La formation d’un gouvernement de coalition soutenu par les communistes plus réaliste que jamais
Durant le week-end écoulé, le parti ANO, vainqueur des élections législatives d’octobre dernier, et le parti social-démocrate ont repris leurs négociations interrompues, en vue de la formation d’un gouvernement minoritaire. Dans le même temps, s’est également déroulé le congrès du parti communiste de Bohême et de Moravie, dont le soutien à cet éventuel cabinet est toujours en jeu. Un soutien auquel le président Miloš Zeman, présent au congrès, est d’ailleurs favorable.
Actuellement leur sont acquis les ministères de l’Agriculture, du Travail et des Affaires sociales, de la Culture et de l’Intérieur. Ce dernier était particulièrement souhaité par le parti social-démocrate en raison des poursuites judiciaires dont fait l’objet à l’heure actuelle le Premier ministre en démission Andrej Babiš. Il reste toutefois encore à décider si les sociaux-démocrates récupéreront la Défense ou le ministère des Affaires étrangères.
Si, d’après le vice-président du mouvement ANO, Richard Brabec, un accord devrait être possible d’ici la fin de la semaine, certains points de friction demeurent encore. Notamment, et on y revient toujours, sur la question d'Andrej Babiš, dans le cas où ce dernier se voyait condamné par la justice. Les sociaux-démocrates demandent un engagement écrit de sa part, ce que le président du mouvement ANO refuse :
« C’est un vrai problème pour moi. Je refuse catégoriquement ce genre de spéculation. Les poursuites dont je fais l’objet sont fabriquées de toutes pièces. Poser de telles conditions est étrange. Et je ne sais pas si le parti social-démocrate s’en rend compte, mais cela ferait tomber tout le gouvernement. En tout cas, ça ne me plaît pas du tout. »
Malgré certains points qui restent encore en suspens, l’optimisme semble être de de mise des deux côtés. Le parti communiste de Bohême-Moravie, qui devrait tolérer le gouvernement de coalition minoritaire, est censé rejoindre la table des négociations en cours de route. Ses représentants souhaitent en effet assurer leurs arrières, comme le précise son président, réélu ce week-end, Vojtěch Filip :« Je l’ai annoncé aux délégués du congrès : nous préparons un accord spécifiant que le parti va tolérer un gouvernement minoritaire. De même nous avons l’intention de nous engager en soutenant activement la création de ce cabinet. »
L’issue des négociations gouvernementales entamées en début d’année après que le précédent gouvernement Babiš a échoué à obtenir la confiance des députés, semble être désormais plus claire. A moins d’un nouveau revirement, la République tchèque devrait enfin avoir un gouvernement plus de six mois après les dernières législatives. Mais avec une configuration inédite car, si aucun membre du parti communiste n’en fera a priori partie, son simple soutien devrait être une première depuis la révolution de Velours qui a vu la chute du régime communiste en place depuis 1948.
Une telle situation ne semble guère choquer le chef de l’Etat tchèque, Miloš Zeman, qui n’a pas hésité à répondre favorablement à l’invitation du parti communiste, en congrès durant le week-end écoulé. Devant une assemblée de délégués qu’il a appelés « camarades », il a, comme à son habitude, habilement désamorcé les reproches qui n’ont d’ailleurs pas manqué de fuser d’un peu partout sur l’échiquier politique, suite à son intervention. Le chef de l’Etat tchèque a souligné que l’actuelle possibilité de jouer un rôle dans la formation du gouvernement était un moment unique pour le parti :« A l’heure actuelle se profile à nouveau à l’horizon, avec la participation du parti communiste et des sociaux-démocrates, la possibilité d’une direction des affaires publiques par l’ensemble de la gauche. S’il vous plaît, ne laissez pas passer cette chance, ne posez pas de conditions impossibles, vous aurez sans doute l’occasion d’y revenir dans les quatre années à venir. »
Si dans son discours, Miloš Zeman n’a pas fait l’impasse sur les crimes perpétrés au nom de l’idéologie dont le parti actuel se réclame, il a appelé ses membres à « faire pénitence », premier pas, selon lui, vers le « pardon ». Une rhétorique très « chrétienne » qui n’a pas manqué d’en faire tiquer plus d’un alors que pendant ce même week-end, se déroulaient des célébrations en l’honneur du retour au pays de la dépouille du cardinal Josef Beran, victime des persécutions du régime communiste dans les années 1950. Des célébrations auxquelles le chef de l’Etat, pourtant voisin de palier, pour ainsi dire, n’a pas daigné participer.