaine étape de la ratification par les Vingt-cinq : la France. A quelques jours du scrutin, quelles conséquences pourraient avoir la campagne et le résultat du référendum français du 29 mai prochain sur la méthode employée à Prague ? Christian Bourgin :

« Si le non passe en France, d'abord cela posera problème pour la France et problème pour l'Europe. En République tchèque, je ne sais pas si cela aura une influence sur le mode de ratification mais cela aura certainement une influence sur l'attitude qu'auront les Tchèques vis-à-vis de la Constitution. Si le référendum en France est négatif, on peut imaginer que cela aura une influence sur un potentiel référendum en République tchèque. »