La famille d’à côté : un repas dominical pour lutter contre les préjugés racistes
Permettre des rencontres entre étrangers et nationaux pour apprendre à se connaître et se défaire des stéréotypes que l'on pourrait avoir sur telle ou telle culture : c'est le but de l'association Slovo 21, qui organise chaque année nombre d'événements dans ce sens. Le plus connu est le festival international de la culture rom, Khamoro. Et si la plupart du temps ce sont la musique ou les arts qui permettent ces rencontres, elles peuvent parfois se réaliser beaucoup plus simplement. « Rodina odvedle » - « La famille d'à côté » est un projet international dont Slovo 21 est le coordinateur en République tchèque. Son but : permettre à des familles tchèques et étrangères de se rencontrer autour d'un repas dominical. Explication des deux coordinatrices du projet de Slovo 21, Rena Horvátová et Anna Mrázková.
« La famille d'à côté est un projet innovant, un projet d'intégration orienté vers les étrangers de pays tiers où le temps d'une journée, en l'occurrence le 18 novembre prochain, une famille d'étrangers rencontre une famille tchèque pour déjeuner ensemble. Pour nous, cela signifie une intégration non formalisée des étrangers dans la société tchèque. Et je crois que ça marche bien puisque cela fait 9 ans que nous menons ce projet. »
Le projet est développé dans toute la République tchèque, et concerne toutes les régions du pays. Le petit film diffusé sur le site internet de l'association laisse voir des rencontres entre familles non seulement à Prague, mais aussi dans le nord de la Bohême, dans la ville de České Budějovice, en Moravie etc. Comment se faire connaître, comment inviter la population tchèque et étrangère à participer à ce projet ? On écoute Rena Horvátová :« D'abord, nous faisons appel aux étrangers et aux Tchèques autour de nous. Puis on peut trouver des informations sur notre page internet. Nous avons aussi un soutien des télévisions et des radios – Český rozhlas est un partenaire média de notre projet – mais nous essayons aussi de nous intégrer aux médias commerciaux tchèques et aux médias locaux. C'est un peu différent auprès des étrangers parce que nous essayons de faire directement appel à eux, notamment par l'intermédiaire d'ONG qui travaillent avec les étrangers, ou par des relations personnelles, des amis qui auraient des amis étrangers et qui voudraient bien participer à ce projet. Mais surtout via ces organisations non gouvernementales. »
On pourrait facilement opposer, que malgré la beauté assez évidente de ce projet, il ne soit finalement que de la poudre aux yeux, dans le sens où ne sont tentés de participer à ce projet que des personnes, tchèques ou étrangères, qui d'emblée témoignent d'une vraie ouverture d'esprit. Les choses pour autant ne sont pas aussi simples, explique encore Rena Horvátová :
« On pourrait croire effectivement que les gens sont ouverts déjà à leur façon mais parfois nous recevons des demandes d'inscription avec des conditions. Cela nous est arrivé il n'y a pas très longtemps par exemple, de recevoir une inscription d'une famille disant qu'elle aimerait bien participer au projet mais qu'elle ne voulait pas recevoir de musulmans. On voit donc ici des gens qui ont des préjugés. C'est ensuite à nous de leur dire que c'est exactement de ça dont il s'agit, d'aller à l'encontre des préjugés, et donc de leur proposer de rencontrer justement une famille étrangère de confession musulmane pour briser ces préjugés. Ensuite, c'est à eux de choisir, nous ne pouvons forcer personne. Mais nous rencontrons des personnes qui ont des préjugés à l'encontre de certains étrangers et qui ne s’en rendent même pas compte. Mais grâce au projet, on peut lutter contre ces préjugés. »La question du racisme est au cœur de ce projet bien naturellement. Des préjugés qui ne sont pas seulement du côté de la population tchèque, rappelle Anna Mrázková :
« Je voudrais dire que ces préjugés ne sont pas seulement du côté des Tchèques mais aussi du côté des étrangers. Les étrangers la plupart du temps ne s'inscrivent pas à notre projet d'eux-mêmes, mais cela passe par des organisations ou des centres d'intégration. Et quand nous abordons directement un groupe d'étrangers et nous leur disons que des Tchèques veulent les inviter à déjeuner, pour leur cuisiner quelque chose, et seulement discuter, comprendre pourquoi ils vivent ici, ils en sont très surpris. Parce qu'ils ne sont pas habitués à cela, ils ne sont pas habitués à ce que les Tchèques soient ouverts et sympathiques. Donc les stéréotypes sont des deux côtés. »Le but de ce projet est aussi de permettre l'établissement de relations amicales sur le long terme. A cet effet, l'association fait en sorte que les personnes qui se rencontrent aient des points communs – un univers professionnel similaire, la même catégorie d'âge, des enfants ayant à peu près aussi le même âge etc. Tout le monde peut évidemment participer, célibataires, couple sans enfants. Un pari réussi selon Rena Horvátová :
« Le projet ‘La famille d'à côté’ ne permet pas seulement d'effacer certains préjugés mais il permet également de créer des liens d'amitié entre ces familles, ce qui se passe réellement. Nous savons que 60% des familles qui se sont rencontrés ces 8 dernières années se sont liés d'amitié et continuent de se rencontrer. Ensuite ces liens d'amitié s'étendent aux voisins ou aux collègues de travail, et c'est justement tout le sens de ce projet. Grâce à ces personnes qui font le lien, d'autres familles se joignent à notre projet, et c'est ainsi, de fil en aiguille que les préjugés peuvent disparaître. »
Le repas dominical annuel entre Tchèques et étrangers se tient ce dimanche 18 novembre, en République tchèque, mais aussi dans d'autres pays européens. Anna Mrázková :
« En République tchèque, nous avons 55 rencontres, ce qui veut dire que 110 familles se sont inscrites. Mais cela, c'est seulement en République tchèque parce que le projet s'étend à d'autres pays européens. C'est le projet ‘Family next door’, qui a lieu également en Hongrie, en Slovaquie, en Italie, en Belgique, au Portugal, en Espagne et à Malte. Donc ce dimanche 18 novembre se tiendront des repas dans 8 pays européens, ce qui signifie que dans le cadre de ce projet vont se rencontrer près de 420 familles, soit près de 2 000 personnes. »Il est encore temps de vous inscrire si vous êtes intéressés, soit pour rencontrer des familles tchèques, soit pour accueillir des étrangers chez vous. Le projet ne prend pour autant pas complètement fin ce dimanche 18 novembre en fin d'après-midi, après le café, comme l'explique Anna Mrázková :
« Cette année, il y aura un tournage sur ces rencontres dans tous les pays où le projet ‘Family next door’ se déroule. Quand le film aura été tourné, les spectateurs pourront se rendre compte comment fonctionne ce projet d'intégration. Ce sera comme un ‘best of’ des meilleurs moments dans tous les pays qui participent, et un film qui pourra être utilisé dans d'autres projets, comme dans des projets d'éducation multiculturels et le film sera distribué aux autres organisations qui travaillent à l'intégration des étrangers. »
Pour plus d'informations, et pour vous inscrire, puisqu'il est encore temps, vous pouvez consulter la page de Slovo 21. www.slovo21.cz