La création de l'opéra Joseph Merrick dit Elephant man
La première mondiale de Joseph Merrick dit Elephant man, opéra de Laurent Petitgirard, a été donné, ce jeudi, à l'Opéra d'Etat de Prague. Vaclav Richter était dans la salle.
Un public international composé de ministres, ambassadeurs et de beaucoup de Français a suivi avec attention et sympathie, jeudi soir, la création de ce drame lyrique de Laurent Petitgirard. Prague a déjà vu les premières mondiales de beaucoup d'opéras dont par exemple Don Giovanni et la Clemenza di Tito de Mozart, mais Joseph Merrick est le premier opéra français dans toute l'histoire de la musique dont la création ait été confiée à un théâtre tchèque. Cet événement sans précédent a été préparé en coopération étroite entre les artistes français et tchèques et en coproduction avec l'opéra de Nice.. Le livret d'Eric Nonn est inspiré de la vie de Joseph Merrick, homme ayant vécu au 19ème siècle en Angleterre. Il souffrait d'une maladie rare qui lui a complètement déformé le visage et le corps. Son aspect monstrueux provoquait la peur, la haine, une curiosité malsaine mais aussi une réelle sympathie. Son infirmité ne l'a pas empêché de susciter l'amour. Son cas n'a jamais cessé d'attirer l'attention des médecins, des curieux et des artistes. Au cours du 20ème siècle, il est devenu héros d'un film réalisé par le célèbre David Lynch, mais aussi d'une comédie musicale et, tout récemment donc, d'un opéra. Le metteur en scène, Daniel Mesguich, a créé un spectacle à mi-chemin entre la réalité et le rêve, situé dans une espèce d'arène. Des corbeilles et des loges de théâtre se trouvent non seulement dans la salle mais aussi sur la scène et soulignent encore le voyeurisme presque sadique que suscitait le corps déformé d'Elephant man. On assiste à plusieurs étapes de sa vie. On le suit lorsqu'il est montré, tel un animal répugnant, à des foires, puis dans un hôpital où l'on le prend pour un cas pathologique sans respecter sa dignité humaine et, finalement, dans la dernière période de sa vie où il devient un homme célèbre qui jouit de la protection de la famille royale. La musique de Laurent Petitgirard reste, malgré sa modernité, lyrique, floue, captivante, et fait penser à Bernstein, mais aussi à Fauré, Poulenc et Satie. C'est grâce à elle que l'histoire d'un monstre devient celle d'un homme et que le public peut saisir la tragédie et la grandeur humaines de Joseph Merrick. Parmi ceux qui ont contribué à la réussite de cette production il faut relever Philippe Do dont le ténor souple a brillé dans le rôle de Tom Norman, montreur de spectacles de foire, le baryton Petteri Falck ayant campé le docteur Treves et la soprano Marie Devellereau qui a donné au rôle de l'infirmière Mary une grâce poignante. Le rôle difficile de Merick a été confié à Jana Sykorova, sans doute une des meilleures cantatrice tchèques de sa génération dont la voix de contralto a su être tantôt lyrique et généreuse pour exprimer les désirs d'une âme solitaire, tantôt métallique pour plonger jusqu'au fond du désespoir.