« En-dehors de Prague, ne pas parler le tchèque pose des problèmes »

Fondé en 2003, le Centre pour l’intégration des étrangers de Prague propose non seulement des cours de tchèque et services de conseil personnalisés, mais aussi des activités destinées spécifiquement aux familles ou aux adolescents.

Le Centre pour l’intégration des étrangers (CIC) a été créé pour répondre à un besoin : en 2003, si l’offre de cours de tchèque destinés aux étrangers à Prague était bien existante, les nouveaux arrivants étaient souvent livrés à eux-mêmes pour toutes les questions d’ordre pratique ou administratif du quotidien. Une sensation d’esseulement n’allégeant évidemment pas le déracinement… Actuellement, donc, outre des cours de tchèque langue étrangère destinés à des catégories de population variées et avec des niveaux divers, le Centre pour l’intégration des étrangers organise des clubs de rencontre permettant aux parents ou aux adolescents, par exemple, de rencontrer de façon régulière leurs pairs et d’échanger avec eux – en tchèque, bien entendu.

Le CLub des jeunes  (Mladý klub) à la patinoire de la tour de Žižkov | Photo: An Thuy Nguyen,  Centre pour l’intégration des étrangers

Par ailleurs, le Centre pour l’intégration des étrangers propose un service de conseil aux étrangers, parfois bien désemparés face à certaines situations. Un service qui semble d’autant plus essentiel que les résultats du dernier recensement de population, récemment publiés par l’Office statistique tchèque (ČSÚ), font état de quelque 4,7 % d’étrangers sur le territoire tchèque en 2021. Un chiffre d’ailleurs en augmentation par rapport au précédent recensement (2011).

Fournir des conseils aux étrangers et les aider à s’orienter, c’est la tâche d’Eva Kremlíková, travailleuse sociale au Centre pour l’intégration des étrangers. Qu’il s’agisse d’une consultation ponctuelle ou d’un suivi régulier, elle explique que l’approche est individuelle, adaptée aux besoins de chaque personne ou famille faisant appel aux services du centre :

Eva Kremlíková lors d'une séance de conseil pour les familles avec enfants | Photo: Gabriela Bulišová,  Mark Isaac,  Centre pour l’intégration des étrangers

« Pour ce qui est des consultations, cela dépend vraiment du besoin concret de la personne qui a pris rendez-vous, de la situation de vie dans laquelle elle se trouve. Nous pouvons donc proposer, selon les cas, des conseils à la recherche d’emploi, pour une réorientation professionnelle, pour la rédaction de CV, ou tout simplement nous expliquons comment s’orienter sur le marché du travail. Il peut également s’agir de conseils sur des questions plus générales, lorsque les gens veulent savoir à quoi ils peuvent prétendre en République tchèque, par exemple, ou lorsqu’ils ont besoin d’aide pour trouver une solution à une situation de vie compliquée. On appelle cela le conseil social spécialisé. »

« Par ailleurs, nous venons également en aide aux familles avec enfants qui se trouvent dans des situations de vie compliquées, qu’il s’agisse de difficultés scolaires, de difficultés avec la langue tchèque ou de harcèlement, ou bien de difficultés financières de la famille, par exemple en cas de perte d’emploi. Les familles d’étrangers avec un enfant atteint d’un handicap s’adressent également souvent à nous ; ce qu’elles recherchent, en général, ce sont des recommandations pour trouver une école adaptée aux besoins de leur enfant. »

Cours destiné aux familles | Photo: Petr Boháč,  Centre pour l’intégration des étrangers

De plus, un projet lancé récemment est destiné plus particulièrement aux jeunes de niveau scolaire secondaire. Eva Kremlíková explique pourquoi leur situation implique une approche particulière :

« Nous proposons un soutien complet ciblé sur le perfectionnement de la langue tchèque. Nous l’avons lancé à l’automne, avec l’ouverture de cours destinés aux jeunes. Il est nécessaire de rappeler que les jeunes enfants – qu’ils arrivent en République tchèque en même temps que leurs parents ou qu’ils les rejoignent une fois ceux-ci installés – sont scolarisés, car la scolarité est obligatoire. Et dans le cadre de l’école, ils bénéficient d’un soutien, d’autant que depuis septembre, les écoles ont l’obligation, d’un point de vue juridique, d’assurer un certain nombre d’heures de langue tchèque pour chaque enfant. Et puis, les autres matières sont enseignées en tchèque. »

Photo: Facebook de Centrum pro integraci cizinců/Centre for integration of foreigners

« En revanche, la situation est très différente pour les jeunes qui arrivent après avoir terminé l’école élémentaire dans leur pays d’origine, et qui souhaiteraient continuer avec l’enseignement secondaire en République tchèque. Pour eux, la situation est plus compliquée : tant qu’ils ne maîtrisent pas la langue, ils ne peuvent pas s’inscrire, ils ne peuvent pas étudier à un niveau secondaire. C’est donc pour cette catégorie d’âge spécifique que nous proposons des cours de tchèque, sous différentes formes : un cours d’un an, ou bien un cours intensif de 2 mois, suivi d’un cours de perfectionnement de 2 mois. En plus de ces cours, la famille collabore avec le travailleur social pour choisir un établissement d’enseignement secondaire adapté, pour les familiariser avec le processus d’inscription, les aider à remplir le formulaire et à fournir les documents nécessaires, etc. Nous les accompagnons dans ce processus. »

Le Club des jeunes  (Mladý klub) en sortie à Vítkov,  Prague | Photo: Helena Vlčková,  Centre pour l’intégration des étrangers

Outre son siège pragois, le Centre pour l’intégration des étrangers dispose d’agences dans différentes villes de Bohême : Kolín, Mladá Boleslav, Kladno et Litoměřice. Leur fonctionnement est financé par des subventions du ministère du Travail et des Affaires sociales ainsi que par le ministère de l’Intérieur, mais aussi par les régions concernées et la ville de Prague. Les services de conseil proposés aux personnes étrangères sont gratuits, comme le prévoit la législation tchèque. Le Centre pour l’intégration des étrangers propose également des cours de langue dits « commerciaux », et donc payants. Quant aux cours de tchèque destinés aux jeunes ou aux familles, ils bénéficient de subventions du Fonds social européen, qui permettent de les dispenser gratuitement, afin qu’ils soient accessibles même aux familles qui n’en auraient autrement pas les moyens.

Photo: Facebook de Centrum pro integraci cizinců/Centre for integration of foreigners

Les chiffres du recensement de population 2021 indiquent que les trois nationalités les plus représentées parmi les étrangers vivant en République tchèque étaient, par ordre décroissant, les Ukrainiens (1,4 %), les Slovaques (0,9 %) et les Vietnamiens (0,5 %). Le Centre pour l’intégration des étrangers constate une répartition par nationalité assez semblable parmi les étrangers qui ont recours à ses services. Eva Kremlíková :

« Pour ce qui est de la composition de notre public, en terme de nationalités, les Ukrainiens dominent clairement. Les Russes aussi. Dans les régions, notamment à Liberec, il y a beaucoup de Mongols. Il y a aussi beaucoup de Vietnamiens. Oui, en fait, cela correspond aux résultats du dernier recensement. Sauf pour les Slovaques, qui ne se présentent pas souvent ici. Pour eux, trouver les informations dont ils ont besoin n’est pas un problème, parce que la langue n’est pas un obstacle. Mais bien sûr, ils peuvent venir pour des problèmes d’ordre autre que linguistique. Nous sommes ouverts à tous les étrangers, bien sûr. »

Photo: Facebook de Centrum pro integraci cizinců/Centre for integration of foreigners

Pour en revenir à l’apprentissage du tchèque, Eva Kremlíková constate des inégalités importantes en fonction de la nationalité des apprenants – ou des non-apprenants. Elle rappelle en effet qu’à la différence des citoyens de pays de l’UE, pour obtenir le statut de résident permanent, les personnes originaires de pays tiers ont l’obligation de passer un examen de langue tchèque. Un examen dont le niveau exigé a même été relevé, en 2021, de A1 à A2. Le bagage linguistique dont disposent les étrangers, mais également leur immersion – ou non – dans la langue tchèque au quotidien joue également un rôle dans leur apprentissage linguistique – et leurs progrès. Eva Kremlíková :

« D’après ce que j’ai remarqué, les étrangers originaires de pays russophones et les Ukrainiens sont plus confrontés à la langue tchèque ; ils l’utilisent au travail. Puis il y a des étrangers qui vivent ici depuis longtemps, mais qui n’utilisent pas la langue, parce qu’ils travaillent dans des multinationales, où ils utilisent la langue de l’entreprise – l’anglais, dans la plupart des cas, et parfois le français. C’est courant, notamment à Prague. Dans ce cas, ils sont très peu exposés à la langue tchèque. Alors, leur apprentissage dépend vraiment de leur motivation – et d’autant plus pour les citoyens de l’UE, n’ont pas à passer d’examen de langue pour obtenir le permis de résidence permanente. Le fait de devoir faire preuve d’un certain niveau de tchèque est une condition qui ne s’applique qu’aux citoyens de pays hors UE. Cela me semble assez injuste, en fait. »

Photo: Facebook de Centrum pro integraci cizinců/Centre for integration of foreigners

« Pour les couples d’étrangers, lorsqu’aucun des deux n’est tchèque, il peut être très compliqué pour eux de régler quoi que ce soit. En général, l’un des deux essaye d’apprendre le tchèque, parce qu’ils se rendent bien compte que c’est nécessaire, notamment lorsqu’ils ont des enfants et qu’il y a plein de choses à régler, l’école, les docteurs… Il est donc important que l’un d’entre eux au moins maîtrise la langue de communication. D’autres familles, cependant, choisissent au contraire de mettre leurs enfants dans des écoles internationales. Et dans ce cas, les enfants n’apprennent pas le tchèque eux non plus. Ou si peu… A Prague, il est possible de trouver un docteur, des écoles, des activités extrascolaires en anglais ; des communautés se forment ainsi. Ce n’est donc pas vraiment un problème ; c’est l’argument financier qui entre en ligne de compte. Mais en dehors de Prague, c’est évident, ne pas parler la langue du pays est un problème. »

https://www.cicops.cz/cz/