La couronne tchèque est convertible depuis 20 ans
Le 1er octobre 1995 entrait en vigueur l’amendement à la loi sur les devises. A partir de cette date, la couronne tchèque est devenue convertible, mettant fin à des décennies de marché monétaire parallèle né sous le communisme et de restrictions d’accès aux devises étrangères. 20 ans se sont écoulés depuis ce changement majeur dans la vie des Tchèques.
Mais à côté des procédures administratives officielles, un chemin de croix souvent long et semé d’embûches, il existait un canal non-officiel pour obtenir des dollars, francs, livres ou Deutschemarks : on pouvait avoir recours à des « veksláci », soit des changeurs au noir, une catégorie de population aussi discrète que fortunée, grâce à leur petit commerce illégal.
Avec le changement de régime politique en 1989, la Tchécoslovaquie s’est également peu à peu engagée dans une transition vers l’économie de marché. L’une des phases de cette transition fut justement la convertibilité de la couronne tchèque. Après plusieurs dévaluations, la couronne était arrivée à une valeur de 28 couronnes pour un dollar, soit, étonnamment, presque la valeur à laquelle elle était vendue au marché noir par les fameux « veksláci ». Miroslav Ševčík, de l’Ecole supérieure d’économie à Prague :
« D’une certaine façon, on peut dire que les cours de la monnaie qui venaient du marché illégal et spontané reflétaient en fait la réalité qui a ensuite été officialisée par l’administration centrale. »La couronne devient partiellement convertible au début des années 1990, mais il faudra attendre 1995 pour qu’elle le soit totalement. Le 1er octobre, l’amendement à la loi sur les devises entre en vigueur et s’ouvre alors une toute nouvelle ère pour les Tchèques désireux de voyager. L’ancien président tchèque Václav Klaus, alors premier ministre et responsable de la transition économique, s’exprime ainsi à ce propos :
« A l’époque, c’est un rêve qui est devenu réalité. Pour la majeure partie de la population de ce pays, l’idée que l’on puisse avoir une couronne convertible, que l’on puisse changer contre des devises n’importe où, à Paris, New York ou Francfort, était quelque chose d’absolument inconcevable. »
La convertibilité de la couronne ne va pas à l’époque sans craintes. Prudents face à l’enthousiasme spontané, certains spécialistes mettent en garde contre un changement qui n’a pas que des avantages. L’économie de marché que nombre de Tchèques accueillent comme le messie, après plus de quarante ans d’économie planifiée, va de pair avec plus d’insécurité, comme le soulignait Josef Tošovský, le gouverneur de la Banque centrale à l’époque.Pour Miroslav Ševčík, c’est toutefois les avantages qui ont prévalu :
« Cela a surtout permis aux gens de s’acheter des biens qui manquaient à tout le monde, après la fin du système d’économie planifiée. Les gens ont pu acheter à l’étranger des téléviseurs couleur, des frigidaires, des magnétoscopes, des caméras vidéo. Tout ce qu’autrefois on ne pouvait acheter qu’avec des bons Tuzex. »
Rappelons que les Tuzex étaient, sous le communisme, des magasins où étaient vendus des produits étrangers, donc considérés comme luxueux. Il était possible d’en faire l’acquisition grâce à des « bony », des bons spéciaux que l’on pouvait obtenir en échange de devises étrangères. Encore fallait-il pouvoir se procurer ces fameuses devises…20 ans après, la couronne tchèque est toujours la monnaie officielle du pays, et contrairement au voisin slovaque qui a adopté en 2009 l’euro, la République tchèque reste un des neuf pays de l’Union européenne à ne pas avoir renoncé à sa monnaie nationale.