La fête du 5 juillet 2001
Le 5 juillet est un jour de fête en République tchèque. C'est la fête des apôtres slaves, Cyrille et Méthode, arrivés en Grande Moravie vers l'année 863, pour propager la foi et la culture chrétienne dans la langue slave. C'était un grand événement historique, religieux et culturel dans l'évolution du premier Etat des slaves de l'Ouest, qui luttaient pour leur souveraineté et l'indépendance politique et religieuse.
Le 5 juin, Radio Prague a assisté à la pose d'une croix de réconciliation et à la bénédiction de la première pierre du futur monastère, où j'ai eu l'occasion de parler avec les moines et connaître l'histoire de leur aventure. A Novy Dvur, un lieu isolé, perdu dans les Sudètes, au milieu des collines boisées et des champs de blé, à une quarantaine de kilomètres de Plzen, il y a une vieille ferme baroque, construite au XVIIIe siècle par les prémontrés de l'abbaye voisine de Tepla. Abandonné depuis la Seconde Guerre mondiale, le bâtiment est en très mauvais état. En dépit de tout cela, cette ferme a été choisie par les trappistes de l'abbaye de Sept-Fons pour la transformer en un monastère cistercien. Mais vous-vous demandez, peut-être, pourquoi des moines de Sept-Fons en République tchèque ? L'histoire de la fondation du monastère cistercien en Bohême se confond avec l'histoire de Karel Satoria, ancien vicaire général du diocèse de Brno. A la fin des années soixante-dix, ce robuste Morave, souriant, participe à la création d'un groupe de catholiques engagés dans la résistance passive au régime. Plus tard, il entre au séminaire et devient prêtre. Après les événements de 89, il tombe sur le livre «La nuit privée d'étoiles » dans lequel son auteur, Thomas Merton, moine cistercien des Etats-Unis, décrit ce qu'est la vie contemplative. Le vicaire ressent le besoin de mieux connaître l'ordre trappiste. Il fait le tour des principaux monastères cisterciens d'Europe de l'Ouest, il se rend en Allemagne, en Belgique, en Suisse, en Italie et en France. Accompagné de quatre jeunes Tchèques, il arrive à Sept-Fons, en 1991, où, quelques mois plus tard, il reçoit l'habit monastique et le nom de Frère Martin. Après la pose de la première pierre et la visite de la future abbaye, nous avons demandé au Père Martin si les moines trappistes considéraient la République tchèque comme un terrain de mission. La construction du monastère de Novy Dvur coûte cher. Le seul travail des moines ne leur permet pas d'assumer de telles dépenses. Comment vont-ils vivre, vont-ils travailler, et où prendront-ils l'argent pour financer la construction ? Je connais le chemin du Père Martin vers Dieu et la vie monastique mais je voudrais savoir, aussi, qu'est-ce qui lui fait croire dans le succès de cette vie, en République tchèque. En République tchèque, aucun ordre religieux, ni les bénédictins, ni les cisterciens, ne vit vraiment une vie contemplative, car tous ont des activités de charité ou des obligations paroissiales. En dépit des sympathies qu'ils gardent à l'égard de la religion, les Tchèques croyants ou non croyants souhaitent qu'elle soit surtout utile. En quoi un ordre contemplatif peut-il être utile? Depuis l'arrivée du Père Martin à Sept-Fons, des centaines de Tchèques passent par l'abbaye, dont une douzaine est en formation au noviciat, actuellement. En 1998, les Tchèques sont trop nombreux pour que l'abbaye de Sept-Fons puisse continuer à les accueillir. C'est pourquoi ils envisagent une fondation en Tchéquie où il n y a pas de monastère trappiste. La décision tombe 900 ans après la création du premier monastère cistercien de Cîteaux, en 1098. Après plusieurs visites, les moines découvrent la ferme baroque de Novy Dvur qui, même en ruine, les enchante littéralement. Elle réunit tout : espace, isolement, harmonie, nature.
La reconstruction est confiée à John Pawson, architecte minimaliste de Londres, auteur de la boutique Calvin Klein de New York, ou des salons de la Cathay Pacific de Hong Kong. En dépit de la modicité des moyens, John Pawson considère ce projet comme très intéressant pour lui, et il le conçoit de sorte qu'il réponde à la fois à la qualité impressionnante du site, à son histoire, et aux exigences formulées par les moines. Ces derniers sont enchantés car le projet fonctionnel, lumineux et dépouillé répond parfaitement aux caractères cisterciens. Le projet ambitieux séduit un certain nombre d'entreprises françaises et tchèques, qui apportent un soutien technique et logistique (Lafarge, Bongrain, Saint-Gobain, Peugeot...), ainsi que nombre de sponsors privés.
En attendant leur installation, en août 2002, à Novy Dvur, cinq ou six moines français et tchèques habitent dans un village voisin pour surveiller les travaux de reconstruction. Frère Samuel de Sept-Fons, futur premier abbé de Novy Dvur, est chargé de la réalisation sur le terrain. Entretemps, il a appris le tchèque aux contacts des jeunes moines qui, eux, sont devenus parfaitement francophones. Je lui ai demandé si les moines français considéraient la Tchéquie comme un territoire de mission. Le chemin sera encore long et difficile, avant que les premiers moines puissent s'installer à Novy Dvur. Nous leur souhaitons bon voyage et bonne chance.