La culture du chanvre industriel en République tchèque

Photo: www.konopa.cz

Après les « paniers bio », nous allons consacrer cette nouvelle rubrique économique à un autre secteur de l’économie un peu alternatif. Il s'agit de la culture du chanvre qui peut constituer une matière première écologique pour la fabrication d’un certain nombre de biens de consommation. La culture du chanvre est une culture traditionnelle multiséculaire, mais elle est strictement contrôlée à cause de son caractère potentiel de stupéfiant.

Michal Ruman est le président de l’association Konopa, un portail d’informations sur la culture du chanvre et ses applications. Il explique quelle est la situation en République tchèque.

« En République tchèque, il y a un marché avec les traitements cosmétiques à base d’huile de chanvre, de graines de chanvre, et d’extraits de fleur de chanvre. Il y a un peu de graines de chanvre destinées à l’alimentation, avec l’huile pressée à froid qui est uniquement nutritive, et riche en oméga 3, 6 et 9, qui sont des graisses essentielles. Il y a aussi une usine pour la production d’isolation avec de la laine de chanvre.

Photo: www.konopa.cz
Les matériaux de construction sont en train de se développer. C’est une branche qui est très développée en France, et on essaie de d’utiliser ici l’expérience française, et de l’appliquer et l’adapter à la République tchèque. Et malheureusement, il faut le dire, nous produisions des textiles et des tissus mais c’est terminé malheureusement. Parce que toute une industrie de la laine qui était connectée avec le chanvre s’est effondrée. »

Pour des raisons économiques, à cause de la crise ?

« On peut dire que ce sont pour des raisons économiques, mais il y a toujours quelque chose de politique derrière. Ou on ne sait pas vraiment. »

Les politiques sur le développement de la culture du chanvre à usages techniques ont en effet souffert en République tchèque de ce qui parait être une certaine hésitation politique. Interdite au moment même où la culture du chanvre industriel était mise en place en Allemagne dans les années 1990, elle a été réintroduite trois années après, en suivant la législation allemande. Néanmoins, c’est une culture surveillée de très près. Michal Ruman :

« Aujourd’hui, législativement, on a appliqué les lois européennes. On peut donc cultiver du chanvre qui ne contient pas plus de 0,3% de THC. On peut cultiver les variétés de chanvre qui sont sur les listes de l’Union européenne. Il est vrai que les variétés de chanvre industriel ne sont pas vraiment adaptées à la République tchèque. On ne peut pas cultiver beaucoup de variétés. C’est dommage car ce serait beaucoup plus intéressant pour les fermiers de pouvoir cultiver des variétés adaptées au climat tchèque. De même, on ne peut pas utiliser les mêmes graines. Il faut toujours acheter des graines certifiées, donc cela coute beaucoup plus cher. Et ça c’est aussi dommage. »

Est-ce que la culture du chanvre est économiquement intéressante ? Est-ce que ça coute cher de cultiver le chanvre et de le transformer en différents matériaux ?

« Ca dépend beaucoup de comment on le cultive, avec quelles machines. A la base, aujourd’hui, c’est cher, parce qu’on apprend, on investit. Et il n’y a pas un grand marché. Mais en même temps, il y a des gens dans cette industrie donc cela doit être intéressant. »

Un peu moins de 200 hectares sont cultivés sur le sol tchèque, pour des usages principalement alimentaires. Un des grands débats de ces dernières années a porté sur les vertus thérapeutiques, dans certaines conditions, du cannabis. Le débat est d’ailleurs presque clos, puisque dans certains pays, notamment certains Etats des Etats-Unis, où la législation est beaucoup plus sévère sur la consommation privée de cannabis, sa consommation à but thérapeutique est autorisée pour certaines pathologies. En République tchèque, la législation est finalement relativement tolérante pour la consommation de drogues, mais peu de recherches sont développées sur ces vertus thérapeutiques. Michal Ruman :

« On ne peut pas vraiment parler de chanvre utilisé directement pour la médecine. Il y a du chanvre industriel qui est utilisé pour préparer des cosmétiques médicaux. Mais il n’y a pas de recherches vraiment officielles sur le chanvre. Dusan Dvorak, de l’association ‘Konopi je lek’ (le chanvre est un médicament) a essayé de planter 1 000 plants de cannabis pour la médecine, mais ils ont été coupés par la police. Ce n’est pas encore accepté. »

Pourtant l’association de Dušan Dvořák, ‘le chanvre est un médicament’, à laquelle Michal Ruman fait référence, a reçu au début du mois de décembre un prix, signé par le premier Ministre Jan Fischer, du Conseil gouvernemental pour les personnes handicapées. Le gouvernement vient par ailleurs d’assouplir la législation tchèque sur la consommation de certaines drogues, parmi lesquels le cannabis. Sans vouloir faire l’amalgame entre culture du chanvre à usages techniques et consommation de cannabis, il est néanmoins difficile d’évacuer la question, et la position de Michal Ruman sur ce sujet est sans détour.

« On demande l’acceptation du chanvre comme une plante, comme on cultive le thym ou d’autres plantes, sans aucune prohibition. Il y a bien sûr des substances qui peuvent être dangereuses, si on l’utilise mal. Mais le chanvre, il n’y a pas beaucoup de risques. Bien sûr, il y a des gens qui utilisent mal le chanvre. Ils sont peut-être trop jeunes, mais en même temps, le risque est moins grave que la consommation d’alcool ou de tabac ou d’autres plantes plus accessibles. On se demande donc pourquoi existe cette interdiction, qui coûte très cher, qui affecte beaucoup de gens, des gens qui sont malades, des jeunes gens, des gens normaux, qui ne commettent pas d’actes criminels. On est de ce point de vue d’accord avec des mouvements de légalisation qui disent qu’ils veulent la liberté de planter. »

Une des inquiétudes des gouvernements est aussi le risque d’attirer un tourisme de drogue. Comprenez-vous cette inquiétude ?

« Bien sûr, mais je crois et ce n’est pas secret que la République tchèque est un peu la Hollande de l’Europe centrale. Et il y a déjà un tourisme de drogue, et aujourd’hui, tout ce tourisme fonctionne sur le marché noir. Y-a-t-il un avantage à cette situation ? Moi je ne le vois pas. »