HHC : « le gouvernement tchèque a interdit 3 molécules parmi un océan de produits de synthèse »
L'interdiction des substances psychoactives HHC, HHC-O et THCP entrera en vigueur le 1er mars 2024, a déclaré le ministre tchèque de la Santé Vlastimil Válek à l'issue mercredi du Conseil des ministres, qui a inscrit ces substances sur la liste des substances addictives. La décision doit encore être notifiée par la Commission européenne, ce qui prendra dix à vingt jours. L'interdiction expirera le 1er janvier 2025, date à laquelle un prochain amendement à la loi sur les substances addictives, qui désigne les substances comme psychoactives et réglemente leur vente, devrait entrer en vigueur. Le gouvernement a décidé de prendre cette mesure parce que les hôpitaux ont signalé des intoxications plus fréquentes d'enfants et d'adolescents au cours des dernières semaines, après la consommation de HHC, notamment contenu dans des bonbons en vente libre, en magasin, sur internet ou même dans des distributeurs automatiques.
Le HHC est l'hexahydrocannabinol, un dérivé semi-synthétique du cannabis, un cannabinoïde présent dans le plant de chanvre en très petite quantité, mais qui est produit de manière artificielle pour créer des produits aux effets relaxants.
Mathieu est un entrepreneur français basé à Prague et à la tête d’une société européenne spécialisée dans les actifs et les ingrédients du chanvre. Entretien :
Que pensez-vous de la décision du gouvernement d’interdire ces trois molécules, le HHC, le HHC-O et le THCP ?
« Ils ont interdit trois molécules parmi un océan d’opportunités de synthèse. Le vrai problème est que cela influe sur les tarifs et donc l’accessibilité pour les entreprises. Donc les magasins ne vont pas fermer, ils auront simplement d’autres molécules en boutique. La régulation est nécessaire dans tous les cas pour pouvoir avancer, que ce soit en termes de vente et d’accessibilité. »
« Va donc se poser la question de la légalisation ou la dépénalisation du THC. Ces molécules interdites sont des molécules de synthèse qui sont utilisées maintenant. Elles créaient une espèce de parallèle au THC pas vraiment viable et peu traçable. On connait les effets de la molécule naturelle et on maitrise ses effets secondaires, alors qu’on n’a aucun recul sur les nouvelles molécules de synthèse qui sont créées. »
« Il n’est pas impossible que le fait de bloquer le HHC et le THCP nous amène sur d’autres molécules comme le THCJD, le THCH, le THCB ou d’autres molécules que les laboratoires sont capables de produire. Donc on prend le risque de tomber sur une molécule à problème, qui peut avoir des effets bien plus néfaste que le THC par exemple. »
Expliquez-nous comment on fabrique du HHC aujourd’hui à Prague ?
« Le procédé chimique de synthèse permet de partir d’une molécule pour en arriver à une autre. Pour le HHC, la synthétisation part d’un actif qui est le CBD. Théoriquement, on peut partir de n’importe quelle molécule mais dans les faits les laboratoires utilisent des molécules proches pour simplifier le processus. Donc ce ne sont pas forcément des dérivés du cannabis. Et encore une fois, cela pose la question de la traçabilité, quelles sont les molécules d’origine, d’où viennent-elles, etc. »
Prague, important lieu de production de ces molécules de synthèse
Prague est devenu un lieu important de production de ces molécules de synthèse…
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« Effectivement c’est devenu un lieu de production. On trouve des sociétés qui viennent de Suisse ou d’autres pays qui se sont installées. Je ne peux pas dire si cela durera mais effectivement plusieurs sociétés se sont installées pour faire des laboratoires de synthèse. »
Avec l’ambition de revendre ce qui est produit ici ailleurs dans le monde ?
« Oui j’imagine, comme chaque société. »
L’un des ministres du parti Pirate du gouvernement tchèque a émis des objections sur la décision prise hier en évoquant l’exemple français, où le HHC a été interdit et d’autres molécules sont venues le remplacer sur le marché, notamment le H4CBD.
« Le H4CBD c’est encore différent, c’est un hydrogène donc c’est une autre forme. De plus, ce n’est pas un psychotrope, à l’inverse du HHC et du THCP. Il faut surtout aller chercher le HHCPO, le THCP, le THCPO. Par exemple, maintenant le THCP est interdit mais pas le THCPO ».
Des molécules trop accessibles aujourd'hui
Le THCPO est-il encore plus fort que le THCP ?
« Oui en effet, il est encore plus fort que le THCP. C’est tout le propos du parti Pirate : interdire trois molécules alors que les laboratoires peuvent en produire des centaines, ça n’aide pas vraiment. Il faut le réguler, bien sûr. Ces molécules sont trop accessibles aujourd’hui.
En réalité c’est la même réflexion qu’avec l’alcool. L’intoxication vient avec la surconsommation, donc on ne peut pas laisser n’importe qui faire n’importe quoi, sans informations et règlementations.
Si le THC était légal, ou en tout cas normé dans une législation pertinente, il serait contrôlé et organisé et les molécules de synthèse disparaitraient car leurs coûts de production sont plus importants. »
Est-ce que certains pays pourraient servir de référence selon vous ?
« C’est compliqué à dire, les lois de légalisation ou de dépénalisation sont très volatiles en réalité et changent régulièrement. Mais ce qui se passe dans certains États américains est très intéressant. Cela a permis de créer une activité économique, des normes adaptées.
Du point de vu francophone, la Tchéquie est vue comme le pays plutôt libéral sur cette question. L’État tchèque affine ses réglementations et il faut que cela continue.
Il faut partir de la racine, donc donner des licences de production et des réglementations, comme le voit dans certains pays d’Amérique latine comme l’Uruguay et la Colombie. Quand le circuit est stable, transparent et structuré, on a des produits meilleurs. Ainsi on peut intégrer une économie qui, de fait, existe depuis longtemps. »
« Le THC a toujours été mis en avant, mais chaque cannabinoïde à son intérêt, que ce soit le CBD, CBG, CBN, CBC… Il y a une multitude d’actifs dérivés du chanvre qui ne sont pas similaires. Il y a beaucoup de choses à faire évoluer mais en ce qui concerne ces produits de synthèse qui viennent d’être interdits, la prohibition de trois molécules risquent d’en faire sortir une autre trentaine… »