La dimension spirituelle et européenne du culte de saint Venceslas
Voté par le Parlement il y a dix ans, le 28 septembre est devenu la fête nationale de l’Etat tchèque, et ce en l’honneur de Saint Venceslas, prince des Přemyslides, l’un des plus importants évangélisateurs, l’homme qui a posé les bases de l’Etat tchèque et qui symbolise l’union du pouvoir spirituel et politique dans notre pays.
Le professeur Jiří Sláma de la faculté des Lettres de l’Université Charles explique que cette interprétation date de l’époque où les pays tchèques étaient menacés par les expéditions d’Henri Ier de Saxe, dit l’Oiseleur :
« Le prince Venceslas a vite compris le danger que représentait la Saxe voisine pour les pays tchèques : face à une force militaire de plusieurs milliers de soldats, Venceslas a opposé une force spirituelle. A la fin des années 920, il s’est adressé à l’évêque de Ratisbonne pour obtenir son consentement pour la construction d’une nouvelle église au château de Prague. Les fouilles archéologiques ont prouvé que cette église, dont les vestiges ont été retrouvés sous la cathédrale Saint-Guy, imitait la chapelle palatine édifiée par Charlemagne à Aix-la-Chapelle. Cette construction a servi de modèle à de nombreux souverains pour ériger des chapelles analogues dans leur propre château: une façon de manifester l’adoption du christianisme occidental. Ce qui fut aussi le cas de Venceslas. » La nouvelle église est dédiée à saint Guy, saint patron des Saxons. Lorsqu’en 929, Henri de Saxe attaque la Bohême, Venceslas ne dispose pas de force militaire pour pouvoir lui faire face. Mais cette église Saint-Guy par laquelle Venceslas s’est intégré dans le monde chrétien occidental et ce saint patron des Saxons que Venceslas vénère font reculer Henri qui renonce finalement au combat. Les deux hommes se retrouvent à la table des négociations. Le résultat est le suivant : Venceslas reconnaît formellement la domination du souverain de Saxe à l’instar de nombreux autres pays voisins. Il consent à payer un tribut à la Saxe, dont on ignore le montant. L’affirmation selon laquelle il devait s’agir de 500 talents d’argent et de 129 boeufs par an est une invention de l’historien František Palacký qui se réfère à la chronique de Cosmas où un tribut de ce type est mentionné mais dans un tout autre contexte historique, souligne le professeur Sláma:« En adoptant ouvertement le christianisme occidental, non seulement d’un point de vue religieux, mais aussi politique et culturel, Venceslas est entré dans l’Europe plus de mille ans auparavant que notre république n'y entre, en 2004. Lorsqu'il prend cette décision politique de première importance pour l’évolution future du pays, il n'est âgé que de 20 ans. »
Dominik Duka qui a célébré, mardi, une messe à Stará Boleslav, pour la première fois en tant qu’archevêque de Prague, a rencontré, la veille, les journalistes pour parler de la dimension spirituelle et européenne du culte de saint Venceslas :« Venceslas vient au monde à un moment ou l’évêque de Reims, Hincmar, expose ses opinions sur les fonctions d’un souverain, et où le christianisme porte en soi une certaine dualité – le combat pour l’autonomie de l’Eglise d’une part, et de la communauté séculaire, de l’autre. Et ce double rôle s’unit parfaitement dans le règne de Venceslas. C’est lui, ce souverain modèle. Chrétien et homme qui vit en accord avec les principes de l’Evangile et qui applique directement ces principes dans son service de souverain. C’est ainsi que nous percevons le culte de Venceslas. »
Le culte de Venceslas s’affirme non seulement sur notre territoire où des centaines d’églises lui sont consacrées, mais aussi en dehors du pays. La cathédrale de Wawel ou est inhumé le président polonais récemment décédé est dédiée à saint Venceslas, et on trouve une autre cathédrale qui lui est dédiée dans la ville de Slezská Svídnice, en Silésie. Le culte de Venceslas joue un rôle dans le processus d’unification entre la Bohême et la Moravie, ce qui se manifeste par le fait que la première église morave, celle de l’évêque d’Olomouc, est dédiée à saint Venceslas. En ce sens, le culte de saint Venceslas constitue tout au long de l’histoire un lien, un ciment de l’unité religieuse et de la coexistence entre l’Eglise et l’Etat, comme l'a encore souligné Dominik Duka :
« Puisque Venceslas ne se comporte pas en conquérant de nouveaux territoires, l’écho de son culte est marqué par l'idée que le catholicisme tchèque n’est ni nationaliste, ni chauvin. Le rôle qu’il joue dans la nation tchèque est le même que celui que le christianisme a joué dès ses débuts : un rôle de consensus, de conciliation. L’existence de la Lettre de Majesté éditée par Rodolphe de Habsbourg en 1609 qui garantissait aux Etats tchèques non-catholiques la liberté religieuse et celle de la déclaration de Georges de Poděbrady en tant que roi de la double confession, sont là aussi des éléments du culte de saint Venceslas, sans oublier la tentative de Ferdinand Ier de régler le conflit entre catholiques et utraquistes. C’est dans ce contexte aussi que s’inscrit le 28 septembre 1929, date des célébrations du millénaire de Venceslas et date de l’achèvement de la cathédrale Saint-Guy au Château de Prague, à l’occasion de laquelle le premier président tchécoslovaque Tomáš Garrigue Masaryk s’est référé à la tradition de saint Venceslas. »